Forêt corinthienne / Eva Jospin / Chambre antique du Camérier / Palais des Papes
Mon travail accorde une grande place aux récits qui ne seront jamais faits.
J'essaie de créer des oeuvres-lieux fictionnelles, mais où il n'y a pas de narration.
Eva Jospin
Le Palais est en soi quelque chose d'énorme. Une ville dans la ville cernée de murailles. A lui seul il mérite une lente visite pour son altière présence, la noblesse de ses pierres, son honorable cour, ses inscriptions, ses salles, ses couloirs et ses passages. Il a depuis toujours accueilli des artistes et leur travail, certains destinés à demeurer, et d'autres à laisser une empreinte de passage.
L'autre jour, découvrir les œuvres d'Eva Jospin dans ce contexte relevait de l'éblouissement. Une expérience à en perdre le nord et son latin (et naturellement le sens des réalités).
Des forêts. Des décors baroques. Des tapisseries. Des montagnes de carton. Des kilomètres de soie. D'immenses constructions. Des mondes à se représenter S'il est des œuvres que l'on peut décrire et raconter, expliquer et analyser, il en est d'autres qu'on ne peut qu'approcher et tenter d'apprivoiser.
Par exemple, ces trois tapisseries de dix mètres sur trois cinquante, exposées pour la première fois en 2021, et qui trouvent dans le Grand Tinel un espace à leur mesure :
Chambre de Soie / 2021 / Le Grand Tinel
Chambre de Soie / Tapisserie centrale
Détail textile
Évoluer de salle en salle. Progresser dans un univers ne demandant qu'à être décrypté, sillonné, craint, exploré. Un espace à conquérir par l'imaginaire, en toute liberté. Soudain, la forêt de soie se transforme en forêt de bois et sur un territoire de vingt mètres carrés il est permis de se perdre, dans des abîmes ou des détails :
Forêt Galleria / 382x 510 x 45 cm / Eva Jospin / 2021 / Chambre du Parement
Devant tant d'infinis possibles, tant d'appels à voir, à reconnaître, à inventer, on en vient peu à peu à se sentir dépassée. La ville dans la ville dans la ville exige trop d'attention pour pouvoir être bouclée d'une seule traite sans être bâclée.
Il faut accepter de ne pas parvenir à en faire le tour. Accepter de lâcher prise et se promettre de revenir. Pour regarder encore et encore, de loin, de près, cet ensemble d’œuvres qui ne se laissent pas aisément cerner, mais qui invitent à se laisser submerger par mille histoires que tout visiteur sentira remonter.
Remonter d'où ? De son enfance, probablement, de son imaginaire, des contes entendus, des légendes lues, des terreurs vécues, des enchantements subis. Qui sait ? Chaque personne traversant silencieusement l'espace est libre de créer et d'emporter dans son sillage une infinité de mondes parallèles...
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