mardi 31 octobre 2023

Vivre : de fil en kiwis

 


Le marché de Casale M. est un des plus rugueux que je connaisse. Ici, rien de joli : on y vient pour trouver le strict nécessaire et pour faire des affaires. Vendredi, la place bruissait de mille salutations, conversations et interjections à propos de tapis, de casseroles ou de victuailles. En cette fin de saison, pas un seul touriste sur la piazza Castello, mais quantité de ménagères et de retraités rassemblés autant pour acheter que pour socialiser. 
Après quelques repérages, je me suis approchée d'un stand où de magnifiques artichauts sardes étaient exposés. J'en ai choisi une dizaine les imaginant déjà sautés avec de l'ail et du persil. Les trois Marocains qui tenaient boutique semblaient bien décidés à liquider leurs marchandises avant la fin de la matinée. Ils m'ont proposé des citrons (magnifiques et trop gros pour répondre aux calibrages imposés), des tomates qui ne demandaient qu'à être transformées en sauce (ce qui fut diligemment exécuté), des noix, véritables trésors de potassium qu'on me fit goûter, des bouquets de piments rouge flamme. 
Au moment de payer, je me suis vue transportée en plein Mahgreb : tout ce que j'avais demandé avait quasiment été doublé en quantité. J'aurais pu nourrir toute une smala avec ce qu'on me pressait d'acheter. Impossible. Irréalisable. Refus de ma part. Refus rejeté. Une âpre négociation a commencé. Nous avons fini par convenir d'un prix (par bonheur quelques clients pressaient pour être servis, faute de quoi nous y aurions passé la journée). Je suis donc repartie avec deux fois plus que le nécessaire pour un montant jubilatoire.
 
Rentrer de voyage ici n'est jamais une opération de tout repos. Il ne s'agit pas seulement de défaire ses bagages : les aliments rapportés réclament cuisson, mise en pot et congélation. Sans compter bien sûr l'opération réseautage auprès du voisinage. Les excédents furent distribués. Il fallut vitaminer les uns et expliquer aux autres comment apprêter les Asteracées. 
 
Le rapport avec la photographie ci-dessus ?  Certains voisins étaient en pleine cueillette de kiwis. Cette années leurs actinidiers ont donné avec une extrême générosité. Nous nous sommes retrouvés avec deux caisses de vitamine C. Nous savons comment amener progressivement les fruits à maturité (hermétiquement enfermés en compagnie d'une pomme), mais il y en avait objectivement trop pour nos besoins.
Le lendemain, nous avons donc déposé à Berne devant la caisse à livres un plein cabas avec une invitation à se servir. Une heure plus tard, le sac avait disparu. A 80 centimes la pièce au supermarché, il y avait de quoi régaler en bio kilomètre zéro une famille pendant toute une semaine (et joyeusement alléger son portemonnaie).


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