jeudi 5 janvier 2017

Voyager : au long cours...


Rembrandt / La Fiancée Juive (détail) / Rijksmuseum / Amsterdam


Il y a vingt-cinq ans, j’avais suivi une formation avec un thérapeute de famille, qui était venu nous parler du mariage. Je me souviens encore – à peu de choses près – de ses mots pour entamer le sujet:
Un mariage qui dure, ce n’est pas une longue ligne droite, pas un voyage ronronnant, c’est une suite de crises, de divorces et de remariages. Moi-même, là, après trente ans, je viens tout juste de me remarier avec ma femme….
C’est vrai qu’il faut être fou, givré, niaisement romantique, inconscient, taré, ou atrocement conformiste, pour s’imaginer pouvoir passer toute sa vie embarqué dans un genre de croisière, auprès d’une personne choisie à un moment donné, simplement par le fait d’un contrat et d’une ferme intention initiale.
Avec le temps, j’ai acquis moi-aussi, comme le thérapeute, ma petite expérience et je confirme : pas de routine possible, pas d’ennui au fil des jours qui se suivent et se ressemblent. Pas de traversée plan plan, Et pas de plan retraite du côté du cœur.
Un couple qui dure est sans cesse placé sous le signe du défi. (Je repense du reste régulièrement à la citation basique : Un mariage, c’est résoudre à deux des problèmes qu’on n’aurait jamais eu si l’on était resté seul. On ne saurait mieux dire.)

Le concept est assez simple : Il s'agit de garder à l’esprit chaque jour que rien n’est acquis. On se quitte le matin, on se retrouve le soir. Et durant cette journée, il s’est passé, pour l’un comme pour l’autre, des expériences, marquantes ou pas. On porte donc chaque soir sur cet autre qui rentre un regard de débutant, un regard neuf. Penser pouvoir connaître vraiment une personne relève d’une illusion optique. Un peu comme une de ces boules miroir à facettes dont on ne fait jamais le tour, l'autre doit sans cesse être envisagé sous un angle nouveau. La seule chose stable reste l'intérêt pour le sujet (é)mouvant.

Ce concept nous a amenés assez vite à l'idée du contrat reconduit annuellement. Début janvier, on se retrouve autour d'une belle table. On fait un bilan, on discute des problèmes, des réussites, des challenges à venir. Et à la fin, on décide : oui, non, peut-être ? Il y a eu quelques années « peut-être », des années trois mois à l'essai. Mais jusqu'ici, le cœur nous en a toujours dit.

Alors, on part se remarier. On va se redire « oui » sans témoins, dans une petite église différente à chaque fois.  Mariés civilement, non croyants, nous avons besoin de la sérénité de ces lieux désertés, où la buée de nos serments tremble dans la pénombre.

Etant, fondamentalement, benêts et romantiques, la cérémonie a lieu chaque année à Venise, au plus froid de l’hiver. On a fini par connaître pratiquement toutes les églises de la Sérénissime. Et on l’a visitée par tous les temps : giboulées, neige, pluie, brume, acqua alta, soleil pâle ou insolent.

Cette année, il a annoncé qu’il aimerait faire bénir notre union (sic !) par le curé de la paroisse où a été baptisé Vivaldi (ayant fait sa connaissance l’an dernier, il l’a trouvé très jovial). Lui, l'ex militant d’extrême gauche, l’athée convaincu ! On verra ça… En attendant, je me réjouis de retrouver la lagune. Je me languis de l’air du large, de ces vents qui remontent d'Afrique ou descendent des Alpes, maestrale, scirocco, tramontana, bora, et d'inspirer à pleins poumons...

Quant à savoir si cette année, ce sera "oui", "non", "peut-être", il me reste encore quelques jours de réflexion...

2 commentaires:

  1. Si tu veux un peu de Mistral, j'en ai à revendre ...
    Blague à part, quel texte fabuleux !
    C'est tellement tout à fait ça. Un CDD avec explicite reconduction...
    ¸¸.•*¨*• ☆

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    1. ah!zut alors! Moi qui aime faire des textes courts et toi qui résumes si bien le mien en quatre mots : CDD avec explicite reconduction! Bravo, Célestine, parfaitement capté!

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