Baie de Sapri / automne 2015
"La vie matérielle" n'est pas forcément un livre facile. C'est un recueil de textes, rédigés avec Jérome Beaujour et paru en 1987. MD disait elle-même à son sujet : «Ce livre n'a ni commencement ni fin, il n'a pas de milieu. Du moment qu'il n'y a pas de livre sans raison d'être, ce livre n'en est pas un».
Et, dans « cette espèce de livre qui n'en est pas un », MD « parle de tout et de rien comme chaque jour, au cours d'une journée comme les autres, banale ». Elle dit « prendre la grande autoroute, la voie générale de la parole », dans une suite qui peut paraître décousue, mais qui permet de mieux connaître la femme, la personne, à travers le regard qu'elle porte sur la vie ordinaire.
Je le parcours par petits bouts, et souvent quand je suis en voyage, vu qu'il est chargé sur ma tablette. Il me fascine, me déconcerte, avec cette écriture si proche de la langue parlée, qui va et qui vient, sans qu'on parvienne toujours à la suivre. J'y ai trouvé ce passage, qui évoque si bien l'espace partagé, les êtres aimés, présents dans la maison, même quand ils sont absents :
A Neauphle, souvent, je faisais de la cuisine au début de l'après-midi. ça se produisait quand les gens n'étaient pas là, qu'ils étaient au travail, ou en promenade aux étangs de Hollande, ou qu'ils dormaient dans les chambres. Alors j'avais à moi tout le rez-de-chaussée de la maison et le parc. C'était à ces moments-là de ma vie que je voyais clairement que je les aimais et que voulais leur bien. La sorte de silence qui suivait leur départ je l'ai en mémoire. Rentrer dans ce silence c'était comme rentrer dans la mer. C'était à la fois un bonheur et un état très précis d'abandon à une pensée en devenir, c'était une façon de penser ou de non penser peut-être - ce n'est pas loin - et déjà, d'écrire.
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