Portrait de femme / Dirck Jacobsz / MBA / Besançon
Elle a essuyé pendant des années des rebuffades, des refus insensés à ses demandes d'un poste à responsabilités (refus qui n'étaient pas étrangers à son statut de femme, "tu es trop dans le médiation, tu recherches trop le compromis" a-t-elle entendu plus d'une fois.)
Parallèlement à cet univers sans pitié, elle effectuait quotidiennement et cinq fois par semaine des trajets en voiture longs et fastidieux, affrontant le stress des routes saturées. Un jour, lors d'un accident de la circulation, elle a heurté un motocycliste qui est décédé vingt-quatre heures plus tard. Elle a dû faire face à sa culpabilité, jusqu'à ce que les longues étapes de l'enquête aboutissent à un non-lieu.
Son fils luttait depuis sa naissance contre une défaillance impardonnable de son cœur. Il a succombé l'an dernier, il n'avait pas vingt ans. Elle a alors connu le chagrin indicible d'une mère, elle a soupiré en voyant prendre fin la trop longue liste de ses espérances déçues.
Son mari est régulièrement en recherche d'emploi. Sa fille vient de partir vivre sa vie ailleurs. Ses parents sont décédés, l'un après l'autre, elle a connu les déchirements qui lacèrent les fratries autour de quelques biens.
Enfin, la cinquantaine venue, après vingt ans passé dans cette boîte broyeuse de talents, le poste qu'elle convoitait depuis si longtemps, voici qu'on le lui a enfin attribué (il faut dire qu'il n'y avait plus de candidat masculin disponible à l'horizon).
Elle y est enfin parvenue. Elle s'accroche. Il n'y a aucune raison pour qu'elle soit moins compétente que ceux qui l'ont précédée. Il y a quelques chances pour qu'elle sache mieux esquiver quelques conflits superflus. Elle met en place une stratégie de survie. En disposant ses pions, elle n'a ni mémoire ni pitié. Elle se défait de certains collègues sur lesquels elle avait compté pendant des années, elle se trouve des nouveaux alliés. L'important est de tenir bon. Elle a tout fait pour y accéder, à ces responsabilités, elle fera tout ce qu'elle peut pour les garder. Quel qu'en soit le prix. Car ce poste est devenu sa bouée, sa seule véritable raison de continuer.
Il y a des personnes qui portent en elle une force incroyable. Et devant cette force, on se sent tout petit. Merci pour ce portrait plein de vie, de souffrance mais aussi d'espoir. La vie quoi, dans ce qu'elle a de beau mais aussi de désespérant. Bises alpines.
RépondreSupprimerUn parcours de vie, une vie de femme, une femme forte qui trace sa voie dans un monde d'hommes, malgré les embuches et les épreuves. Pas facile, pas évident. Merci à toi, Dédé, merci pour ta lecture.
RépondreSupprimerQuel poste, radio ? (sourire)
RépondreSupprimerBouleversant (auto ?)portrait, je suis admirative face à ton courage... même que parfois le choix n'existe pas.
Bonne soirée, Dad. Bises tendres.
Non : un poste télé, en noir et blanc. Noir, comme les événements, et blanc, comme le courage d'aller de l'avant. Bonne journée, ensoleillée, et un beau début de semaine.
RépondreSupprimerJe suis allée sur ton blog hier, j'ai tenter de commenter, mais... impossible. Je voulais t'encourager à poursuivre tes recherches photographiques, tout ton merveilleux potentiel : tu es capable de capter des histoires sans paroles, des histoires profondes, animaux, humains, réalités de la terre. Es-tu capable de prendre ton talent au sérieux ?
Mon (supposé) talent est largement surestimé et totalement subjective :)
SupprimerEn tout cas merci d'apprécier mes (hum) photos, j'étais à deux doits de supprimer mon blog.
"subjectif" :)
SupprimerJe suis de l'avis de Dad, Julie, tu as beaucoup de talent ! :-)
SupprimerAdmettre son talent, c'est admettre qu'il faut faire des efforts et travailler, qu'il faut oser et se donner. C'est certainement plus facile de dire que les compliments sont surestimés.
SupprimerSévère, Dad, cet après-midi, n'est-ce pas ? Sévère, mais juste, je crois. :)
Au contraire, les compliments (en général) me mettent mal à l'aise, mais j'adore les critiques bienveillantes et fondées :D
SupprimerMerci Dad, merci Françoise :) Bonne soirée.
Il n'est pas encore évident pour une femme de faire sa place, il lui faut se battre, ne pas se décourager, persévérer, mais que c'est épuisant et parfois démoralisant. Oui, tu nous parles d'une femme forte, je lui souhaite de continuer et de tenir bon.
RépondreSupprimerJe t'embrasse, chère Dad.
Les femmes fortes sont nombreuses. Elles sont taiseuses et obstinées. Et, hélas, oui, comme tu le dis, il n'est toujours pas évident pour elles de faire leur place : toujours cette frontière de verre qu'on leur oppose, l'impossibilité de progresser, les non non-dits. En l’occurrence, l’héroïne du billet a bien su s'accrocher (je crois qu'en fait, elle n'avait pas le choix : c'était réussir ou craquer. Elle a préféré réussir. Tant mieux) Belle aprèm, Françoise.
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