samedi 23 novembre 2019

Vivre : solitudes lémaniques






Ne pourriez-vous pas vous déplacer, venir plutôt de ce côté, non pas par ici, plutôt par là ? La femme semblait faire toute une affaire du jeu de deux chiens sur les rives dociles d'un lac resplendissant. Elle voulait attirer son clébard sur l'autre plage, dont la pelouse était selon elle plus adaptée, un peu plus loin, un peu plus en sécurité. Elle se montrait craintive, et interrogative, elle se rongeait les ongles (d'où lui venait donc cette anxiété sur son visage émacié que le soleil et la douce lumière ne savaient pas apaiser ?)

Attention, vous allez me renverser, attention, regardez comment vous conduisez! La femme sur le trottoir semblait très affectée à l'idée de céder le passage à une voiture qui s'engageait sur la chaussée. Sa démarche avait la rigidité et la précaution de ceux qui ont beaucoup aimé et beaucoup perdu (à moins qu'elle n'évoquât l'aspiration à des amours qu'elle n'avait jamais connues).

Vous verrez, Lena, autour des yeux, il ne faut pas vous inquiéter, c'est normal la première fois, l'intervention va très bien se passer, tout au plus aurez-vous pendant deux ou trois jours quelques bleus. Quand ladite Lena a pris congé, sur la terrasse, ses deux compagnes l'ont regardée s'éloigner avant d'égratigner en trois phrases et son appartement et sa manière de l'aménager et sa couleur trop foncée. C'étaient des femmes tellement ridées qu'on pouvait se demander depuis quand elles étaient en travaux et combien de temps durerait leur chantier (y avait-il seulement quelqu'un à leurs côtés pour aimer ces sillons laissés par les années ?)

Sur les rives cossues du Léman, il arrive qu'on croise des gens élégamment sapés, aux silhouettes compassées, il arrive qu'on entende de drôles de phrases voler, dont les mots déposent comme une imperceptible poudre grise sur le paysage et ses beautés.

4 commentaires:

  1. La terre,
    dans le creux de sa main,
    offre de l’eau au ciel.

    Comment l’homme peut il être assez fou
    pour vouloir s’approprier avec pique et grillage,
    la roselières, le lac, les montagnes et le ciel
    ne sait il donc pas que tout cela lui appartient déjà
    comme à chacun de nous ?

    Sourire
    de la teinturerie Lyonnaise.
    Si la peinture et le reflet du paysage
    je crois que je préfère m’asseoir sur le banc
    et vivre le paysage

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  2. Merci pour ce commentaire sensible. Les rives lémaniques sont accaparées par des nantis, autochtones et étrangers, avec des propriétés de plus en plus verrouillées, cadenassées, et c'est fort dommage, car elles regardent les Alpes et sont de toute beauté. Une beauté que l'on pourrait partager. Mais, à les entendre parfois, il ne semble pas que les nantis soient heureux de leurs privilèges : murés, emmurés, pas forcément comblés. Bon dimanche à toi, Pascal.

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    1. Ces personnes étaient-elles sensibles à la beauté du paysage ? J'ai comme un gros doute... Pourtant ce paysage lémanique est magnifique. Merci de nous offrir ces belles photos, Dad.

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    2. Gros doute, en effet, peut-être qu'à force d'avoir la beauté sous les yeux on peut finir par la banaliser ? par trouver tout cela par trop normal et évident ? or, l'évidence, c'est qu'un beau paysage se renouvelle de jour en jour, d'heure et heure, et a toujours quelque chose de précieux à nous offrir. A nous de garder les yeux grand ouverts! Belle nuit et doux rêves.

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