dimanche 31 octobre 2021

Vivre : changement de cap

 

 
Dans le ciel, très haut, caressant les feuillus à flanc de colline, décrivant des volutes acrobatiques, les busards portent sur le village un regard flegmatique.

Les petites maisons de vacances aux fenêtres bleues donnant sur des jardins fleuris disparaissent une à une, à mesure que les silhouettes menues penchées sur leurs arrosoirs ne sont plus aptes à les couver. De grosses machines débarquent alors, qui ne font pas de quartiers : adieu arbres fruitiers, plantes aromatiques, buissons colorés, tout s'arrache pour y planter de froides silhouettes blanches avec garages et piscines incorporés. De plus en plus de gabarits sont piqués, qui effleurent de nobles quinquagénaires où les merles aiment à venir nidifier. C'est qu'il en faut de la place pour nager dans le chlore en toute liberté, vue plongeante sur le lac, quand on n'a que le week-end pour décharger tant de stress accumulé.
 
De ronronnantes cylindrées s'aventurent de plus en plus sur les chemins bien exposés. Elles émergent de parkings souterrains, où les cases leur semblent toujours plus étriquées et certaines n'hésitent plus maintenant à occuper deux places pour se loger. Elles quittent pour quelques heures la ville cosmopolite où elles vrombissent en vain, prestement conduites par des personnages secs et bien sapés. Ils descendent pressés, pressés d'aller retrouver leurs voiliers, ou de rejoindre leurs sous-sols où ils trouvent à se muscler.

Les busards survolent les événements avec une impassible élégance: ils étaient là avant, ils resteront là bien après, plus rien ne peut vraiment les étonner.

2 commentaires:

  1. Philosophiquement élevés, Les busards observent les humains foutre dans le bazar.
    Il n'y a pas que les tropiques qui soient tristes… même ici la civilisation occidentale ravage tout.
    Un texte dont la qualité dit beaucoup.

    (C'est une vue du Léman ?)

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    1. Les busards : mes oiseaux préférés. Oui. C'est assez triste d'assister impuissants à ces phénomènes de "gentrification". Les prix grimpent grimpent sous l'effet de la demande. Les vieux décèdent. Leurs familles vendent. Les petits-enfants vont se loger dans de petits apparts. Et ça change le paysage, les relations, les attitudes (une chose aussi simple que se dire bonjour quand on se croise).

      Le Léman ? Non. Je n'ai pas de photo à hauteur de busard. J'ai dû emprunter une vue marine. Belle soirée à toi.

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