Le joueur de théorbe / Antiveduto Gramatica / Galleria Sabauda / Musei reali di Torino
Il a décrit l'homme avec enthousiasme : jeune, franc, accueillant. Il s'est dit frappé par sa manière de prodiguer ses explications, d'intervenir à bon escient, mais seulement à bon escient, en demeurant adossé au plan de travail, décontracté, les bras nonchalamment croisés. Un relâchement élégant qui n'était probablement dû qu'à la certitude d'être à sa juste place, d'y faire exactement ce qu'il avait la capacité et l'envie de faire et de ne subir aucune pression extérieure significative (peu désireux probablement de se mettre lui-même la moindre pression superflue). Loin des cuisiniers toqués, pressés de se surpasser, invités à la lutte constante pour être classés. Moins connu, certes, mais tellement à l'aise dans sa cuisine et dans sa vie, négligeant la course aux étoiles, affichant l'assurance désinvolte de pouvoir tenir dans la durée.
Coucou ma Dad. Quel regard volontaire pour ce joueur de théorbe!
RépondreSupprimerTon texte donne à réfléchir. Je suis en train de me poser tellement de questions sur ma vie professionnelle. Et de revoir sans doute mes exigences à la baisse. Ne vaut-il pas mieux bien faire son travail au plus près de sa conscience, soucieux d'accomplir de belles et bonnes choses au lieu de se prendre la tête à courir après les promotions, les avancements, les trucs et les machins qui peut-être ne viendront jamais car pour accéder au grade au-dessus, il faut dépenser tellement d'énergie et être tellement "politiquement correct", voire même parfois "faux-jeton". Etre conscient du moment présent et arrêter de vouloir toujours plus.
Tiens, ce matin-même, j'ai eu un entretien avec un monsieur de 61 ans qui se bat pour retrouver du travail. C'est un bonhomme que je qualifierai de "solaire". Quand il sourit, la vie est plus belle, quand il parle, c'est une leçon de vie, quand il se tait, ses yeux parlent. Il m'a dit à la fin de l'entretien: "Madame, nous n'avons pas besoin de parler, rien qu'en se regardant, on se comprend. En tous les cas, merci et encore merci. Vous serez toujours dans mon coeur". Et bien rien que pour cela, je suis contente d'avoir fait mon travail aujourd'hui.
Bises alpines. Cet après-midi, toute la famille va se réunir pour un dernier hommage. Ce sera difficile mais le soleil brille et les montagnes sont belles.
Quand une personne meurt en laissant un souvenir lumineux d'elle à ses proches, c'est en soi le signe d'une très belle evie. Mes pensées seront avec vous cet après-midi.
RépondreSupprimerOui, ce joueur de théorbe a lui aussi quelque chose de lumineux dans le regard. Je suis prête à parier qu'il joue aussi bien que le chef sait cuisiner (c'était un jeune chef, dans un restaurant excellent de Toscane)
Je suis également persuadée que tu fais très bien le travail que tu es appelée à accomplir, pour le bien et dans le respect des personnes qui viennent te consulter. Pour ma part, c'est une chose que je considère comme essentielle, la chose la plus importante. Mais... nous vivons dans un monde où les gens veulent paraître, "arriver", "réussir", "grimper". Et, s'il peut advenir que des personnes compétentes et honnêtes montent dans la hiérarchie, hélas, souvent, trop souvent, ce sont des personnalités médiocres, opportunistes, soumises aux règles et applicatives, qui obtiennent des postes dits à responsabilités. J'ai connu un ou deux directeurs lumineux et charismatiques. J'ai trop connu de chefaillons déprimants. A chacun de voir si le jeu en vaut la chandelle et quelle est ta marge de manœuvre actuelle. Je ne doute aucunement de tes capacités. Je doute en revanche de la faculté des institutions à laisser de la place aux intelligences innovantes. Vaste question. Mais si tu parviens à la clarifier, tu perdras moins d'énergies et tu garderas celles qui te restent pour en faire bon usage.
Profonde et belle après-midi à toi.