dimanche 20 mars 2022

Vivre : connexions

 

 
Sur la place, applaudir à s'en brûler les doigts, besoin d'applaudir jusqu'au sang, jusqu'à l'épuisement, pour leur faire entendre qu'ils ne sont pas seuls, pour leur transmettre à travers des connexions aléatoires, un mot sur deux c'est déjà ça, leur dire que nous sommes là, qu'ils ne sont pas abandonnés, qu'ils survivront dans leurs élans, dans leurs idées, dans leurs combats. Qu'ils survivront peut-être tout court, on ne sait pas.
Sur la place, il y avait beaucoup de gens. Ou étonnamment peu. Mais peu importe. Il y avait du jaune et il y avait du bleu. L'essentiel était d'être là. De scander que nous étions unis, de siffler une multinationale qui n'a de nid que le nom, de dire que le soleil que nous avions ici, on le leur envoyait en pensée là-bas. We are one
Deux présidents, l'un présent, l'autre très loin. Très loin, mais si près. Qu'on entendait par moments. Et puis qu'on n'entendait plus. Qui remerciait, qui dénonçait et qui invitait à faire plus. 
A deux pas, la foule du samedi déambulait, imperturbable. Le printemps était de retour : il était temps de penser à renouveler sa garde-robe, profiter enfin des terrasses. Un autre monde, aurait-on dit. Un autre monde. Le plus difficile, sans doute, était d'avoir à naviguer tour à tour dans l'un, puis dans l'autre, et de zigzaguer ainsi entre légèreté et gravité, entre douleur et émotion, le chien pensif sur les talons.

2 commentaires:

  1. Regarder ailleurs, oublier que là-bas les bombes pleuvent sur certaines villes et que la population civile trinque, une fois de plus. Regarder ailleurs, oublier que nous ne sommes qu’à quelques 2000 kilomètres ou dit autrement dit, à 25 heures de voiture de ce pays où les gens pensaient vivre, travailler, s'occuper de leurs affaires.

    Rêves brisés, les réfugiés arrivent, les soutiens s’organisent, souvent aussi organisés par la société civile, les associations, les administrations, sans parler des ONG et des gouvernements. Les bombes pleuvent, mais peut-on laisser faire la guerre aux autres, éventuellement même à notre place ?

    Les images sont de plus en plus dures, mais pas tellement plus que celles de la Syrie qui nous arrivaient le soir, mais par contre elles montrent une réalité tellement, tellement plus proche.

    Alors oui, il faut être solidaire comme on le peut, avec les moyens que nous avons.



    Gaspard

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    1. Merci pour ce beau commentaire. Difficile de répondre. Je peux juste relever quelques questions qui me "travaillent" ces derniers temps :
      - La Syrie, il me semble, c'étaient les mêmes horreurs, mais il y avait l'éloignement géographique et surtout, une impression d'impuissance plus forte. A présent, il semble que la société civile puisse davantage se mobiliser auprès de ses différents gouvernements.
      - Regarder ailleurs : par indifférence, par découragement, par lâcheté, par impuissance ? Chacun fait-il ce qu'il doit, veut, peut ? Dès lors, à chacun de faire comme il le sent. Pas de leçons à donner en matière de solidarité. Mais je crois que moins on fait, et plus on ressent l'affreux sentiment d'impuissance.
      - La répétition. Il semble que ce que notre continent a vécu dans les années 1930 soit en train de se reproduire (avec d'autres technologies). Je crois de moins en moins à une notion de progrès humain. Au niveau technologique, peut-être. Au niveau intériorité, non.
      - La paix. En principe, tout le monde la veut. Peut-on l'atteindre en méditant, en restant gentiment à l'abri ? En se voulant "gentil" ? Peut-on atteindre la paix en se disant et en se voulant gentil ?
      Belle journée à vous.

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