jeudi 17 janvier 2019

Vivre : Still life / 59




Depuis l'enfance, la papeterie dans tous ses états me met dans tous les miens. Gommes, crayons, papiers, rien de tel pour m'enthousiasmer. Il y a une minuscule échoppe sur le pont Rialto, dont on franchit la porte tous les mois de janvier. 
On a connu le propriétaire, qui tenait le magasin de son père. Ensuite, sa femme. Au fil du temps, on a fondu pour des carnets, pour des encriers, pour des plumes, pour des albums reliés. On a déniché aussi pas mal de cadeaux sur les étagères pleines à craquer.
Un jour, R. a pris un cliché de la dame, avec moi à ses côtés. On l'a ensuite vu épinglé derrière la caisse, selon les passages. Parfois il glissait derrière le comptoir, mais l'année suivante on le retrouvait. Le temps a passé. Un jour, on n'a plus revu le monsieur et la dame nous a répondu avec une mine défaite. 
Ces dernières années, on la voit de moins en moins. Ses filles, qui la remplacent, disent qu'elle aime désormais quitter les brouillards vénitiens pour le soleil du Mexique ou du Costa Rica.
Derrière la caisse, aujourd'hui, des Coréens, des Japonais, des Américains sourient sur des photos qu'ils ont prises avec la propriétaire. Quand je désigne notre cliché, on a toujours droit à un rabais. Avec l'euro, les prix ont grimpé. Un site de vente en ligne a été créé. Sur leur page d'accueil, il est écrit : La passione non è mai fuori moda. 
L'étui à stylos et le calepin, avec son cahier rechargeable, m'accompagnent où que j'aille. Du bon vrai cuir dont on nous assure qu'il est travaillé en Vénétie et qui se patine à force d'être employé. 
Ils me rappellent tous les jours que, sur le pont Rialto, une petite échoppe défie le temps entre continuité et changements.

2 commentaires:

  1. Coucou. A l'heure du "tout-numérique", je trouve que ce genre de petit magasin mérite que les clients s'y arrêtent, prennent des nouvelles et s'enthousiasment pour de beaux objets. Il faut espérer que les filles de la dame continuent et que le nombre de clients fidèles augmente.
    J'aime bien ta façon de raconter et de visiter les villes que tu traverses. Tu sais saisir les petites choses, hors des sentiers battus, qui sont le poumon d'une ville ou d'une région. Bises de plaine fatiguées.

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    1. Il pleuvine sur la lagune... très peu de touristes (la meilleure des saisons pour arpenter la ville selon moi). Fatigue? Demain je crois que tu auras un repos bien mérité. Me rejouis de te lire... belle nuit beaux rêves...

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