mardi 2 avril 2019

Ecouter : Virginia, Agnès et les mots


La liseuse (détail) /  JB Corot / collection Bührle / fondation l'Hermitage / 2018


Durant L'Heure bleue, l'autre soir, Laure Adler a prié son invitée, Agnès Desarthe, de traduire et commenter une archive sonore de Virginia Woolf. C'est toujours émouvant d'entendre la voix d'un écrivain disparu. La voix transmet plus qu'un discours, elle est porteuse de l'ADN émotionnel et intime de celui qui s'exprime.
Et Agnès Desarthe – dont la voix est à la fois empreinte d'éclat et de vivacité - sait parler merveilleusement de ceux et celles qui écrivent. Elle fait partie de ces écrivaines que j'aime mieux écouter que lire. Se prêtant à l'exercice, elle a dit ceci :

Elle [V.W.] parlait des relations entre les mots et de leurs enlacements. C'était important pour elle, qui était un immense poète, de faire se rencontrer au sein de sa phrase des mots qui ne s'étaient jamais rencontrés avant. Elle était une agence matrimoniale pour mots, et c'est peut-être une sorte de définition du poète qu'on pourrait donner : l'agence matrimoniale pour mots. Qu'ils se rencontrent et qu'ils fabriquent une nouvelle réalité. Il y a le monde, il y a ce que la littérature en fait et il y a le monde que fabrique la littérature à partir de ces rencontres insolites, fortuites, que le poète met en place et qui nous permet de voir au-delà de ce qui nous apparaît dans le monde de manière triviale.

Oui, le poète est celui qui sait enlacer les mots, provoquer entre eux des rencontres déconcertantes, des mariages détonnants. Cela vaut aussi pour l'écrivain doué, qui sait pousser au divorce les alliances attendues, casser les couples de mots trop convenus se délitant d'ennui, pour faire naître des liens nouveaux.
 

2 commentaires:

  1. Finalement, poétiser c'est comme trouver chaussure à son "pied".
    Compte tenu de la beauté de tes textes, le mariage devient partouse :)
    Bonne journée, Dad. Bises.

    RépondreSupprimer
  2. "Poétiser, c'est trouver chaussure à son pied":
    un bel alexandrin, Julie, qui tombe à point nommé !
    Oui, comme en poésie, le pied est important.
    Surtout quand on le prend ! Beaux, mes textes ?
    C'est top gentil, Julie, je m'éclate juste en écrivant !
    Belle après-midi ! Belles photographies !

    RépondreSupprimer