jeudi 28 mai 2020

Vivre : attentifs, attentionnés


Les effets du bon Gouvernement (détail) / Ambrogio Lorenzetti / Palazzo communale / Sienne

Enfin, après trois mois, retour au marché de L., rutilant sous un soleil insolent.Toujours aussi sympathique, animé, décontracté. Les stands réarrangés, judicieusement dispersés, des instructions claires, des marchands avenants et une atmosphère bon enfant (la discipline helvétique à l’œuvre dans toute sa légendaire efficacité). Toutefois, quelques tensions, perceptibles ça et là. La maraîchère ridée qui proposait sa belle rhubarbe rouge semblait un brin décontenancée, déboussolée : fraîchement déconfinée, elle faisait le matin même sa rentrée. Des gens, plutôt âgés, pour qui deux mètres semblaient devoir en faire le double, et qui s'échappaient, ou faisaient de grands gestes pour demander de reculer. Une vendeuse à la boulangerie, excédée par une cliente qui ne parvenait pas à se décider, et franchement irritée, quand elle a dû lui expliquer la mise en place d'un self-service et d'une caisse séparée pour le café. 
De nouveaux codes doivent être intégrés, c'est sûr, de nouvelles manières d'être en société. Chacun se voit sommé de faire autrement. Pour les vendeurs : répétition des explications à chaque nouvel acheteur. Pour les clients : variation de procédure dans chaque magasin. Ainsi, le fromager ne veut que du cash, alors que chez le boucher, seules les cartes de crédit sont désormais acceptées et ainsi de suite... parcours fléchés, habitudes malmenées et capacités d'adaptation sollicitées.
Nous devons apprendre à composer avec les nouveautés, gérer notre stress, intégrer les changements, c'est-à-dire apprendre à perdre et à retrouver des équilibres continuellement. Mais nous devons aussi tenir compte des difficultés des autres, de leur anxiété, de leur égarement au sortir du confinement. On lit parfois dans certains regards
le désarroi, on sent parfois l'angoisse roder, on entend ça et là une voix haut-perchée, signes que certains se sentent déstabilisés. Il s'agit en conséquence, et plus que jamais, non seulement d'être attentifs à notre propre réalité, mais aussi nous montrer attentionnés envers toutes sortes de fragilités. Il s'agit d'être présents, et plus que jamais, à l'instant présent.

8 commentaires:

  1. Beaucoup de gens évoquent « ce qui doit changer »
    eh bien voilà une belle illustration de la réalité.
    Tout cela est finement observé.

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    1. En entrant dans le confinement, malgré les restrictions et les inconnues, nous nous sommes protégés. Maintenant, sortir demande de prendre des risques. Et les inconnues demeurent. En conséquence, nous entrons donc dans une période plus délicate. Pour tout le monde, car chacun est insécurisé pour divers motifs (sanitaires, professionnels, économiques). Il n'y a que les inconscients pour se réjouir. Sommes-nous en train de sortir du tunnel ou ne faisons-nous qu'y entrer ? qui sait ?

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    2. Hier on se réjouissait de retrouver la libre circulation et que globalement tout allait réouvrir…
      Hier sur la planète, en une seule journée, on avait jamais eu autant de cas de covid 19…
      ce monde est merveilleux !

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    3. Un monde merveilleux ? je perçois l'ironie, mais j'ai envie de te répondre au premier degré. Je savais depuis longtemps que le monde est sauvage, et cruel, et déstabilisant, et impermanent. Depuis que ce Covid est entré dans notre vie, je le sais encore plus, encore plus fort. Et pourtant, à cause de toute cette fragilité, de toute cette insécurité, le monde, j'ai envie de le prendre tel qu'il est, aujourd'hui, juste là, maintenant et de le trouver merveilleux, avec son soleil, avec sa brillance. Que faire d'autre, finalement ? Vivre au jour le jour la beauté du monde et faire avec tous ses égarements (et naturellement soutenir un certain nombre de gens qui flèchent dans le bon sens...) Cela étant dit, je te souhaite une belle soirée et un beau crépuscule rose doré.

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  2. La seconde réponse à AlainX me plaît bien, surtout à partir du Et pourtant...
    Je mets un lien vers un blog que connaît bien ledit monsieur car ses deux derniers articles parlent d'un auteur que vous aimez beaucoup, mon "métier" est de relier les personnes et j'aime l'exercer. Le voici : coumarine.blogspot.com/2020/05/le-grand-marche.html
    Bonne soirée.

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    1. J'ai failli ne pas lire votre comm' : blogger a parfois de ces lubies et renonce à m'informer. Chantal, n'est-ce pas vous l'an dernier qui m'aviez déjà orientée vers un blog, à propos de Venise , une personne qui elle aussi aimait terriblement cette ville? Vous aimez donc connecter les gens et en faire votre "métier". Intéressant. J'irai sur ce grand marché dont vous me parlez, promis, j'adore les marchés, ce sont des lieux vivants et très révélateurs du lieu où ils se tiennent, des gens, des mentalités.
      Belle fin de journée à vous... une question : vous connectez, mais avez-vous aussi un blog, sur lequel vous écrivez ? quoi qu'il en soit, bonne suite à vous.

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    2. Oui, c'est bien moi, j'avais oublié mais c'est moi. Oui, j'aime connecter les gens entre eux, leur faire part de ce qui pourrait les intéresser. A certains moments, j'envoie pas mal de liens vers des articles de blogs à mes filles ou à l'une d'elles car, en le lisant, je pense à elle, à ce que je sais d'elle.
      Je n'ai pas de blog, j'en lis quelques-uns et je commente parfois.

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  3. Avant, quand j'avais une activité professionnelle, j'aimais aussi me promener parmi les blogs. Commenter parfois, seulement dans l'élan ou l'émotion. Belles promenades, donc, et très belle journée.

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