mardi 19 mai 2020

Vivre : s'élever au réel, pencher au mystère


Bibliothèque / Palazzo ducale / Gubbio

Tous les jours à l'aube, déchirant la forêt, le premier matin du monde apparaît ...


Une émotion forte, quotidienne émerge de ma promenade à potron-minet : l'impression que le monde se renouvelle chaque jour, que les journées sont des miracles sans cesse répétés. Et voici que, par hasard, la NL de France-Culture m'apporte ce poème d'Anna de Noailles, un bijou qui dit tout : 

Être dans la nature ainsi qu'un arbre humain,
Étendre ses désirs comme un profond feuillage,
Et sentir, par la nuit paisible et par l'orage,
La sève universelle affluer dans ses mains !

Vivre, avoir les rayons du soleil sur la face,
Boire le sel ardent des embruns et des pleurs,
Et goûter chaudement la joie et la douleur
Qui font une buée humaine dans l'espace !

Sentir, dans son cœur vif, l'air, le feu et le sang
Tourbillonner ainsi que le vent sur la terre.
- S'élever au réel et pencher au mystère,
Être le jour qui monte et l'ombre qui descend.

Comme du pourpre soir aux couleurs de cerise,
Laisser du cœur vermeil couler la flamme et l'eau,
Et comme l'aube claire appuyée au coteau
Avoir l'âme qui rêve, au bord du monde assise... 

 Anna de Noailles, "La vie profonde", dans le recueil Le Cœur innombrable

 

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