Équipage de bœufs charriant des engrais (détail) / René Princeteau / Mba / Bordeaux
Il y a quelques années déjà, un soir d'automne, le long de l'enceinte des ruines de Pompéi, j'ai fait une rencontre fulgurante. Je regagnais l'hôtel miteux où nous avions fini par dégoter de justesse une chambre, quand j'ai été approchée par un chien. Un de ces chiens à demi-sauvages qui vagabondent parmi les pierres, se nourrissant de restes et de générosités passagères.
Les rencontres se valent toutes à mes yeux. Pas question de catégoriser le vivant : un arbre vaut un animal, qui vaut un enfant, qui vaut un paysage. Les rencontres ont ceci en commun qu'elles vous font et vous marquent infiniment.
Donc, ce chien, plutôt grand, au poil dru, portant sur le corps des signes de luttes carnassières, s'est approché de moi, m'a fait un bout de chemin. Dans son regard, j'ai lu : "adopte-moi, emmène-moi, j'en ai assez, je t'ai choisie pour changer de vie". Évidemment, je le trouvais noble et intelligent et profondément attachant. J'aurais bien voulu l'emmener, l'embarquer, lui trouver une place dans l'avion qui m'attendait le lendemain.
Hélas, j'ai dû lui dire : "C'est impossible, tu le sais bien. Là où je vais, la vie est trop normée. Tu te heurterais à trop d'incompréhensions, tu ne trouverais personne pour comprendre tes vadrouilles, tes coups de gueule, tes hurlements, tes besoins d'évasion. Là-bas, on voudrait te bâillonner et te bâillonner finirait par te tuer."
Le chien a compris. Il s'est éloigné sur la chaussée, s'est perdu dans le chaos de la circulation. Je ne l'ai jamais oublié.
Il m'arrive parfois de repenser au chien des ruines, quand je considère P., habitué aux routes et à la survie, préférant boire dans les flaques qu'à son écuelle, prêt à dévorer n'importe quelle rognure, prêt à endurer
n'importe quelle douleur. P., chien malmené durant sa jeune vie, me semble réincarner la créature de Pompéi. Je me dis, absurde pensée, qu'à travers lui, c'est un peu ce fier molosse que j'ai ramené vivre ici.
Faire entrer
RépondreSupprimerses rêves
dans la réalité
:-)
Oui. Ou : une histoire impossible qui devient possible.
SupprimerBelle aprèm!
Le chien sur la peinture a l'air tellement vivant, en train de vagabonder le nez au vent. Tiens, et bien tu m'as tiré les larmes avec ton texte plein d'émotion. Rencontrer le regard d'un animal peut être parfois bouleversant. Je me rappelle de ceux que je rencontrais en nombre sur l'île de Santo Antao au Cap-Vert. Ils étaient toujours très fins, et quémandaient constamment de la nourriture. Eux aussi auraient peut-être bien voulu rentrer avec moi. Mais comme tu dis, un chien, cela doit pouvoir japper, courir partout, et ne pas être confiné dans un espace réduit. P. a de la chance de t'avoir rencontrée. Il fait des balades tous les jours en pleine nature et a maintenant un foyer aimant avec plein de choses à découvrir.
RépondreSupprimerBises de plaine fatiguées.
Atchoum! je rentre d'une balade tonifiante sous des rafales et des averses impressionnantes. Oui, P. a grand besoin de se dépenser : courser les renards, embêter les taupes, courir là où le paysan l'a expressément interdit.
SupprimerBises fatiguées ? A vrai dire, le ve 4, je me suis demandé si un dossier avait été envoyé, quoi qu'il en soit, on nous annonce dès vendredi un WE de rêve. Donc... éternuons, kleenexons et patientons!
Depuis plusieurs mois, une petite minette à trois couleurs vient taper à la vitre de la porte vitrée de la cuisine, oui, elle donne des coups de tête pour attirer l'attention. Il est vrai que je lui donne un peu de pâté (acheté exprès pour elle) et elle vient le réclamer ainsi que des caresses. Elle appartient aux voisins, mais elle doit tout de même être en manque de câlins. Tout cela pour dire qu'il y a 17 ans (un mois après la mort de ma mère), notre petite minette à trois couleurs s'est tuée. Apeurée par un chien qui lui courait après, elle est montée sur l'échelle derrière la maison, et elle et l'échelle sont tombées. Elle a dû mourir sur le coup. Je me souviendrai toujours de cette scène lorsque je l'ai vue dessous, et les larmes que j'ai versées toute la journée, larmes que j'avais retenues depuis un mois, et que cet accident me "permettait" de libérer. Enfin bref, cette petite minette qui vient quémander son pâté et des caresses, me fait penser à Pitchie (c'est ainsi que la nôtre s'appelait) et je me dis que peut-être c'est Pitchie qui s'est réincarnée en elle (sourire).
RépondreSupprimerBonne soirée, ma chère Dad.
Les êtres, les rencontres viennent toujours nous rappeler d'autres êtres et d'autre rencontres. Pur hasard ? je n'en sais rien. Dans tous les cas, ce n'est jamais par hasard que nous leur ouvrons nos cœurs, nos portes et nos... boîtes de pâté.
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