Samedi matin. Nichée entre ses lacs, protégée par son palais, la ville se prélasse comme un vieux chat repu. Les paysans du coin tiennent leur marché et, s'il est réjouissant de voir leurs efforts si généreusement récompensés, il est aussi désolant de ne pas avoir les moyens de tout goûter, tout emporter. Les gens se rencontrent, se parlent, pied à terre et enfants sur les guidons. On rit doucement, on parle des fêtes, châtaignes, vendanges, courges, qui s'organisent dans les environs.
Les villes un rien alanguies de la Padanie ont un charme fou : riches de leur passé, écrasées par leurs voisines plus resplendissantes, elles n'ont pas une once d'arrogance. Elles qui pourraient frimer, avec leur ascendance, leur romanité, leurs palazzi superbement décorés, se contentent de vous offrir avec modestie leurs plats de risotto ou de tortelli fourrés à la courge et aux amaretti, de vous fredonner des chansons, chansons latinas ou textes de Fabrizio de Andre, évoquant des guerres absurdes qui envoient mourir de beaux garçons, les arrachent à leur passion.
C'est donc dans cette région que naquit Virgile, poète de l'Eneide et des Géorgiques, guide précieux et bienveillant que Dante se choisit pour traverser l'Enfer et le Purgatoire. C'est ici que flotte encore le souvenir des Gonzague, de Jules Romain, de Leon Battista Alberti et de Mantegna. Ici aussi que se tiennent des festivals, littérature, cinéma d'essai, en toute décontraction et en toute discrétion.
Impossible de venir dans ces lieux sans visiter le Palazzo Te et surtout : la Chambre des Époux, ses parois et son plafond merveilleusement décorés à fresques dans le Palais ducal. Il est curieux que le mythe de Romeo et Juliette soit encore à ce jour à ce point célébré, leur balcon vénéré, tandis que l'union de Ludovico Gonzaga avec Barbara de Brandebourg, une alliance solide, faite d'estime mutuelle et d'heureuse collaboration, ayant engendré stabilité et prospérité (et une nombreuse descendance) n'est que rarement évoqué. Décidément, les histoires d'amour qui finissent mal émeuvent beaucoup plus (en général).
Enfin, comme toutes les villes de cette plaine infiniment plate qui conduit de Turin à Trieste, le vélo est plus qu'un moyen de locomotion : c'est une manière de vivre. Il se transmet de génération en génération. Ici, pas besoins d'assistance électrique, pas besoin de vitesse pour une mobilité efficace. Il suffit de pédaler, à son rythme, en chantant et en sifflotant. Bénéficiant d'une longévité étonnante, ils finissent leur vie de vélo, comme les ruines et les vieilles pierres, faisant partie du paysage, ajoutant au charme un peu suranné de cette ville un peu oubliée, un peu assoupie où il fait si bon flâner. Au ralenti.
Arrête de me donner envie d'Italie. :-)) C'est malin, j'ai maintenant envie d'enfourcher un vélo, d'aller manger des tortellinis, de m'asseoir sur une terrasse à siroter un petit caffè (solo con Giotto) et de me laisser aller dans ces villes qui respirent bon le bien-vivre. Et puis de relire un peu Virgile, de m'immerger dans un palazzo et, et... Bises de plaine.
RépondreSupprimerEt toi, cesse de nous faire rêver de cimes et de sapins, cesse de nous inviter à prendre de l'altitude, loin de ces plaines où sévissent le bruit, le stress et la pollution ! cesse de nous donner de envies d'alpages et de bons fromages! allez, belle fin de journée, chère Dédé, et bon retour tout là haut dans tes montagnes!
RépondreSupprimerLa bicyclette
RépondreSupprimerun pont
entre passé et avenir
:-)
Mais comment faisaient-ils donc à Mantoue avant l'invention de la roue ? Il devait vraiment manquer qqch d'essentiel. Le vélo, dans les villes, est merveilleux : il permet d'aller vers l'avenir au bon rythme. On n'a jamais vu un vélo aller droit dans le mur. Ou bien ?
RépondreSupprimerC'est vrai, Dad, ce sont les histoires d'amour qui finissent mal qui émeuvent le plus...
RépondreSupprimerMerci pour cette jolie balade à Mantoue, c'est vrai que tes mots donnent envie d'y aller !
Et les vélos qui font partie du décor, mais pas que... :-)
Bonne soirée, Dad.