mercredi 2 octobre 2019

Voyager : ivresse des matins (et des soirs)



Au lever du jour, l'attentionné Giovanni, debout dès l'aube (mais quand trouvait-il donc le temps de récupérer?) nous avait ménagé une petite lampe près d'une porte entrebâillée. Nous sortions en catimini, nos pas effleurant le gravier, dérangeant une perdrix, un faisan, apercevant au loin la silhouette inquiétante d'un chasseur que nous nous dépêchions d'esquiver. Mais les superbes rangées de vignes semblaient abriter presque autant de chasseurs que de grappes oubliées et nous ne tardions pas à rejoindre la strada bianca qui montait vers San Pietro in C. La campagne rosissait sous la présence tutélaire des cyprès. Nous complimentions les chevaux noirs et beiges qui mâchaient paresseusement leur petit-déjeuner. Nous admirions l'ancien monastère au charme décrépi (entretenant le rêve fou de le racheter, de le restaurer, rien que pour le plaisir de caresser un projet de très très longue durée). Nous observions les brumes, dans les prémices d'un soleil naissant. Nous voyions s'éteindre une à une toutes les lanternes de la nuit. Nous accueillions ce paysage neuf, tout en nuances et en prévenance, qui s'offrait à nos yeux envoûtés.
A nuit tombée, rentrant de la petite osteria blottie derrière l'église, titubant parmi les ceps, un peu à cause de l'Amarone, un peu à cause des vagabondages accumulés, nous nous perdions dans un délire d'étoiles et de loupiotes qui avaient éclos ça et là. Dominant les vignobles légendaires, le cimetière, une vaste construction d'inspiration classique, brillant de mille feux, s'affichait comme un palace destiné à des repos privilégiés. Nous croisions des hérissons ingénus et rappelions dix, vingt fois le chien qui ne revenait pas. Nous frissonnions un peu et nous évoquions la saveur de la sopressa et de la polenta. Nous fredonnions des chansons évoquant des amours égarées. Nous discutions de l'importance de parler d'autres langues que la sienne, de savoir communiquer et accueillir sans forcément s'assujettir. Arrivés devant la silhouette réconfortante de la domus, constatant que notre chien nous avait miraculeusement rejoints, nous pensions tout bas que le bonheur, c'était peut-être simplement ça : un jour qui se lève et une nuit qui s'installe dans la Valpolicella.

4 commentaires:

  1. Oh! Quel beau billet. J'ai l'impression d'y être même si je ne vais pas vous déranger dans vos chuchotements et vos rires étouffés. Mais la Valpolicella est peut-être assez grande pour que je me love sous ce ciel rosé, dans les vignes aussi. Merci pour cette tendre escapade au paradis. Bises alpines.

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  2. La Valpolicella, outre ses nectars, a bien des atout pour te séduire : des chemins en pente douce qui mènent à de beaux villages, de nobles demeures, de bonnes tables. Je suis encore indécise, pour ce monastère... Il paraît qu'Angelina et Brad ont longuement hésité... et puis... ils ont divorcé. Le prix : un détail, trois millions d'euros (mais pourvu de fresques du Véronèse). Il faudrait entreprendre quelques menus travaux...je me laisse encore deux ou trois jours pour décider :-) Belle soirée!D.

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  3. L'espace d'un instant, tu nous a emmenées avec toi dans ces lieux enchantés, Dad. Tes mots ont eu ce pouvoir de nous y transporter. J'ai beaucoup aimé. Merci. Belle soirée à toi, ma chère.

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  4. Est-ce que les paysages nous transforment ou bien est-ce notre état d'esprit qui les embellit ? Difficile de savoir. Toujours est-il que c'était beau et apaisant. Merci de ton passage. Toute belle soirée à toi et naturellement : douce nuit.

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