samedi 4 juillet 2020

Voyager : les yeux rivés au sol



Regno, regnabo, regnavi, sum sine regno. Je règne, je règnerai, j'ai régné, je me retrouve sans royaume. Etait-ce à cause de ces temps tourmentés ? ou alors cela tenait-il au nombre restreint de visiteurs, à la musique poussant à une plus grande intériorité ? Toujours est-il que la cathédrale ce jour-là invitait à baisser les yeux sur son pavement divinement orné. A nos pieds, la Roue de la Fortune tournait tournait.



Depuis 1372, en cette place, elle tournait. En réalité, depuis le début de l'Humanité, elle tournait, et elle n'était pas près de s'arrêter. Elle semblait plus que jamais inviter les hommes à plus d'humilité.


Et, tandis qu'un roi plus puissant, installé au sommet, semblait maîtriser leurs destinées, les Hommes tanguaient, tanguaient, se raccrochaient tant bien que mal, tels des marionnettes, tels des jouets. 


Aux quatre coins de la mosaïque, Épictète, accompagné de trois autres philosophes de l'Antiquité, Aristote, Euripide et Sénèque, envoyait son message à l'Humanité : il l'invitait à ne pas se vanter des cadeaux de la Fortune, mais à se focaliser sur les valeurs de l'âme. "Ne frimez pas, chers amis, ne vous croyez pas à l'abri. Rien n'est acquis. C'est votre force intérieure qui compte et pas vos signes extérieurs de richesse et de profits."**
Dans la ville, Palio annulé, désinfectants, passants masqués, tout venait rappeler, en chaque instant et à chacun, qu'il était question de baisser le regard et de se retrousser les manches, en cette époque bouleversée.

Mosaïque de la Roue de la Fortune / Pavement Cathédrale de Sienne / dernière image: Pinterest

**non fortunae muneribus sed animi bonis gloriandum

2 commentaires:

  1. Il est terrible ce pavement. Cette roue qui devraient plutôt s'appeler de l'infortune dominante plus que de la fortune aléatoire et passagère.
    Ces humains ballottés, cette roue changeant de sens au gré de ses lubies. Cette royauté sans pouvoir qui déclare : je n'ai aucune autorité (sum sine regno).
    Peut-être un appel à l'humilité général des exploités comme des puissants ?
    Est-ce que le vainqueur final sera un petit virus triomphant ?

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    1. Je n'ai pas la même lecture que toi. Je vois dans ces efforts des hommes le travail de l'ego, pour s'efforcer de réussir et obtenir succès, argent, signes de reconnaissance. Et je vois dans le message du cadre entier une invitation à trouver leur valeur à l'intérieur d'eux-mêmes. Ces efforts ainsi représentés sont risibles et nous montrent bien notre fragilité à vouloir paraître et réussir socialement. L'autre jour, lors d'un enterrement, un homme se vantait d'être "chef de service". Sans doute roulait-il en SUV comme bientôt une majorité de gens. Ridicule. Et tous ces retraités qui se sentent déchus parce qu'on ne les considère plus comme quand ils travaillaient. "Si tu peux affronter triomphe après défaite, et recevoir ces deux menteurs d'un même front... tu seras un homme, mon fils" écrivait Kipling. Avait-il eu l'occasion d'admirer ces mosaïques de marbre ? Pour sûr, il les aurait appréciées...
      Quant au virus, il vient nous rappeler que nous ne sommes pas grand chose. Dans tous les cas, notre immense fragilité face à tout ce qui peut nous arriver.
      Belle soirée et tout beau dimanche à toi !

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