jeudi 30 juillet 2020

Vivre : Still life / 89




Ce matin-là, je lui avais demandé où il souhaitait partir fêter son anniversaire. "J'aimerais revoir le château de la Manta" m'avait-il répondu. J'avais visualisé la région et, prévoyant le trajet, je m'étais lancée une nouvelle fois dans une tirade exprimant ma réticence vis-à-vis du GPS (une réticence farcie d’ambiguïtés). On ne pouvait nier son utilité en matière de rapidité, scandais-je, il nous évitait une suite d'hésitations, d'erreurs, de marches arrière, certes, mais on devait aussi reconnaître tout ce dont il nous privait : l'exercice de notre débrouillardise, et aussi des découvertes imprévues, les interactions avec les locaux, l'expérience du chemin parcouru, notre aptitude à posséder notre trajectoire. Oui, le gain de temps et la praticité du GPS, sa tension vers l'objectif avaient selon moi le pouvoir de nous retirer quelque chose d'essentiel : le sens du voyage, notre capacité de faire face à l'imprévu (enfin : presque, parce que je me souviens de la fois où sur un quai croate nous avions planté les freins tandis que Tom-tom insistait pour que nous continuions tout droit pendant cinq kilomètres).

Ce matin-là donc, j'avais perdu un peu de temps à pester contre les progrès de la technologie et j'avais quitté la maison un peu pressée, embarquant quelques livres pour les déposer en passant à la caisse aux échanges.
Arrivée devant la boîte, au-dessus d'une pile aux titres suggestifs : "La promesse de Jana", "Amours éternelles", "Vertiges et sentiments", "Les vertus du vinaigre" (quelqu'un avait dû débarrasser un grenier ou alors une personne très sentimentale avait décidé de partager généreusement ses collections) se trouvait la carte. Elle semblait m'attendre, désireuse de se mettre au vert, impatiente de prendre la route.
Alors... je l'ai embarquée.

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