vendredi 26 mars 2021

Vivre : here comes the sun

 

Ces derniers matins, à cinq heures cinquante-sept très exactement, un concert volant nous tire du sommeil. En face, un hameau à flanc de Jura est déjà la cible d'un faisceau mordoré. Des rayons tendres ramènent vers nos rives les pêcheurs éreintés. Un voilier, puis deux s'élancent sur l'eau céleste avec des grâces de tourterelles. 
C'est l'heure douce et cruelle où certains s'en vont dare dare travailler, où les enfants tirés du sommeil s'accrochent à leurs oreillers. Nous croisons une camionnette italienne venue livrer du vin (mais qui donc s'intéresse à ce point au Barolo parmi nos voisins ?) Nous nous dirigeons vers le plateau à travers la forêt et ses scintillances, nous grimpons, nous traçons (à vrai dire, nous ramons). Notre souffle bruyant se répand sur les branchages en bourgeons. Nos pattes grattent à la recherche de senteurs faisandées, nos bottes glissent sur les racines dénudées. Le chien poursuit un écureuil impudent qui se rit de notre gravité. 
Là-haut, le soleil nous guette comme des hôtes de qualité. Il nous accueille avec mille civilités, nous suit, nous dirige, nous oriente. Il nous tient compagnie comme on tient la main d'un ami. Prévenant, il nous raccompagnera jusqu'en bas. L'astre, pour nous amuser, fait des siennes pendant toute la journée. Il joue au funambule entre deux nuages isolés, en arrive à perdre la boule entre deux ondées. Plus tard, dans l'après-midi, il nous présentera un énorme poisson, un dirigeable saumon qui zigzague loin de son aquarium et décrit des arabesques au-dessus des maisons.  
Quand le soir arrive, le soleil s'attarde. Il n'a aucune envie de nous quitter, aimerait bien se voir admiré, retenu, prié. Puis résigné, il agite longuement ses ailes, disperse mille baisers avant de prendre congé.




2 commentaires:

  1. Magnifiques photos sublimées par le texte.
    Merci.

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    1. Oh merci pour ces compliments. Ce que le texte évoque, le dirigeable couleur saumon, ce n'est pas une métaphore, ni une image : ce jour-là j'ai cru avoir la berlue car un ballon en forme de poisson, surgi de dieu sait où,une sorte de zeppelin à air chaud a traversé tout le lac de bout en bout. Du jamais vu!!! Belle soirée à vous.

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