Ange de l'Annonciation / Jacopo della Quercia / Pinacoteca / Siena
On se nourrit de relations. Des relations avec des gens qui nous rassurent ou nous stimulent. Mais aussi des relations avec des mots, des phrases, des bribes qu'on a entendus, qu'on s'est refusé à oublier, qu'on garde soigneusement au fond de soi. Il y a aussi les chansons, qui nous ont accompagnés, qui nous ont bercés, dont toutes les strophes contiennent un condensé de nos destinées. Et puis, il y a les images, des captures de vie qu'on a gardées imprégnées dans la rétine et qui nous guident parce qu'elles nous ont indiqué comment être au monde dans toute son intensité.
Une femme attablée devant une gare, où elle vient de débarquer - ou qu'elle va bientôt quitter, qui sait ? - une voyageuse penchée sur son calepin, qui semble disposer de tout son temps et qui n'interrompt son écriture que pour siroter à petits coups tranquilles son café ou suivre rêveusement du regard les passants.
Depuis le train, la silhouette d'un promeneur promené par son chien et qui avance à travers la campagne, indifférent aux intempéries et aux impératifs impérativement urgents qui semblent faire tourner le monde au même moment.
Une sortie d'école maternelle à Amsterdam, les vélos, les remorques, les babillages, les cris, les pères attentionnés, les fratries se réjouissant de se voir réunies.
Dans un hall d'aéroport, allongé à même le sol tout contre son sac crasseux, un adolescent angélique, pris par sa lecture, envoûté, indifférent aux vacarmes, aux annonces et aux last calls.
Et puis, hier, face au lac, adossé à un arbre, bien encapuchonné, étrangement calme face aux signaux d'alarme et aux rafales, un personnage - une femme, peut-être, jeune, apparemment - assise en tailleur, qui regarde la tempête passer, intéressée, pas du tout impressionnée, bien alignée, patiente, attentive, avec, émanant de sa posture, l'assurance absolue d'être au bon endroit au bon moment et de n'avoir d'autre désir que d'être là, à écouter les vagues se briser, à contempler les mouettes s'élancer, à laisser la vie la traverser.
… Et puis nous… qui avons été regardés par tant de gens. À commencer par le premier regard. Mais de qui ? Une sage-femme, un accoucheur, un regard bienveillant, une inquiétude du cordon autour du cou, un air dégoûté ou indifférent, juste avant de regarder sa montre ? « Et bien il nous en aura donné du fil à retordre cet accouchement ! »
RépondreSupprimerEt tous les autres regards qui s'en sont suivis… des milliers et des milliers…
Quand on y pense, c'est impressionnant la manière dont nous sommes façonnés…
et qui fut donc l'ange de notre annonciation…!
;-)
Un ange bienveillant, à coup sûr! porteur d'une bonne nouvelle! allez, espérons que l'annonce de notre arrivée a été l'occasion d'une grande joie!
Supprimeroui, je crois que le regard porté sur nous existait avant même notre venue au monde, regard de nos parents, de notre famille qui nous ont imaginés avant notre naissance (et cette projection sur nous pouvait être belle, mais pouvait aussi être contraignante, possessive, pas forcément libératrice : nous laissait-on l'espace pour être, devenir qui nous voulions être ?)
Tu proposes un regard renversant : il y a nos regards sur le monde et il y a le monde qui nous a regardés (au mieux, car le monde pouvait aussi se révéler indifférent). Oui, nous avons existé nous nous sommes construits à travers le regard que d'autres ont porté sur nous. Pour pouvoir regarder le monde, il faut avoir été vu, dans un va et vient d'images qui forment et constituent un univers. Pour pouvoir regarder le monde positivement, il faut avoir été (au moins un nombre significatif de fois) vu de manière positive aussi.
Belle soirée.
C'est un peu ce que tu développes que je voulais évoquer superficiellement dans mon commentaire.
SupprimerSans des regards d'amour et de bienveillance, d'encouragement et autres, nous ne « serions » pas, pas vraiment.
Réalité inépuisable de méditation pour soi-même et autrui.
Oui. Méditation inépuisable que celle de l'importance et de la réciprocité des regards! Douce soirée!
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