samedi 1 décembre 2018

Vivre : les instants fragiles


I santi Filippo e Grisante/ Spinello Aretino / Galleria nazionale / Parma



Notre amitié allait fêter ses dix ans.
Elle avait résisté à notre absence totale de points communs en matière de :
formation, état civil, origine sociale, culture générale, littérature, mode vestimentaire.
Elle était née de nos luttes pour œuvrer ensemble dans une institution frôlant la démence.
 
Elle s’était renforcée ce 24 décembre où M. avait débarqué en pleurs :
son fils s'était enfui sans explications le jour de ses dix-huit ans
pour aller vivre ailleurs une vie qu'elle désapprouvait totalement.
Notre amitié avait duré malgré mes fâcheux oublis en matière d'anniversaires,
et de vœux en tous genres.

Depuis janvier, pourtant, quelque chose de ténu, d'impalpable,
un manque d'égards, des négations vaguement hostiles m'avaient fait tressauter.
En septembre dernier, enfin, il y avait eu cette conversation où je m'étais livrée,
sans défenses. J'avais attendu de sa part quelques mots,
juste quelques mots de soutien. Mais rien, rien qu'une absence de réaction étrange.

 
Les relations, comme les saisons, sont destinées à passer.
Leurs vases, par l'effet d'une goutte, peuvent déborder.
Notre amitié allait fêter ses dix ans.

Elle avait tenu bon face à toutes nos différences.
Elle n’a pas résisté, je crois, à quelques secondes de silence.
 

2 commentaires:

  1. Coucou ma Dad. Je n'ai pas vécu la même histoire mais je partage ton avis sur les relations qui passent. J'avais une excellente amie et puis, suite à plusieurs événements, je me suis rendue compte que nous n'étions plus sur la même longueur d'ondes. J'ai tenté de coller les morceaux, de comprendre, d'analyser et puis finalement, quand j'ai vu qu'en face, il n'y avait pas la même intention, j'ai abandonné. Et je ne la revois plus. C'est étrange car elle reste liée à des événements heureux mais aussi à des choses malheureuses de ma vie. Elle a été là et puis ne l'est plus. Et sans doute qu'elle ne partagera plus les belles choses qui peuvent m'arriver car je n'en ai plus envie. La relation de confiance est rompue. Je ne m'accroche plus, je l'ai fait et cela n'a mené à rien. Je reste un peu amère mais cette amertume se tarit peu à peu. Je tourne la page. Et écrirai peut-être d'autres relations d'amitié. Bises alpines et belle soirée.

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  2. On a tous fait, je crois, l'expérience de l'amitié qui casse ou s'effiloche. C'est douloureux, parce qu'on voudrait que la loyauté et la fidélité résistent, mais en même temps, c'est presque normal. "La vie sépare ceux qui s'aiment" dit la chanson, et cela vaut autant pour l'amour que pour l'amitié. M. vient d'une famille bourgeoise, mais elle n'a jamais achevé ses études. Elle a décidé de se marier très jeune. Après son divorce avec un malotru qui l'a laissée élever seule leurs deux enfants, elle a dû travailler sans diplôme et devra le faire jusqu'à ses 64 ans. En y repensant, je crois qu'elle m'en veut de ma retraite anticipée (pourtant obtenue grâce aux cotisations durant mes années de travail). Elle me trouve privilégiée, sans doute, tandis qu'elle doit encore se coltiner le monde professionnel. Dans la vie, la roue tourne : quand M. était une enfant choyée, dans un milieu protégé, je devais faire face au difficile apprentissage de la langue française et du racisme ordinaire anti immigrés. L'amitié a de fortes exigences. L'amitié exige de la générosité, elle ne tolère pas l'envie, la jalousie. Ce qui me peine le plus : quand on essaie de poser les choses et que l'autre répond : non, pas du tout, aucun problème. Face à la négation, on ne peut rien rectifier ou réparer. Dès lors... il s'agit d'accepter que cela se termine, pour aller vers autre chose. Très belle soirée, beau WE à toi!

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