samedi 22 juin 2019

Ecouter / Lire / Voyager : quand il suffit d'exister



Abbondanza / Arsenale / Venezia

Dernièrement, au micro d'Eva Bester, Rachida Brakni a décliné plusieurs remèdes à la mélancolie avec lesquels je me suis sentie en affinité - les photographes Saul Leiter et Robert Capa, Nick Cave - et puis, elle a lu ce passage du Livre de l'Intranquillité (des pensées et aphorismes que Fernando Pessoa a rédigés entre 1913 et 1935 et ont été publiés en français pour la première fois entre 1988 et 1992 par Christian Bourgois) :
Voyager ? Pour voyager, il suffit d'exister. Je vais d'un jour à l'autre, comme d'une gare à l'autre, dans le train de mon corps ou de ma destinée, penché sur les rues et les places, sur les visages et les gestes, toujours semblables, toujours différents, comme, du reste, le sont les paysages. 
Si j'imagine, je vois. Que fais-je de plus en voyageant? Seule une extrême faiblesse de l'imagination peut justifier que l'on aie à se déplacer pour sentir. En fait, le bout du monde, comme son début lui-même, c'est notre conception du monde.
C'est en nous que les paysages trouvent un paysage. C'est pourquoi, si je les imagine, je les crée. Si je les crée, ils existent. S'ils existent, je les vois, tout comme je vois les autres.
A Madrid, à Berlin, en Perse, en Chine, à chacun des pôles, où serais-je sinon en moi-même, et enfermé dans mon type et mon genre propre de sensations ?
La vie est ce que nous en faisons. Les voyages, ce sont les voyageurs eux-mêmes.
Ce que nous voyons n'est pas fait de ce que nous voyons, mais de ce que nous sommes.
Je fais si régulièrement l'expérience de ces longues journées quotidiennes, qui sont belles et me font voyager, depuis ma maison, ma forêt, ma chambre. Je ne pouvais naturellement qu'adhérer, qu'être déjà emballée, prête à m'embarquer et je me suis promis que dès la semaine prochaine ce livre intranquille serait pour quelques mois à mon chevet.

Le remède à la mélancolie / France Inter (une des émissions les plus stimulantes que je connaisse)

6 commentaires:

  1. « La vie est un voyage expérimental, accompli involontairement. C'est un voyage de l'esprit à travers la matière et, comme c'est notre esprit qui voyage, c'est en lui que nous vivons. Il existe ainsi des âmes contemplatives qui ont vécu de façon plus intense, plus vaste et plus tumultueuse que d'autres qui ont vécu à l'extérieur d'elles-mêmes. C'est le résultat qui compte. Ce qui a été ressenti, voilà ce qui a été vécu. On peut revenir aussi fatigué d'un rêve que d'un travail visible. On n'a jamais autant vécu que lorsqu'on a beaucoup pensé. »
    (373. L.I. p. 361)

    Je possède ce livre, Dad. Je l'avais acheté en 2008. Que tu en parles me l'a fait ressortir et m'a donné envie de le relire. Nous habiterions plus près l'une de l'autre, je me serais fait un plaisir de te le prêter (sourire).
    Bel après-midi à toi, ma chère.

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  2. Je crois, chère Françoise, que nos esprits sont proches, même si nos demeures éloignées et j'espère que ce L.I., tu l'as aimé ? J'ai palpité en écoutant cette définition du voyage, qui fait écho à ce que je pense et je vis. Parfois, comme aujourd'hui, je ne m'éloigne pas beaucoup de chez moi, mais je rentre riche de divagations, de ressentis et de projets (petite balade entre Lausanne et Lutry, dans ce calme que seuls les samedis matin peuvent offrir, tout le monde dans les centres commerciaux, ou sur les routes, ou en train de s'affairer, tandis que les quais respiraient l'enviable quiétude d'un pays en paix).
    Ce matin, j'ai repensé aux news, regardées comme tous les soirs sur Arte, à tous ces combats, à toutes ces escalades de violence, à toutes ces incertitudes qui font souffrir la planète et je me suis sentie dans un paradis... Mais, bon, ça n'empêche pas d'être confrontée aux contradictions du monde environnant : il y avait sur les rives une opération de nettoyage lancée par Nestlé,dont le siège est à Vevey (des employés et des étudiants apparemment qui ramassaient bouteilles et mégots en arborant des T-Shirts de propagande "We are Nestlé"). J'ai repensé à la controverse qui a lieu en ce moment en France, où Nestlé Waters dans les Vosges opère "une surexploitation légale" d'une source au détriment de la population locale, qui peine à faire valoir ses droits.
    Être au monde, l'admirer, en profiter et même temps en constater les défaillances...
    Il n'empêche : le paysage lémanique était royal et cette journée fut un merveilleux voyage. Belle soirée, chère Françoise!

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  3. Bonjour Dad.
    Une seule chose ne se rêve pas : le soleil. Pour le reste, je voyage tellement... :)
    Bel article, bravo ! Bonne soirée. Bise voyageuse.

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  4. Au fond, voyager, n'est-ce pas être en vie ?
    Belle soirée sur l'île de toutes les beautés.

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  5. "Les voyages sont ce que nous en faisons". Dixit Dédé. 20h45, samedi 22 juin 2019.

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  6. ...et nous les faisons selon ce que nous sommes" Dixit Dad, dimanche 6h11, après sa première balade au chant du coq.

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