mardi 2 février 2021

Regarder : lequel des deux nous éclaire...

 

Cette année, j'ai une peine folle à ranger les décorations de Noël. Elles m'aident probablement à accepter l'ombre particulièrement sombre de cet hiver (j'en arrive chaque matin à me demander : mais l'hiver a-t-il vraiment toujours été aussi noir ?). La maison accueille donc lanternes et lumignons qui  semblent décidément peu disposés à décrocher. Bon. Patientons.

Ces derniers mois, j'ai été subjuguée par quantités d'images en noir et blanc. Une photo de chien vénitien, à nuit tombée, attendant patiemment devant une boucherie m'a obsédée pendant des semaines. Je l'ai découverte ICI. C'est une photographie d'une grande simplicité, prise par William Guidarini, qui représente curieusement pour moi l'essence même de la Sérénissime, même si on n'y voit ni canal, ni palais, ni touriste. Une image qui, plus que toute autre, dit pour moi la Venise que je connais : hivernale, nocturne, épurée, silencieuse, celle qui me manque tant depuis trop longtemps. Preuve qu'il ne faut jamais tout dire tout montrer pour voir les émotions débouler.

Et puis, je suis retournée visiter un blog dont je déplore qu'il ne soit plus en activité, dont la créatrice inspirée avait exploré à plusieurs reprises l'ombre et la lumière dans son milieu familier. Ma maison aussi regorge de coins et recoins où l'ombre danse avec la lumière. Il m'arrive, comme Katja, de partir en balade et d'être fascinée par mon intérieur. Je me dis qu'il me faudrait vraiment prendre du temps, Canon à la main, pour de longues et attentives explorations. ICI. ICI. et ICI, la blogueuse a réalisé sans doute ce qu'on peut montrer de plus épuré et clairvoyant sur le sujet. Notre quotidien est rempli de ces moments et de ces lieux magiques que nous ne prenons pas la peine d'examiner. De ressentir. De voir.

Sur le blog l'Intervalle, hier, cet ouvrage d'Olivier Deck, L'envers de la lumière, et le commentaire de Fabien Ribery sont venus se rajouter à ces images essentielles. Troublée, éblouie, je n'ai pu que regarder, lire, regarder encore ces photographies qui me parlaient tant.

J'ai réalisé combien nos vies sont pleines de ces moments monochromes où le silence entre en nous et où nous sentons que nous n'avons besoin de rien de plus : le temps et la conscience de nous savoir en vie, en paix, avec nous-mêmes et avec le monde qui nous entoure. Ces moments monochromes, nous pensons souvent ne pouvoir les trouver que dans des églises, devant d'époustouflants paysages ou lors de retraites spirituelles. Mais le merveilleux est là, juste là, il se déroule incessamment sous nos yeux, et... bien évidemment, il m'est impossible de terminer ce billet sans citer Rilke : 
Si votre vie quotidienne vous paraît pauvre, ne l'accusez pas; dites-vous que vous n'êtes pas assez poète pour en convoquer les richesses. Pour celui qui crée, il n'y a pas, en effet, de pauvreté, ni de lieu indigent, indifférent. // LAUJP / 17.02.1903

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