dimanche 31 mai 2020

Vivre : à la source


Nous sommes en train de travailler pour vous / affiche sur le chantier 2017 / museo Capodimonte / Napoli

Il tient tous les matins à nous presser un jus d'orange. Il y tient mordicus et se voit mortifié si un matin il n'y a plus d'oranges dans le panier.
Longtemps, j'ai négligé cette offrande, je l'ai trouvée banale, je buvais et croyais qu'un verre de jus de brique aurait pu aisément la remplacer.
Et pourtant, à présent, je réalise que si ce jus pressé venait à manquer, ma vie deviendrait un désert, une forêt calcinée, une rivière asséchée,
sans ces douces oranges matinales, sans ce goût qui est le leur, jour après jour renouvelé, je ressentirais une brûlure atroce dans mon gosier.

samedi 30 mai 2020

Vivre : simplicité


Vierge de l'Annonciation (détail) / Antonello da Messina / Palazzo Abatellis / Palerme

Renoncer à vouloir trop en faire.
Faire. Simplement faire.
Derrière l'évidence, quelle difficulté! 

vendredi 29 mai 2020

Lire / Vivre : un monde à soi



Le livre de Paix / Edgar Maxence / MBA / Bordeaux

Ces jours de joie, de pure joie, où il semble que les feuillages ne murmurent que pour soi 
(prêter alors à leur babil une oreille complice et tendre)
 ces jours où la nature, la culture, les regards, tout ce qui nous entoure ne porte qu'à un irrésistible émoi,
les livres ouverts, avec leurs mots qui paraissent nous attendre, pour nous parler de nous, rien que de nous,
et les jardins tendant des fleurs sublimes, invraisemblables qu'il nous semble découvrir pour la première fois 
plonger, plonger dans ces jours bénis, sous cette pluie de chants, sans nul besoin de chercher leur pourquoi.



 

 

jeudi 28 mai 2020

Vivre : attentifs, attentionnés


Les effets du bon Gouvernement (détail) / Ambrogio Lorenzetti / Palazzo communale / Sienne

Enfin, après trois mois, retour au marché de L., rutilant sous un soleil insolent.Toujours aussi sympathique, animé, décontracté. Les stands réarrangés, judicieusement dispersés, des instructions claires, des marchands avenants et une atmosphère bon enfant (la discipline helvétique à l’œuvre dans toute sa légendaire efficacité). Toutefois, quelques tensions, perceptibles ça et là. La maraîchère ridée qui proposait sa belle rhubarbe rouge semblait un brin décontenancée, déboussolée : fraîchement déconfinée, elle faisait le matin même sa rentrée. Des gens, plutôt âgés, pour qui deux mètres semblaient devoir en faire le double, et qui s'échappaient, ou faisaient de grands gestes pour demander de reculer. Une vendeuse à la boulangerie, excédée par une cliente qui ne parvenait pas à se décider, et franchement irritée, quand elle a dû lui expliquer la mise en place d'un self-service et d'une caisse séparée pour le café. 
De nouveaux codes doivent être intégrés, c'est sûr, de nouvelles manières d'être en société. Chacun se voit sommé de faire autrement. Pour les vendeurs : répétition des explications à chaque nouvel acheteur. Pour les clients : variation de procédure dans chaque magasin. Ainsi, le fromager ne veut que du cash, alors que chez le boucher, seules les cartes de crédit sont désormais acceptées et ainsi de suite... parcours fléchés, habitudes malmenées et capacités d'adaptation sollicitées.
Nous devons apprendre à composer avec les nouveautés, gérer notre stress, intégrer les changements, c'est-à-dire apprendre à perdre et à retrouver des équilibres continuellement. Mais nous devons aussi tenir compte des difficultés des autres, de leur anxiété, de leur égarement au sortir du confinement. On lit parfois dans certains regards
le désarroi, on sent parfois l'angoisse roder, on entend ça et là une voix haut-perchée, signes que certains se sentent déstabilisés. Il s'agit en conséquence, et plus que jamais, non seulement d'être attentifs à notre propre réalité, mais aussi nous montrer attentionnés envers toutes sortes de fragilités. Il s'agit d'être présents, et plus que jamais, à l'instant présent.

mercredi 27 mai 2020

Vivre : il était une fois


Photographie de Martine Franck / musée de l'Elysée / Lausanne / 2019

Hier, en fin de journée, je suis tombée sur de vieilles photographies et je me suis mise à les regarder, avec précaution (ces petites choses numériques ou format papier peuvent se révéler fort dangereuses : on ne sait jamais ce qui peut vous exploser à la figure, tandis qu'on est là, à les passer en revue).
C'est étrange, les photographies. Elles parlent d'un moment qui n'est plus, et d'un regard précis qui s'est posé en toute subjectivité sur cet instant particulier. Celles d'hier sont venues me rappeler une époque révolue où les regards étaient doux et les joues dodues.
J'ai reconnu les gens, j'ai retrouvé les prénoms, et même l'année en question (leurs enfants souriants, s'ils leur arrive encore parfois de sourire, ne sont plus des enfants depuis bien longtemps). Mais je n'ai pas retrouvé les émotions. Elles s'étaient évanouies. C'est étonnant, la photographie. Elle vous emporte en terre étrangère, dans un pays qui est censé être le vôtre, mais où l'on se vit migrant. Un pays dont on a perdu le passeport, dont on était pourtant le ressortissant.

mardi 26 mai 2020

Voyager : nostalgies


Prato della Valle / Padova

 que sont donc devenues les statues qui tremblaient dans le bleu doux de Padoue ?
et les enfants qui se coursaient en riant ? et dans les rues, les chahuts d'étudiants ?
on a beau les situer géographiquement, tout semble perdu derrière un invisible écran...

lundi 25 mai 2020

Ecouter / Vivre : Anne, le pont et la rivière


  Parc de Rungstedlund / Maison de Karen Blixen / Rungsted Kyst / Danemark

"On cherchera le pont quand on sera à la rivière."
Ces dernières semaines, tant qu'à être confrontée à toute une série de rediffusions, autant me composer un programme personnel en piochant dans des podcasts éprouvés. Ce faisant, suis tombée sur ce remède imparable d'Anne Sylvestre pour prévenir de vaines fabrications, une solution d'une désarmante simplicité.
Pourquoi anticiper et encore anticiper ? Quel avantage à tirer des plans sur la comète, à ressasser, à prévoir sur la base d'hypothétiques données ? Pourquoi ne pas plutôt avancer en pleine présence, mettre ses pas dans l'instant et réagir quand se présentent les événements ? Rien à voir avec une quelconque incapacité à planifier, organiser ou analyser. Il s'agirait plutôt d'une manière de s'alléger, d'aller vers l'avenir en portant son baluchon, mais en évitant de s'encombrer avec un gros sac de problèmes fantasmés et de solutions sans objet.

dimanche 24 mai 2020

Vivre : la joie, l'éclair, la lumière





Hier, soudain, l'orage annoncé, irruption éclair d'un hiver au cœur de l'été,
bonheur enivrant, magnifiquement orchestré, coulée subite d'une joie inédite,
déferlant sur nos cœurs vacillants, déblayant au passage le moindre achoppement.

samedi 23 mai 2020

Vivre : still life / 87




Il peut se montrer pugnace, tenace, atroce, féroce, quand il s'acharne sur un os.
Il peut se braquer, grogner, refuser d'obtempérer, quand il est déterminé ou contrarié.
Il peut courser, pister, gratter, creuser, persécuter quand il débusque une trace de gibier.
Mais, le soir venu, c'est sur son bon vieux doudou qu'il pose son museau pour faire dodo.

vendredi 22 mai 2020

Vivre : dans la bonne direction


Escalier d'accès et détail Chambre des Époux / Andrea Mantegna / Palazzo ducale / Mantova

A un certain stade, impossible de reculer. 
Quelle que soit la difficulté, continuer.
Marche après marche : grimper.
Ne jamais désespérer d'arriver (oh non)
Car, à ce stade, et quelle que soit la difficulté,
la seule chose à faire, c'est persister.


jeudi 21 mai 2020

Vivre : va dove ti porta il cuore...


Donatrice en prière / détail tableau d'un peintre lombard anonyme / Musei civici / Pavia


Parvenir à faire confiance à ceux qui nous ont trahis : impossible ? difficile ? nécessaire ?
Seul le cœur peut le dire, seul le cœur est bon conseiller. Sans le cœur, ne rien forcer.

va dove ti porta il cuore = va où le coeur t'emmène est le titre d'un roman italien des années 1990.

mercredi 20 mai 2020

Vivre : gâchis


Tête de femme / Musei civici / Padova

Le temps lui paraît long (surtout les jours de pluie). Elle se regarde dans son smartphone en mode miroir et voudrait se trouver jolie, mais les signes du temps qui passe la contrarient. Elle tapote, elle se cherche des tas d'amis. Elle les trouve, les collectionne, les excède, les égare, les perd, et cela la mortifie. Elle voudrait tant plaire, elle voudrait tant être préférée. Elle insiste pour qu'on like sa dernière coiffure sur FB. Pour combler le vide de sa vie, elle déverse une multitude de smileys et d'emojis. Ses messages sont des grappes colorées de pastilles. Elle adopte un langage glucose et fluo, elle s'efforce d'avoir de l'humour et de l'esprit. Elle s'invente, elle construit, elle déconstruit. Elle conjugue ses projets au conditionnel. Elle regrette son passé décomposé. Elle désespère de l'avenir qui la fuit. Elle regarde goutter la pluie. Elle attend, elle soupire, elle attend, elle vérifie. Aucun message. Quel ennui !

mardi 19 mai 2020

Vivre : s'élever au réel, pencher au mystère


Bibliothèque / Palazzo ducale / Gubbio

Tous les jours à l'aube, déchirant la forêt, le premier matin du monde apparaît ...


Une émotion forte, quotidienne émerge de ma promenade à potron-minet : l'impression que le monde se renouvelle chaque jour, que les journées sont des miracles sans cesse répétés. Et voici que, par hasard, la NL de France-Culture m'apporte ce poème d'Anna de Noailles, un bijou qui dit tout : 

Être dans la nature ainsi qu'un arbre humain,
Étendre ses désirs comme un profond feuillage,
Et sentir, par la nuit paisible et par l'orage,
La sève universelle affluer dans ses mains !

Vivre, avoir les rayons du soleil sur la face,
Boire le sel ardent des embruns et des pleurs,
Et goûter chaudement la joie et la douleur
Qui font une buée humaine dans l'espace !

Sentir, dans son cœur vif, l'air, le feu et le sang
Tourbillonner ainsi que le vent sur la terre.
- S'élever au réel et pencher au mystère,
Être le jour qui monte et l'ombre qui descend.

Comme du pourpre soir aux couleurs de cerise,
Laisser du cœur vermeil couler la flamme et l'eau,
Et comme l'aube claire appuyée au coteau
Avoir l'âme qui rêve, au bord du monde assise... 

 Anna de Noailles, "La vie profonde", dans le recueil Le Cœur innombrable

 

lundi 18 mai 2020

Vivre : éloge de l'obstination


Escalier / Saint-Ursanne

Ne jamais se décourager : ce n'est pas parce qu'on a l'impression
de tourner en rond, qu'on ne parvient pas - lentement - à la solution. 

dimanche 17 mai 2020

Vivre : la vie, la mer...

Barca a velo / Giuseppe Palombaro / Otranto / 2017

Cette impression, certains jours, de voguer sur une mer limpide, une mer d'huile allant rejoindre l'horizon, rendant superflue toute forme de boussole ou d'explication...
... et cette perplexité, certains autres jours, devant le puzzle de mille pièces s'étalant en guise de gouvernail, cette complexité à trouver ne fut-ce que deux éléments susceptibles de s'imbriquer pour constituer un début de direction...

samedi 16 mai 2020

Vivre : saisir au vol


Henri IV et Gabrielle d'Estrées / Fleury Richard / MBA / Lyon


La vie de chacun d'entre nous n'est pas une tentative d'aimer, elle est l'unique essai. 
C'est pourquoi l'amour se nourrit de marginalité, de silence, de vie secrète, séparée, sacrée.
Pascal Guignard, Vie secrète.

Sentir intensément que chacune des opportunités offertes ne se présentera qu'une seule fois. Une seule!
Ressentir très fort l'absolue importance d'être là, malgré les illusions que dessine notre infinie distraction.

vendredi 15 mai 2020

Vivre : seule étoile *


Portrait d'un arbitre (?) /Barthel Beham / KHM / Vienne


Dans un monde de faux-culs, et dans un monde de manigances, 
dans un monde de faux-semblants, et dans un monde de toute urgence,
dans un monde de faux-fuyants, et dans un monde d'impermanence,
dans un monde de faux-monnayeurs, et dans un monde de violence,
regarde-moi, écoute-moi : c'est bon - vraiment, vraiment - que tu sois là.

* Omniprésente devise décorant les hospices de Beaune, rappelant l'amour de Nicolas Rolin pour Guigone de Salins.

jeudi 14 mai 2020

Vivre : parler de l'hiver


Yokohama / Japon / 2014 /Steve MacCurry /exposition Scuderie Castello Visconteo / Pavia 2018

Les gens qui ne savent pas parler de la mort ne m'intéressent pas. Du reste, qu'auraient-ils à me dire de la vie ? 

mercredi 13 mai 2020

Vivre : après l'orage



 Plus que jamais, tendre vers d'élagage.
Se délester de ce qui pèse, ce qui englue. 
Quitter sans pleurs, larguer avec courage.
Se sentir riche de ce qui n'obsède plus.

mardi 12 mai 2020

Voyager : la toile, voyage immobile





Le directeur de la Comédie de Valence, Marc Lainé, a organisé durant ce confinement de nombreux projets inédits, parmi lesquels le concept de "Carnet de voyage immobile" avec la collaboration de Stephan Zimmerli, un artiste au talent protéiforme. Musicien, membre du groupe Moriarty, il est non seulement dessinateur, mais aussi architecte, enseignant, photographe.

Le créateur, installé chez lui, tout en haut d'une tour face à un paysage urbain en expansion, reçoit les demandes, écoute et interprète au plus près de ce que lui suggèrent les participants au projet. On le sent très concentré et empathique. Dans leur interaction avec le peintre, les intervenants peuvent évoquer des destinations imaginaires ou réelles, vers lesquelles ils ont le désir de se téléporter. Leurs images intérieures, exprimées de manière approfondie, aboutissent, par la grâce attentive de l'artiste, à de véritables perles. A regarder le dessin évoluer vers une forme aboutie, on aurait envie d'être soi-même confiné, juste pour le plaisir de décrire à un inconnu le décor de ses rêves et le voir prendre forme sous nos yeux émerveillés.

Après une heure d'élaboration commune, émerge enfin le paysage, inspiré par des lieux réels, des Vosges à l'Écosse, de l'Émilie-Romagne au Finistère, ou par des images nées de l'inconscient, un paysage dans lequel un être en quête d'horizon ou de refuge trouve enfin un écho à ses besoins.

Un projet qui stimule l'imaginaire... Depuis le début du confinement, les propositions ont afflué sur la toile, plus ou moins attractives ou réussies. Beaucoup de musées ont tenté l'interactivité, avec un succès mitigé (ce n'est pas parce qu'on peut, à force de clics, entrer dans une salle d'exposition et atteindre un tableau, qu'on acquiert un véritable sentiment de proximité avec cette œuvre, un sentiment plus intense que celui de la voir reproduite sur une simple carte postale ou dans un livre).

Ce projet de M. Lainé et S. Zimmerli offre l'opportunité à tout un chacun de s'interroger sur son paysage idéal. Mon paysage idéal... quel serait donc mon paysage idéal...? Une question ouverte qu'on peut se poser certes avec acuité en ces temps de confinement, mais aussi en tout temps. La question du paysage idéal, n'est-ce pas la métaphore de la vie, telle qu'on se la souhaite ardemment ?

lundi 11 mai 2020

Vivre : bien, mieux, bien moins




Ces dernières semaines : interroger l'essentiel.
Trop de mots et d'hypothèses : besoin de recul.
Au-dehors et en soi-même : tendre vers l'épure.




dimanche 10 mai 2020

Vivre : jamais tout à fait le même



Le matin, le soir,
on reçoit une entrée
sans jamais savoir
quel est l'artiste exposé.

samedi 9 mai 2020

Vivre : l'éveil de l'été


Statues / parc de la Residenz / Würztburg

Oui, l'été pointera son nez, les moissons, les cueillaisons,
dans les champs, les bourdonnements, les vibrations offertes,
dans nos corps, ce besoin de reconquête, ce sens de la fête,
oui, et dans l'air, les scintillements ensorcelants de la lumière. 
 

vendredi 8 mai 2020

Vivre : pressés, pressés


détail fresques / Abbaye Santa Maria di Vezzolano / Piémont

Ces gens qui affirment haut et fort n'avoir pas une minute à eux,
semblant autant désireux de se convaincre eux-mêmes
 que d'en informer impérativement les autres...
presque une sorte de fierté à voir leur temps leur échapper
(on leur souhaite vivement que ce ne soit pas le cas :
n'est-ce pas terrible que de n'avoir pas 60 secondes à soi ?)

jeudi 7 mai 2020

Vivre : relâcher d'un cran


Maestro dei Mesi / Museo della Cattedrale / Ferrara

Il fallait t'y attendre. Francesca Melandri, dont tu as lu la lettre plusieurs fois, cette voix qui te parvenait de ton pays, cette voix amie, t'avait pourtant avertie (cela semble être si vieux, déjà, il y a longtemps, il y a si longtemps, il y a pourtant à peine plus d'un mois) ses mots t'avaient prédit que tu prendrais du poids.
Depuis, il y a eu les recettes inratables que tu n'as presque pas ratées, les recettes classiques, les recettes interprétées, toutes ces recettes qui te faisaient voyager : les pitas bien dodues et celles qui ont refusé de gonfler, et les curries - tous les curries végétariens ou pas - qui t'emportaient vers de lointaines provinces indiennes, les felafels, dont les parfums t'ont ramenée dans la vieille ville de Jérusalem, les tajines qui te conduisaient tout droit jusqu'au Sud marocain, et les différentes sortes de pasta, les lasagnes, les canneloni aux épinards et à la ricotta, les pizzas divines agrémentées d'artichauts et de gorgonzola (avec ces dernières tu te retrouvais au cœur de soirées romaines, dans le quartier de Trastevere, il te semblait entendre les cris et les rires qui fusaient de toutes parts) et il y a eu d'autres pâtes, et  différents pains, les tartes fines aux asperges et celles aux champignons, et les desserts, les crumbles aux pommes et aux baies des bois, les cinnamon rolls te rappelant ceux des cafés danois, les croissants, les carrotcakes, les tartelettes au citron meringuées, sans oublier le fameux gâteau aux noisettes piémontais que tu prépares les yeux fermés. Oh oui, tu as pris grand plaisir à concocter ces mets, tu as vu du pays, tu as retrouvé mille souvenirs sous tes papilles, tu t'en es donné à cœur joie. Sans compter les herbes aromatiques que tu allais tous les soirs humblement quémander à ton jardin, menthe, romarin, thym, origan, que tu ramenais en fleurs dans ton tablier. Tout en pétrissant, en mélangeant, en assaisonnant, tu écoutais des émissions (certaines te distrayaient, d'autres te lassaient, à la fin tu préférais les chants qui parvenaient de la forêt). Cette occupation quotidienne et créative, banale et sublime a mis tous les jours du piment et du soleil dans tes journées, a enrichi les conversations, a rythmé tes soirées.
Il te faut à présent admettre les faits : question calories tu t'es surendettée et tous tes crapahutages à travers les champs et les bois n'y ont rien changé : ta ceinture exige à présent d'être desserrée. Pénible bilan. Et ton seul espoir à présent, c'est vraiment, vraiment qu'avec ce foutu déconfinement tu te trouves d'autres saines activités, d'autres challenges, d'autres projets. Ton corps, ton miroir et tes jeans les appellent de leurs vœux. Urgemment. Et ton mental lui aussi aspire à d'autres conquêtes, d'autres territoires et passe-temps.

mercredi 6 mai 2020

Voyager : annuler ...


 hier encore nous longions les rives scintillantes du Léman...


... nous protégions nos yeux de nos mains en visière...


... les rives si proches, les bateaux, les départs annoncés...


... hier encore nous marchions éblouis vers l'été...

mardi 5 mai 2020

Vivre : le B. A. BA


La poésie / JBC Corot /Wallraf-Richartz Museum / Cologne

Chez le dentiste, chez l'opticien, j'ai tout à coup saisi combien sept semaines d'autoconfinement m'ont laissée démunie. A force de tapoter, à force de rédiger, à force d'écouter et d'acquiescer d'un geste, d'agiter les bras, de saluer de loin, à force de laisser les mots s'écouler, en toute liberté, dans les méandres de ma pensée, de les voir se dérouler pour constituer des textes et des listes, de les autoriser à s'assembler autour de rêves et de projets, de les sentir vibrer au fond de ma mémoire, échappant au face à face, j'avais oublié leurs sons, certaines de leurs imbrications et de leurs implications, et voici qu'il me faut réapprendre ces aptitudes vitales et basiques : prononcer, articuler, converser, informer, relancer, interroger. Récupérer la faculté de communiquer à haute et intelligible voix. Bref : parler.

lundi 4 mai 2020

Vivre : ouvrir les yeux


Untitled / Cecily Brown / 2018 / Louisiana Museum / Umlebaek

 On s'achemine vers la mort à chaque instant. Mais il y a ceux qui vivent à chaque instant et ceux qui meurent à chaque instant. Ceux qui s'acharnent à acquérir les avantages matériels sont en train de mourir, ce sont les avantages matériels qui vivent à leur place. Il en est de même avec ceux qui sont prisonniers de leur connaissance, esclaves des règles imposées, ou ceux qui, trop soucieux d'éloges ou de critiques, s'inquiètent du regard des autres. Pensez donc à votre mort à tout instant, c'est la meilleure manière de profiter de votre vie.
Dominique Loreau, L'Art de l'Essentiel. 

Ce n'est pas la mort qui est dramatique. De loin pas. Ce qui est dramatique, c'est de passer à côté de la vie, sans même s'en apercevoir.

dimanche 3 mai 2020

Vivre : question d'atmosphère



La perspective aérienne, perspective atmosphérique ou perspective d'aspect est une technique picturale qui consiste à marquer la profondeur de l'espace par le dégradé progressif des couleurs et l'adoucissement progressif des contours. Elle s'applique presque exclusivement au paysage. [Réf. Wikipédia]
Paisiblement, certains soirs 
le paysage nous donne à voir
ses leçons d'histoire de l'art.

samedi 2 mai 2020

Vivre : entre deux vies


Portrait de Jenny Kamerlingh Onnes / Menno Kamerlingh Onnes/ Rijksmuseum / Amsterdam

Elle sourit toujours mais affiche un visage un peu flétri. Ses mèches privées de coupe ressemblent à des orphelines anémiques. Elle dit qu'elle va bien, qu'elle a changé de vie. Du reste, elle s'est déniché un appartement dans le quartier, qui, faute d'avoir trouvé mieux, est passablement lumineux. Elle ajoute presque sans déglutir qu'elle et son compagnon se sont séparés, que tout s'est passé dans la plus grande civilité. Elle poursuit : la campagne, non merci, tous ces gens qui vous pointent du doigt quand on ne leur ressemble pas. 
Elle est presque aussi élégante qu'avant. Elle est presque aussi avenante. Elle ne montre presque pas combien lui pèse le confinement, et la vie en solo, et son boulot mis entre parenthèses pour l'instant. Elle traîne à bout de laisse son vieux chien beige qui n'y voit plus guère. De sa démarche chaloupée, elle part courageusement vers son atelier, lequel rouvrira sous peu. Elle reverra alors tous ces gens avec lesquels elle aime tant échanger. Elle retrouvera alors cet air pimpant et confiant qui la caractérise. Elle se reconstruira alors par touches successives une existence rayonnante. Elle redeviendra solaire et cela lui ira comme un gant.

vendredi 1 mai 2020

Vivre : averses




Il pleut.
Dehors : les feuillages scintillent. L'herbe à curry - ou Immortelle d'Italie - fleurit, dit son plaisir d'être en vie. 
Dedans : sur les écrans tombent les messages de ceux qui cherchent désespérément à fuir leur abyssal ennui.