Composition avec jaune et rouge, 1927
A l'occasion du 150ème anniversaire de la naissance de Piet Mondrian, la fondation Beyeler à Bâle, qui compte dans sa collection sept de ses œuvres, récemment restaurées, présente une exposition intitulée MONDRIAN EVOLUTION.
Mondrian, pour la plupart des gens, ce sont des toiles épurées, des lignes droites, noires sur fond blanc, avec quelques rectangles de couleurs primaires, allant vers une simplification de plus en plus radicale. Bref, cet artiste semble connu essentiellement pour ses productions tardives, aux titres pour le moins standardisés (des mots tels que "composition", "bleu", "rouge", "jaune").
Or, ce que cette exposition montre de manière exemplaire, c'est le travail évolutif de ce peintre hollandais, né en 1872, ayant vécu durant de nombreuses années à Paris et mort en 1944 aux États-Unis où il s'était réfugié pendant la seconde Guerre mondiale. Elle permet de comprendre comment il est passé de l'expression figurative à l'abstraction la plus absolue. Ainsi, plusieurs salles sont consacrées à un même sujet, traité de manière à souligner la progression de sa démarche (une série de moulins, d'arbres, de maisons).
A travers un choix judicieux de tableaux, provenant essentiellement de collections hollandaises, c'est tout le cheminement de la peinture occidentale du XXème siècle qu'il est donné d'observer, depuis les représentations que l'on pourrait appeler figuratives jusqu'aux épures des vingt dernières années. En voici un exemple :
Arbre, 1912 (?)
Pommier en fleurs, 1912
Alors que trop souvent les artistes sont exposés de manière morcelée, par période, ici on a opté pour une présentation transversale, ce qui se révèle très didactique. Le spectateur peut entrer dans la démarche de l'artiste, le suivre dans ses recherches et prendre ainsi la mesure de son processus créatif. Une exposition qui permet de dépasser les jugements "j'aime / j'aime pas" pour parvenir à appréhender l’œuvre dans son ensemble grâce à des repères utiles .
Phare avec nuages près de Westkapelle, 1908
Avant de sortir, j'ai proposé à R. de faire une seconde fois le tour des salles. En m'interrogeant à propos de ce que je venais d'admirer, j'ai identifié quelles étaient mes toiles préférées. Étonnamment, celles que j'ai retenues n'appartenaient pas à la même période. Entre toutes, celle-ci est ma préférée, elle me procure par son extrême simplicité une sensation de repos et d'apaisement :
Composition avec doubles lignes et bleu, 1935, fondation Beyeler
Ce moulin qui tourne ses ailes au soleil (soleil couchant ? ou levant ?) toile figurative mais déjà à la limite de l'abstraction, je l'aurais bien vu dans mon salon.
Moulin à vent, 1917, Stedelijk Museum, Amsterdam
Le nuage rouge, 1907, Kunstmuseum, Den Haag
Enfin, ce petit nuage rosi par un intense ensoleillement, interprété au seuil du non figuratif me touche énormément.
Ces peintures, si différentes en apparence, indiquent à rebours le cheminement de l'artiste comme autant de petits cailloux pour le comprendre. Toutes trois ont ceci en commun qu'elles contiennent une sensation d'équilibre dans leur recherche d'épure absolue. Au terme de la visite, il m'apparaissait qu'un lien invisible et cohérent les réunissait : celui de la tension obstinée vers le minimalisme pour parvenir à l'essentiel.