samedi 31 juillet 2021

Vivre : bonheur

Fontaine /Séguret
 
 
Dire qu'il suffit parfois d'une couleur pour éprouver du bonheur.
 

 

vendredi 30 juillet 2021

Vivre : neuf!

 
Veronese? / Galleria dell'Accademia / Venezia

 
Souviens-toi que rien - rien! - n'est banal, ni le bleu Persan de la libellule qui scintille, ni le U élégant que décrit le lézard immobile (ni le O, ni le S), ni ces gerbes de fleurs offertes frimeuses princesses, rien n'est normal, rien n'est dû, rien n'est évident, pas plus que ton regard conquis et ton sourire ébloui par toutes ces largesses.

jeudi 29 juillet 2021

Vivre : prêter attention

 
Sculptures romaines / Musées capitolins / Rome
 
Derrière les mots qui cachent, derrière les silences gênés,
- un silence devrait-il absolument être comblé ? -
derrière les regards troubles, derrière les soupirs masqués,
- cet air qui s'évapore à la fois lourd et léger -
parvenir à entendre ce que l'autre est en train de livrer
parvenir au message, au vrai message, parvenir à décoder

 

mercredi 28 juillet 2021

Vivre : tous égo

 
Portrait de jeune homme / Lorenzo Lotto / Accademia / Venezia
 
Après avoir reçu leur seconde dose de vaccin, nombreux ont été les gens reconnaissants d'avoir bénéficié de cette mesure de prévention (gratuite, en plus). Considérant ce qui se passait dans le monde, où des milliards de personnes luttaient, se démenaient dans une misère encore plus noire qu'à l'accoutumée, se retrouvaient dans l'impossibilité de se protéger, n'avaient pas accès à des soins adéquats, ou voyaient des proches mourir sans possibilité de les enterrer dignement, il y avait effectivement de quoi se sentir privilégiés.
D'instinct, j'avais désiré offrir une contrepartie, un certain nombre de doses de vaccin destinées à ces pays du Sud. Cela s'était révélé difficile, voire impossible : les vaccinations dépendant des gouvernements, de leur gestion plus ou moins adéquate de la crise, il n'était pas envisageable d'apporter une aide directe par ce biais. Ne souhaitant pas favoriser quelque système corrompu, j'avais finalement répondu à l'appel d'une organisation nationale distribuant des kits de protection, masques et gel, dans divers pays dits "émergents". C'était mieux que rien, me disais-je.
 
J'ai avalé de travers mon café ce matin en parcourant le journal : il est question en Suisse  de pousser les indécis à se faire vacciner en leur octroyant de l'argent. Certains sont arrivés à projeter d'indemniser les citoyens pour qu'ils daignent faire preuve d'un peu de sens civique (à distinguer : celui ou celle qui, ayant réfléchi à la question, estime en toute honnêteté que le vaccin n'est pas la solution et choisit de s'abstenir, une logique difficile à comprendre, devant toutefois être prise en compte). 
Mais, accorder une rétribution pour accomplir un acte de solidarité gratuite et préventive, cela ne relèverait-il pas d'une pure aberration ? Ce n'est pas l'avis du Président de la Commission d’Éthique d'un canton voisin, qui trouve tout à fait naturel d'utiliser ce moyen pour convaincre les indécis. La marchandisation ayant tout envahi, les actes solidaires devraient donc être monnayés ? Pourquoi n'imaginerait-on pas aussi, tant qu'à faire, des indemnisations pour consentir à aller voter, accepter de scolariser ses enfants, daigner porter secours à une personne accidentée ?
La crise du Covid, on le réalise tous les jours, ne fait qu'amplifier les problèmes préexistants. Aldo Naouri mettait en garde il y a quelques années contre des éducations susceptibles de voir émerger des générations d'enfants tyranniques et désorientés. Faut-il s'étonner de voir se profiler des politiques destinées à des tranches d'adultes gâtés et surprotégés ?


mardi 27 juillet 2021

Vivre : surprise qi-gong

 
Couple (détail) / Cecily Brown / coll. privée
 
Regard suspendu, l'espace d'un mouvement,
incroyable fleur rouge dans le pré se dandinant,
le pivert est venu, sublime, picorant longuement.

lundi 26 juillet 2021

Vivre : des étés comme ça

 

La journée avait on en peut plus mal commencé : une pluie battante après une nuit tempétueuse, une femme à la caisse qui ressassait tous les tracas dus aux inondations, pas d'accès aux sanitaires, inconforts divers, et qui parlait parlait tandis que la file derrière elle s'allongeait, des promeneurs de chiens que les chiens promenaient du mieux qu'ils pouvaient, de jeunes pères harassés, des tenanciers découragés, des chaises envolées, cassées, déportées. Et la pluie, qui semblait se jouer de tous, qui ne s'arrêtait que pour mieux continuer.
Et pourtant, le lac. Le lac sublime, qui s'était mis sur son trente et un, qui s'était refait une beauté. Le lac qui nous refilait des envies de plonger. Le lac qui nous invitait à cesser de nous lamenter. Qui nous rappelait à la réalité : celle d'un été particulier, après un hiver encore plus singulier, un hiver un été une année pas forcément faciles à accepter et pourtant, nous étions là pour admirer.

dimanche 25 juillet 2021

Vivre : suivre son flair

 
La forêt des Pins / Pierre Bonnard / coll. Bemberg / Toulouse
 
L'aube n'a pas encore achevé de dessiner tous les contours de notre univers que nous voici prêts pour notre première virée. Nous nous éclipsons discrètement, frôlant les douces branches du chemin, inspirant à pleine poumons les terrains voisins où s'épanouissent lavande, onagres et roses trémières. Nous sommes tour à tour ravis par des senteurs d'herbe fraîchement coupée, des émanations de miel, de sureau et de rosiers, et des vagues de café s'échappant d'une fenêtre grand ouverte sur le lac, lequel apparaît ce matin affalé au pied du Jura comme un bon gros chat. 
 
Un premier motard trop pressé déverse dans son sillage des relents pas vraiment ragoûtants, mais voilà qu'un peu plus avant, nous captons des effluves de brise marine, un gel douche destiné sans doute à revigorer un zombie à peine levé. Puis, à quelques pas, nos narines perçoivent d'exquises essences de bouse et de fumier, les signes de passage de quelque gibier. 
 
Le chien se montre vite happé par ces traces déposées durant la nuit, bien plus subtiles, plus attractives qu'un produit Roger Gallet, elles l'entraînent déjà dans les profondeurs de la forêt. La truffe en l'air, tourné vers la colline qui nous attend, le voici à l'affut, pressé de rejoindre d'autres odeurs, d'autres sources de bonheur, mille particules finement élaborées, délices, merveilles, qui l'occuperont jusqu'à l'heure du petit-déjeuner.

 

samedi 24 juillet 2021

Vivre : le pouvoir des notes

 
Courtisan ua chapeau de fourrure rouge (détail) / Andrea del Brescianino / Coll. Bemberg / Toulouse
 
Il y a toujours quelqu'un - parfois plusieurs personnes, mais souvent juste quelqu'un - qui se retrouve kidnappé devant une voix, des paroles, une musique l'entraînant au centre de lui-même, dans un univers perdu depuis trop longtemps et qu'il ne veut plus lâcher. Les musiciens de rue connaissaient ce phénomène : un homme, une femme, un enfant restent scotchés, écoutent, fascinés. Et rien n'y fait : ni leur entourage qui s'impatiente, qui les invite à continuer, qui leur rappelle leur retard, l'heure qui tourne. Rien n'y fait, ils n'en ont cure : ils viennent de se retrouver. Plus exactement : ils viennent de retrouver une part d'eux-mêmes à laquelle ils se doivent d'obéir impérativement. Ils écoutent envoûtés. Ils constituent un public à eux tous seuls.
L'homme - qui paraissait effarant de banalité, le touriste au T-shirt noir, avec un sac à dos comportant un logo pour une boisson vitaminée - ne lâchait pas la fille des yeux ni des oreilles. Sa femme et son adolescente lui ont glissé tout bas qu'elles restaient dans la rue faire un peu de lèche-vitrine, puis sont revenues, mais il s'est refusé à les suivre. Il écoutait la fille, avec son groupe (une jeune violoniste choriste, un cymbalum et un violoncelle).
La chanteuse généreuse enchaînait les morceaux. A un certain moment, après l'avoir applaudie à s'en brûler les doigts, il a fallu se détourner. Mais se détournant on constata que l'homme banal pas si banal était toujours là.




vendredi 23 juillet 2021

Lire : en mode re-

 

A la fenêtre du sous-sol / John A.Reid / Collection Power Corporation du Canada
 
N'ai pas su résister ce matin et j'ai embarqué Douleur, de Zeruya Shalev, qui me tendait les bras sur le présentoir. Je me suis encore une fois interrogée sur ma propension à disséminer les livres que j'ai aimés, à les proposer, sans trop me préoccuper de leur absence, de leur éventuel futur manque, ou me soucier qu'on oublie de me les restituer. J'ai racheté l'exemplaire et je me suis mise à relire. Avec bonheur, ignorant le voisin qui tondait avec application ses herbes folles et les aboiements intempestifs du chien. Toute à mon affaire. En matière de lecture, peu importent les vérifications, les pertes ou les négligences : l'essentiel est d'aimer ce qu'on (re)découvre, d'y plonger avec bonheur et de partager ensuite ce bonheur autour de soi. 
Quand le désir de relire vous saisit, c'est que l'ouvrage était bon, bon pour vous en tous cas, puisqu'il vous a marquée, que vous ne l'avez pas oublié, qu'il vous a rouvert les yeux sur des vécus essentiels, qu'il a su vous trouver dans des replis dont vous aviez égaré les clefs, est parvenu à vous emporter durant une après-midi entière dans l'ombre tutélaire de la forêt, au cœur de vos secrets.

jeudi 22 juillet 2021

Vivre : ce qui n'existe pas

 
Zao Wou-Ki / 05.03.2003 / collection particulière
 
Il ne fait jamais vide.
Dans ces journées désertées
le soleil les images les fourmis
tout vient dire que le vide
est un concept échafaudé. 
 

mercredi 21 juillet 2021

Vivre : les affirmations

 

De l'arrogance, assurément.
De la bêtise, probablement.
De l'ignorance, évidemment.
Une défense, c'est flagrant.
Dans ce terrible besoin
d'avoir toujours raison

mardi 20 juillet 2021

Vivre : les voies du silence

 
Abbaye de Silvacane
 
Le silence.
Qui s'entend.
Qui se voit.
Qui s'impose.
Qui s'étend. 
 

lundi 19 juillet 2021

Voyager / Vivre : il y a eu

 
Château La Coste / Le Puy-Ste-Réparade
 
Il y a eu cette fille, son sourire, qui était un véritable sourire, un sourire dans lequel il n'entrait aucune obligation, pas un sourire de façade, ni de bienvenue, non, un sourire gratuit, généreux, qui balayait la rue, qui élevait le regard, qui illuminait le trottoir, un sourire juste pour le bonheur d'être au monde et de partager ce bonheur avec tout plein de monde.
Il y a eu aussi ce moment à Mirmande où il semblait qu'on dialoguait avec les pierres, qu'elles nous écoutaient, qu'elles nous murmuraient des secrets, et, tandis qu'on redescendait un petit col un peu plus tard, cette inscription sur un gros caillou : "la vie est belle" et alors qu'on la déchiffrait, on a vu  arriver en sens inverse une vieille DS un peu cabossée, un peu poussive, couleur turquoise et on a admiré cette bagnole modèle de luxe qui défiait les années avec une nonchalance racée. 
Encore un peu plus loin, après Marsanne, une femme au bord de la route, penchée sur ses trois poules rousses, bien dodues, veillant à ce qu'elles n'aillent pas se faire écraser à trop vouloir picorer l'herbe grasse du talus. Et ce vélo de fillette, posé tout contre un panneau signalétique, tache rose en rase campagne, que personne ne semblait vouloir réclamer.
(Et puis ces fleurs, minuscules, jaunes, au bout de longues tiges élancées, qui indiquaient à chaque carrefour le bon chemin à emprunter)
Et, le lendemain, ce peintre qui nous a ouvert les yeux, qui nous a immobilisés, qui appliquait ses couleurs sans jamais s'arrêter parce que "Peindre, peindre, toujours peindre encore peindre, le mieux possible, le vide et le plein, le léger et le dense, le vivant et le souffle".
Et cet enfant très poli, qui s'est incliné, humblement, en demandant s'il était possible de caresser le chien et le chien qui lui a répondu de suite oui, naturellement, tu me plais bien, mon pelage attend ta main dans son langage de chien.
Il y a eu des couscous et des joues de lottes, et des tartes et des charlottes (et certains nectars pourpre profond propres à nous faire trébucher et une pizza divine, divine à tomber, si bien que je ne m'en suis pas encore relevée).
Il y a eu ce serveur qui se la jouait un peu frimeur, mais qui avait dans les yeux comme une peur, un tremblement incontrôlé, et qui m'a refilé exactement l'adresse que j'attendais.
Il y a eu tant de choses, des détails sans grand relief, d'une extrême banalité, qu'on pourrait sans doute oublier, mais peut-être que, somme toute, mises bout à bout, les banalités finissent par former le plus marquant des colliers.

dimanche 18 juillet 2021

Habiter : dans son jus

 

Depuis le temps que, me dirigeant vers le musée, je passais devant, l'idée d'y séjourner m'avait plusieurs fois titillée... il aura fallu cet été un brin chamboulé pour qu'on nous propose un séjour entre deux arrivées. L'hôtel était encore plus stupéfiant que je l'imaginais : tellement démodé, suranné, désuet, vieille France et bonnes manières que davantage ne pourrait se concevoir. Extravaguant à force de conformité. Bref, l'hôtel parfait. On y trouvait : d'authentiques toiles d'un peintre extrêmement prolifique du siècle dernier; et puis, suspendues à un petit crochet, dans la salle de bain, des languettes de papier pour lustrer les souliers; des chambres qui ressemblaient à des boîtes de calissons, bleu ciel, rouge et rose bonbon; des petits-déjeuners avec timbales en argent et Mozart en toile de fond; un escalier carré pour monter et un escalier pour descendre en colimaçon; une niche de réception envahie de papiers comme au temps du fax et du minitel. Bref, un hôtel ancien modèle.


Dans les couloirs, on croisait de vieilles octogénaires et de jeunes reporters, des touristes qui trouvaient l'endroit malcommode et ampoulé et des chiens comme le nôtre parfaitement stylés (hum...), des voyageurs allemands qui ne frayaient pas avec n'importe qui et des dames passablement distinguées portant tailleur et mise en plis.

 
Il arrivait, rentrant le soir, de voir notre hôtesse servir un verre de liqueur à des amis dans la salle à manger. Quand nous l'avons remerciée en partant, elle nous a cité parmi ses habitués un académicien grand chouchou des médias, des journalistes en charge de pages culturelles et un ancien ministre  définitivement évincé par la Macronie. Puis, alors qu'un couple d'Américains tout juste débarqués de  Nouvelle-Angleterre exigeaient de connaître le code Wifi, elle les a fermement priés de patienter pour aller servir à un monsieur mélomane son café, dans une élégante cafetière en style Liberty.
 
En pleine mondialisation, alors que tout finit par se ressembler un peu partout, voitures, maisons, décorations, le petit hôtel avait su préserver sa distinction et ses relents de bonne éducation. En prenant congé, on ne pouvait s'empêcher de pousser un profond soupir de regret, car l'hôtel si discrètement phénoménal était affreusement difficile à quitter...



samedi 17 juillet 2021

Vivre : oppositionnelle

 
Cecilie Petersen, soeur de l'artiste / Christen Schiellerup Købke / SMK / Copenhague
 
Elle dit qu'elle va faire recours contre son employeuse. Elle dit qu'elle est dans son droit, elle répète qu'elle est dans son droit, qu'elle a consulté des syndicats, et que de toutes façons on ne peut pas l'obliger. Elle dit que des dizaines de gens sont déjà morts d'avoir été vaccinés, sans compter tous les animaux, sur lesquels on a effectué tous les essais. Elle dit que les gens hauts placés, ces gens qui nous gouvernent ne comprennent rien, ne savent rien, ne pensent qu'à nous manipuler ou à nous effrayer. Elle dit qu'elle, elle n'est pas du genre à se laisser faire, ah non, elle, on ne la lui fait pas, non mais qu'est-ce qu'ils croient ? Elle dit qu'on n'est pas des moutons, qu'il ne faut pas nous prendre pour des cons. Elle affirme haut et fort que ce qu'elle affirme, elle le tient de source sûre : une amie très bien informée, qui sait bien ce qu'on nous tait et l'a posté sur FB. Elle ajoute que, si ça continue comme ça, ceux qui oseront résister seront ostracisés comme on faisait avec les Juifs autrefois. Elle parle, elle parle, on dirait qu'elle attend notre confirmation, ou notre approbation. Impossible de discuter, elle veut déverser, s'opposer, pas argumenter. Son disque semble définitivement rayé. On l'a connue exactement comme ça, il y a quarante ans. Autres sujets, mêmes rejets. On la laisse s'éloigner, les yeux rivés sur sa tablette, continuer de s'informer, liker, approuver, déverser des tonnes d'émojis, participer à la gabegie.

vendredi 16 juillet 2021

Vivre : un air de Toscane

 


Tous les jours, le même tour.
Toujours la même balade.
Toujours le même arbre. 
Et jamais le même regard.

jeudi 15 juillet 2021

Vivre : être ou ne pas être (en vacances)

 
Dans un jardin méridional / Pierre Bonnard / Kunstmuseum / Bern
 
 
A quoi tient le sentiment d'être en vacances ? Les valises, les départs ? Pas forcément. Les billets, les files d'attentes, les imprévus, les contretemps ? Non, assurément. Le stress, la foule, un peu partout, les appels intempestifs, toutes sortes de petits tiraillements ? Oh, non, certes non. Ce serait plutôt...
... une sensation de liberté, de nouveauté dans les pupilles, d'étonnement dans les papilles, une attention émerveillée au présent, un appel à regarder les choses autrement, à se souvenir, à voir remonter d'autres splendides moments, à ressentir sur sa peau d'irrépressibles frémissements. 
Le sentiment de vacances, c'est aujourd'hui, ici. Ou alors ailleurs, très loin. C'est un état d'esprit, qui vous cueille et qui vous entraîne dans le domaine du rêve ou de l'apprivoisement. C'est un laisser-aller, un relâchement. Les épaules retombent, les yeux s'ouvrent, les narines hument un air qui vient du large, ou du Nord, dense et différent. 
Ce n'est pas parce que l'on part en vacances qu'on y est. Le sentiment d'être en vacances, c'est l'impression de devenir un autre. Ou alors, de renouer avec soi. N'est pas en vacances qui veut. Ce sont les vacances qui vous cueillent et, si elles vous en jugent digne, font de vous des êtres privilégiés. Comblés. Heureux.
 

mercredi 14 juillet 2021

Vivre : le pas

 
quelque part en Provence
 
Ce moment, ce laps de temps,
entre le dehors et le dedans,
ce moment de transition,
plus tout à fait dehors,
pas encore dedans,
tout en interrogation.
J'adore ce moment. 

mardi 13 juillet 2021

Lire : de l'importance d'un arbre

 

 
Dans "L'Orme du Caucase", publié en 1993 au Japon, Jiro Tanigushi a adapté huit brefs récits de l'écrivain Ryuichiro Utsumi.
Ce sont de fines esquisses, des tableaux attachants, au sujet de liens brisés, on se sent remué en les parcourant. Il est question de ruptures muettes et cruelles, de familles séparées, de mésententes qu'on peinerait à première vue à s'expliquer. Il est question de souffrance intime et de larmes anciennes. Il est heureusement aussi question de cicatrisation et de reconnexion.
Les parents ont tendance à réprimander leurs enfants de manière déraisonnable. Ou à les abandonner pour des raisons difficiles à expliquer. Les enfants peuvent aussi se montrer cruels avec leurs parents, demander par exemple à un vieille veuve de vendre sa maison pour pouvoir en construire une neuve, dans laquelle on lui laisserait un tout petit espace à disposition. Ou évincer un père en le poussant à la retraite élégamment.
Ces histoires regorgent de cœurs lourds, de blessures jamais cicatrisées. Il n'y a jamais trop de mots, mais des regards qui en disent long. Heureusement, il y a aussi le travail patient du temps, le temps qui permet de comprendre et d'ouvrir des portes trop longtemps laissées fermées.
On l'aura compris : L'Orme du Caucase est un manga apte à vous embuer les yeux pour peu que l'on ait l'âme un brin sensible le jour où on le relit.
Le récit qui donne son titre au recueil a pour protagoniste un arbre, un arbre très vieux, dont tout le monde s'accorde à dire qu'il n'apporte que des embarras : ses feuilles, par exemple, à l'automne, sont une calamité contre laquelle les voisins ne cessent de se plaindre. L'arbre est devenu l'ennemi numéro un du quartier. Il n'est question que de l'abattre. Et pourtant, pourtant... quelque chose murmure à son nouveau propriétaire que l'arbre recèle des qualités précieuses. Le précédant occupant des lieux  lui confie : "L'orme habitait ici bien avant moi. Puis, je me suis installé et ce n'est que bien plus tard que des maisons ont commencé à se construire à l'entour. Aujourd'hui, on va l'abattre parce qu'il perd ses feuilles. Mais le vrai problème, c'est l'égoïsme de ceux qui sont arrivés après lui."


L'arbre, un personnage imposant, métaphore de tout ce qui devient trop vieux et encombrant dans notre société, tout ce dont on ne veut plus, tout ce qui ne convient plus, la pesanteur du passé, l'esquive des obligations, tout ce qui fait oublier la beauté d'un orme en bourgeons quand arrive le printemps.

Casterman, Paris, nouvelle édition : 2019

lundi 12 juillet 2021

Vivre : un voeu

 
Héroïne / fresques du château de la Manta / Saluzzo
 
 
Parfois, quittant un square, ou un restaurant, on dit "au revoir" à des gens. Et, étant donné les circonstances,  on sait bien que cet "au revoir" est un pur contresens. Compte tenu des regards, ou des propos échangés, cet "au revoir" a tout d'un souhait, qui ne se réalisera jamais. 

 

dimanche 11 juillet 2021

Vivre / voyager : l'état de conservation

 
Saint-Libéral (?) tenant la ville de Trévise (détail) /Leonardo Boldrini / MBA / Dijon
 
Le centre avait changé en trois ans. Plus ripoliné, plus flamboyant, plus clinquant. Pratiquement aucun mendiant, uniquement des gens bien sapés et quelques touristes disciplinés. Une belle ville bien mise,  offrant au monde le reflet de sa riche histoire, mais... où ses commerçants étaient-ils donc passés ? Toujours plus de sandwicheries, une seule modeste boucherie, des grandes enseignes "express" en guise d'épiceries. Toujours moins de caddies, de ménagères prêtant l'oreille aux potins du quartier, toujours plus de personnages avec cartables, de fonctionnaires zélés. Des restaurants ouverts le midi. Des boulangeries transformées en confiseries.
Une fois éprouvée la séduction du premier regard, on se rendait compte que la ville, comme tant d'autres, suivait une désolante tendance à exhiber son glorieux passé, façon carte postale, mais, que derrière ses façades prestigieuses, elle était en train de perdre ce qui fait le sel d'un lieu : ses habitants, leurs mouvements, les bêtises des enfants et les réactions courroucées des mamans. Les squares. Les bars " de l'Industrie" ou "des Amis". Les draps aux fenêtres. Les cris. Les affiches annonçant un vide-grenier ou quelque traditionnelle festivité. C'était un fait, après le premier regard, le premier tour, la première balade dans ses ruelles, on ressentait comme un vide, une hémorragie, une absence et bientôt on était saisi d'une irrépressible envie de la quitter, la ville vide et belle, qui vendait son âme et devenait musée.

samedi 10 juillet 2021

Vivre : retrouvailles

 
Portrait d'un jeune garçon / Égypte /env.115 aJC / MBA / Dijon
 
Que voit-on dans les yeux des gens ? Que voit-on dans leurs prunelles, qu'elles soient neuves ou toutes vieilles, d'ici ou d'ailleurs, de tout à côté ou de très loin ailleurs, que voit-on qui nous donne l'impression de devoir nous éloigner, ou de pouvoir nous approcher ou encore de sentir que nous sommes arrivés ? Je te regarde, inconnu, étranger, et je sens que je peux te parler. Je lis dans tes yeux une enfance semblable à la mienne, et des jeux et des rires provenant de nos six ans à peine. Je lis que je peux te faire confiance, je reconnais les mêmes désirs écorchés, les mêmes sanglots à consoler, je lis que tu peux entendre des mots que j'ai rarement su prononcer. Je sais que la rencontre peut débuter.

vendredi 9 juillet 2021

Vivre : éclairage

 
Saint-Pierre / Tadeo di Bartolo / Musée Granet / Aix-en-Provence

 Comprendre. Pas : excuser. Pas : pardonner. 
Comprendre par bribes ce qui a pu se passer. 
Parvenir à expliquer. Chacun a fait ce qu'il pouvait.
Ne pas en éprouver de rage, ni en aimer davantage. 
Seulement : comprendre pour pouvoir dépasser. 
 

jeudi 8 juillet 2021

Vivre : juillet, un après-midi

 

La journée s'était révélée exceptionnelle. Le ciel couvert nous avait promis de la pluie, de la morosité, des contrariétés : il n'en a rien été. L'atmosphère avait quelque chose d'irréel. On aurait cru un retour à des saisons oubliées, des souvenirs d'adolescence, des timidités qu'on pensait dépassées. Au bord de la rivière qui charriait infatigablement des Alpes des torrents d'eau glaciale, sur la pelouse aussi douce qu'une peau de mouton, de jeunes mères conversaient et partageaient - plus ou moins équitablement - leur goûter avec leurs rejetons. Elles parlaient si doucement qu'en les effleurant au passage on ne percevait aucun son, on ne distinguait aucun nom. Ça et là des enfants couraient, mais comme au ralenti, des grands-parents surveillaient, mais juste pour que cela soit dit. Assise devant son eau minérale, une femme inclinée sur un roman tournait avidement les pages. Deux retraités s'essayaient au pingpong, passaient plus de temps à contester, penchés, qu'à renvoyer. Un maillot esseulé se désolait au milieu d'une allée. 
A un certain moment, un homme droit et musclé s'était avancé et avait installé une sangle entre un arbre penché sur les berges et le milieu d'un pont. Ensuite, lentement, il avait entrepris de s'élever. Bientôt, on n'avait plus perçu la corde, on ne voyait que sa silhouette en train d'évoluer, un ange aux ailes évaporées, un insecte surprenant, un gypaète en vol plané. Il faisait doux, les nuages veillaient sur ce biotope protégé tandis qu'on sirotait rêveusement sa tasse. On se disait que les lieux et les moments les plus beaux sont ceux où l'on ne distingue ni les âges, ni les milieux, ni les couleurs de peau, où tout le monde a acquis le simple droit d'être ce qu'il est et de se trouver exactement à l'emplacement qui lui plait. On laissait flotter ses pensées, comme les branches que le courant entraînait, ignorant le livre qu'on avait distraitement emporté.
Et puis, malheureusement, à un certain moment, l'heure de rentrer a sonné.

mercredi 7 juillet 2021

Lire / Ecrire : dresser un cheval

 
Sala dei Cavalli / Palazzo Te / Mantoue

Je suis Bartabas le furieux
l'homme qui à cheval
va mesurer le monde.
 
Avec les hommes j’ai toujours l’impression d’apparaître déguisé. Seuls les chevaux me voient tel que je suis.
 
 J’irai toujours, confiant dans mes rêves, tant qu’il y aura des chevaux pour les porter. 
 
Le livre de Bartabas, "D'un cheval l'autre", vient d'être publié en édition de poche, chez Folio. A  propos de cette expérience d'écriture dans lequel il évoque les différents chevaux qui ont compté dans sa vie d'homme et d'artiste, l'écuyer fabuleux dit :

"Je pense que la vraie parole est la parole écrite. C'est la littérature. C'est la seule parole qui t'engage complètement. Parce que tu as eu le temps de peser chaque mot, l'intention de chaque mot. Quand on parle, quand on s'exprime oralement, bien sûr c'est intéressant, il y a une vérité, mais on n'est jamais juste.
J'ai découvert qu'écrire, c'est comme dresser des chevaux. C'est tous les jours, tous les jours, recommencer, remettre sur le tapis le travail, jusqu'à trouver l'équilibre juste, l'intention du geste juste
du cheval, exactement comme tu rémoules tes chapitres, tu rémoules tes phrases jusqu'à trouver l'équilibre juste de la phrase, le mot juste qui convient à l'intention que tu veux donner.
Donc c'est assez proche. Il y a un côté comme ça très concret. C'est du travail, quoi, tout simplement." 
 
Destinée à décrire ce lien viscéral qui le lie à l'animal, cette chose intime et profonde qui l'emporte vers ses rêves, Bartabas présente l'écriture comme un exercice, exigent, patient, quotidien, répété. L'écriture comme un acte concret, un dressage, une pratique obstinée. Quel que soit le sujet, quelle que soit la tâche, noble ou triviale : de l'exigence et du travail.
 




mardi 6 juillet 2021

Vivre : les silences de la routine

 

 
 Palais de Dioclétien / Split

 
Ces jours où rien ne vient. On s'attelle à la tâche, comme chaque matin. On s'applique, on essaie, on avance, on rebrousse chemin, on gomme (avec cette impression que la gomme s'use plus vite que le crayon), on reprend, mais rien ne vient. Fracas du silence, expiration de l'inspiration. Quand le soir tombe, on se retrouve avec un maigre butin. Et accepter, comme une nécessité, le jeu, la défaite, le fait qu'on ne parvienne à rien. Pire : à pas grand chose. Des montagnes de banalité, des amas de clichés. Et envers et contre tout se remettre à la tâche, dès le lendemain.


lundi 5 juillet 2021

Habiter : home sweet home

 
Madone entourée de saints (détail) / Guido da Siena / Pinacothèque / Sienne
 
 
Une maison : un écrin, un ancrage, un présent, une protection.
Oser rêver d'un monde où chacun aurait droit à sa maison...

dimanche 4 juillet 2021

Vivre : prends garde à la fugacité des choses

 

 
Tu aimes voir le chien courir à toute berzingue à ta rencontre après qu'il a longtemps ignoré tes appels, tu aimes sa gouaille d'enfant gâté pourri trop aimé, et sa façon de revenir vers toi quand ça lui chante et la vitalité qui se dégage de sa belle silhouette cuivrée, tu aimes les jours où tu changes l'éponge de l'évier et commences de nettoyer le plan de travail avec application, avec délectation, tu aimes quand les choses sont propres et astiquées, et les matins où tu entames un nouveau tube de dentifrice, bien dodu, bien lustré, pas besoin de presser, la pâte ne demande qu'à s'étaler, tu aimes ces petites offrandes du quotidien, et puis écouter une voix percutante à la radio, croiser une âme intelligente au bistrot,  et entendre les martellements lointains d'un chantier, tu aimes l'obstination de ce qui persiste à espérer, plante, ouvrier ou cœur délaissé, ton cœur fait boum quand ces bonheurs se produisent devant toi, tu es en joie, et en même temps dans le secret de tes journées, tu sais que tous les cadeaux qui te sont donnés, petits ou grands, tous les amours toutes les flammes, peuvent s'éteindre en une miette de temps, d'un instant à l'autre peuvent t'être enlevés, et ton cœur s'étreint, parce que tu n'oublies pas, tu ne peux pas, il ne t'arrive jamais d'oublier...

samedi 3 juillet 2021

Vivre : des chiffres et des mecs

 
Portrait d'Auguste jeune / fouilles d'Orto vescovile / Musée étrusque / Chiusi
 
L'homme est descendu de sa Porsche flamboyante, s'est empressé d'entrer, a immédiatement demandé "un café". Il a avalé d'un trait le contenu de sa tasse et s'est barré vite fait en faisant vrombir son moteur. Trente secondes et deux mots. Un euro.

Le mec avançait sous les arcades, accompagné de son vieux clébard. Il marchait au rythme de son chien, pas question pour lui de se presser, pas question, il souriait aux passants, qu'il regardait, vraiment, échangeait quelques propos de temps en temps. Il était plutôt mal sapé. Ses souliers donnaient l'impression d'avoir pas mal bourlingué. Ses traits étaient creusés, trois longs sillons sur son front. Son âge ? Dans les quarante ans. A déposé avec légèreté un billet de dix francs dans l'écuelle d'un mendiant. Avec dix francs, on peut s'acheter un kebab avec frites et coca. Ou alors autre chose, mais l'homme, ça ne le regardait pas. Il donnait ce qu'il avait et apparemment ce jour-là il avait un peu d'argent. Et du temps. Et il en faisait profiter ceux qui croisaient son chemin, démunis, curieux, esseulés ou chiens.
 
 

vendredi 2 juillet 2021

Vivre : maternelle

 

Certains ciels d'orage...
 

on les croirait barbouillés...


par des bambins aux doigts encrés...

jeudi 1 juillet 2021

Vivre : les forces en soi

 
Entrée de la crypte / Abbaye de Sant'Antimo
 
 
Ce besoin d'aller creuser et creuser encore.
S'obstiner vers l'or du sens et
plus tard, seulement plus tard, 
examiner la possibilité de remblayer.