Portrait de Georges Brölemann / Hippolyte Flandrin / Mba / Lyon
L'un de nous fait systématiquement attendre l'autre. Plutôt contrariant.
Il tient à m'offrir : Eloge du retard, un livre selon lui très inspirant.
Quelqu'un m'a demandé si je considérais "Glaneurs de rêves" comme un conte de fée. J'ai toujours adoré les contes, mais j'ai peur que cette définition ne lui convienne guère. Tout ce que contient ce petit livre est vrai, et écrit exactement tel que ça s'est passé. Son écriture m'a tirée de mon étrange torpeur et j'espère que, dans une certaine mesure, il vous emplira d'une joie vague et singulière. p.14
L'air était carnaval, saisissement pur. J'ai ouvert la porte grillagée et je suis sortie. J'ai senti l'herbe crépiter sous mes pieds. Je sentais la vie - un charbon ardent jeté sur mon cœur de foin. Je me suis couvert la tête. Je me serais volontiers couvert les bras, le visage. Sans bouger, j'ai regardé les enfants qui jouaient et quelque chose dans l'atmosphère - la lumière filtrée, le parfum des choses - m'a ramenée dans le passé...Comme nous sommes heureux lorsque nous sommes enfants. Comme la voix de la raison étouffe la lumière. p.95
Je n'ai pas pleuré. La complexité de mes émotions était si profonde qu'elle me portait au-delà des larmes. J'ai ruminé cette journée pendant bien longtemps. Avais-je souhaité sa mort ? Ou bien était-ce elle? En tout cas, elle savait. Ni l'une ni l'autre nous ne voulions qu'elle appartienne à quelqu'un d'autre. p.79
Mon arrière-grand-mère m'avait prise en grippe, comme elle avait pris en grippe ma mère avant moi. Pourtant, je lui ressemblais pas mal, car je ressemblais à ses fils, et je partageais certains de ses traits et son caractère réservé. Elle était issue d'une longue lignée de paysans et de bergers solitaires du Norfolk. Ils étaient dans son sang, qui coulait aussi dans le mien. J'étais consciente, même quand elle me rabrouait, qu'à travers elle j'étais attirée par la vie des rêveurs, et je m'imaginais surveillant un troupeau, récoltant la laine dans une sacoche de cuir, et contemplant les nuages.
Le destin a voulu que je suive un chemin fort éloigné de celui de mes ancêtres, et pourtant leurs façons étaient aussi les miennes. Et dans mes voyages, lorsque je vois une colline constellée de moutons ou une équipe d'ouvriers agricoles qui se reposent à l'ombre des noisetiers, je suis prise du désir nostalgique de redevenir celle que je n'ai pas été. pp.85-86