vendredi 31 janvier 2020

Vivre : le sentiment du temps


Portrait de Georges Brölemann / Hippolyte Flandrin / Mba / Lyon


L'un de nous fait systématiquement attendre l'autre. Plutôt contrariant.
Il tient à m'offrir : Eloge du retard, un livre selon lui très inspirant.

jeudi 30 janvier 2020

Vivre : SOS





Tandis que, sur les sentiers ravagés, les arbres gémissaient, 
déversaient des torrents de branches, balançaient leurs doléances,
par-dessus les rives anéanties, la tourmente, rapace, vorace, tenace, 
engloutissait, sournoise menace, la moindre tentative de vigilance.

mercredi 29 janvier 2020

Regarder : lundi, le musée


La journée a commencé avec les habituelles pointes d'irritabilité, quand on doit se lever avec deux heures d'avance sur l'horaire routinier. Bref, on est partis un peu chiffonnés. Puis les heures se sont remises peu à peu sur leurs rails, à mesure que le ciel s'est dégagé : lumière incroyablement dorée et flancs de montagnes incendiés par un brouillard d'une mirobolante douceur. Arrivés dans la ville qui me rend toujours un peu craintive, un peu désorientée, avec sa rugosité, ses absences totales de coquetterie, avec ses luxes exhibés et ses misères mal cachées, nous nous sommes engagés dans les ruelles presque désertes de ce lundi encore ensommeillé. Il a trouvé une BD épuisée d'Adèle Blanc-Sec et une autre de Nestor Burma. Et puis des tas de vieux DVDs réservés à ceux qui prennent le temps de les chercher. J'ai déniché la collection "Paroles d'artistes" que je ne connaissais pas. J'ai contemplé dans une vitrine un album dans lequel j'aurais volontiers plongé. Il était d'humeur fiévreuse, il voulait s'acheter pas mal de choses. J'étais d'humeur rêveuse, j'aspirais à m'absorber dans de belles choses. Après le déjeuner (dont la moitié de la viande fut dévorée par P.), il m'a volontiers échangé mon heure de shopping contre une heure de musée. Ils sont repartis à deux tout guillerets. Alors...

La Méditation / Jean-Marie Bonnassieux / Mba / Lyon

...je suis doucement entrée...

L'Etude / Pierre Devaux / Mba / Lyon

Dans l'espace feutré, parcouru de légères confidences, il y avait de jolis bruits.
Une famille qui chuchotait en farsi. Deux amis éblouis. Deux femmes penchées...


 Le printemps de la victoire / Stéphane Sinding/ Mba / Lyon
 
...qui laissaient leurs crayons tracer des dialogues sur leur cahier.
J'aurais pu moi aussi passer l'entière journée, entourée de présences,
dans ce monde préservé, à m'exercer, à dessiner, à griser, à capter...


Pandore / Jean-Pierre Cortot/ Mba / Lyon

...la magie consolante de ce prodigieux, cet inouï, ce silencieux lundi...

mardi 28 janvier 2020

Vivre : d'une rive à l'autre


Rencontre d'Eléonore du Portugal avec Fredéric III (détail) / Pinturicchio / Libreria Piccolomini / Dôme de Sienne

On a beau faire. On a beau dire. On aboutit toujours à ce constat :
on aime les gens tant qu'ils nous donnent ce dont nous avons besoin
et on les abandonne dès qu'ils n'assouvissent plus nos desiderata.
Dépasser ces entraves, lancer des ponts, rejoindre l'Autre et ses raisons.


lundi 27 janvier 2020

Vivre : règlement de contes


Photo tirée de Pinterest

J'ai eu ma période Chaperon rouge. J'ai eu ma période Blanche-Neige. J'ai longtemps attendu comme la Belle au Bois Dormant. J'ai longtemps chanté comme Cendrillon.
Et puis un jour, j'ai décidé d'être laitière ou rédactrice de lettres chez Vermeer, ou Fantômette en mission ou Lisbeth Salander, des nanas qui n'attendent rien, qui vivent leur vie et qui font face au présent, qui n'ont que faire d'un prince, fût-il charmant, mais offrent volontiers une bière à un facteur, un enquêteur, un laboureur, bien décidées à étancher leur soif d'aventures, de périples et de culture.

dimanche 26 janvier 2020

Vivre : hiver, le lac



Déjà l'ombre rapetisse.
Déjà les pierres tiédissent.
Inexorablement,
le temps, lent, te ment.

samedi 25 janvier 2020

Vivre : à poil



Notre plage préférée est celle que les vieux du coin désignent, avec un ton légèrement teinté de mépris, comme celle "des Nudistes". Un peu à l'écart, on y accède par un petit sentier dans les marais, longeant un ruisseau qui chante son bonheur à tue-tête, accompagné par les martèlements des pics-épeiche et les cris d'autres ovipares aux aguets. 
Ces derniers temps, le seul être à poil sur les lieux est celui qui se met à tourner en cercles concentriques sur le sable, tel un sauvage, émettant des grognements barbares, menant une sarabande endiablée, surexcité par la moindre trace de gibier.

vendredi 24 janvier 2020

Vivre : Still life / 85



C'est un petit signet que m'avait rapporté d'Inde un ami. Je l'ai retrouvé dans un récit, Une année à la campagne, à la page où Sue Hubbell entreprend de raconter comment elle désensibilise aux piqûres son neveu Ky, venu lui donner un coup de main auprès des ruches. 
Cet ami aimait offrir des chocolats, il en ramenait de Zurich, enveloppés dans un joli papier. A l'époque je trouvais ces chocolats raffinés trop sucrés, je n'aimais pas trop les manger, je les offrais autour de moi. Cet ami aimait régaler ceux qui l'entouraient. Pour l'apéritif, il vous proposait trois sortes de vin blanc, du vin rouge, de la bière et naturellement toute une gamme de boissons non alcoolisées.  Au dessert, vous trouviez toujours sur le plateau le fromage que la fois précédente vous aviez apprécié. C'était un ami mignardises, c'était un ami crus classés. C'était un ami qui pensait à acheter de minuscules cerfs-volants en papier pour que vous les glissiez entre vos pages.
Où donc cet ami est-il passé ? Il est reparti un jour dans son pays et il me semble parfois que j'aurais tant de choses encore à lui raconter.

jeudi 23 janvier 2020

Vivre : l'éveil du printemps

adorazione dei Magi (dett. Lorenzo il Magnifico) /Benozzo Gozzoli / palazzo Medici-Riccardi / Firenze

On n'ose y croire, mais ici les oiseaux et les voiliers se mettent à le chanter. Ils tracent des arcs dans l'air bleuté et reviennent nous conter fleurette, nous parler de légèreté. Ils évoquent la mer, les longues soirées à prendre l'air, face à des rivages enchantés, constellés de lumignons et de senteurs suaves. Le pic martèle avec force sa volonté de voir cet hiver se terminer. Le rouge-gorge s'aventure sur la terrasse. Les geais passent, les pies jacassent. Chacun à sa manière se passe le mot : un ordre nouveau est en marche sur son fier destrier.
On a beau savoir (les gelées matinales, les matins embourbés, les heures à déneiger). On a beau tenter d'être raisonnable. On a beau s'enjoindre à la patience. Cette réalité, comme une envie folle de danser, cette réalité est en train de s'infiltrer dans toutes les cellules de tous les corps concernés : le  flamboyant printemps ne saurait tarder.

mercredi 22 janvier 2020

Vivre : tartines et bisbilles


 
Affiche de la cafétéria / Musée Capodimonte / Naples

Nous avons le matin d'étranges chamailleries. Il coupe le pain et estime logique de se réserver la première tranche, un peu sèche. Mais moi, je suis d'avis qu'il a droit à la seconde, plus fraîche, et je procède à l'échange. Alors il refuse, veut me reprendre la tranche rassise.
Finalement, c'est le plus rapide qui gagne le droit d'étaler sur son pain sec (enfin : à peine sec) une couche de beurre et de bonne humeur.
Rebelote avec les dernières gouttes d'orange pressée. Avec le reste d'expresso au fond de la grande moka. Toi! Non : toi!  Nos batailles ont ces goûts-là.

Ecrire : balade / 6




... réaliser soudain le flot d'interrogations qu'il lui restait à trier - un tiroir plein de chaussettes dépareillées - avant de pouvoir rejoindre ses convives pour la soirée...

mardi 21 janvier 2020

Ecrire : balade / 5/6




... y avait-il moyen de frotter ses doigts sur l'ardoise... le pardon... était-il possible de l'accorder à qui vous estimait inexorablement coupable, hautement responsable de l'avoir bien cherché et tellement sotte, tellement idiote de persister à sangloter ...

lundi 20 janvier 2020

Ecrire : balade / 4/6



... il y avait aussi les chiens, les chats, les lapins, les pyrrhocores récoltés dans une boîte à chaussures, le jardin avec ses cailloux et ses caisses renversées, la balançoire déglinguée et la vieille couverture rêche pour trouver à se consoler... gifler à coups de brindilles ses poupées...

dimanche 19 janvier 2020

Ecrire : balade / 3/6




... il y avait des minons sous le lit où elle allait se réfugier, d'où l'on viendrait tôt ou tard la déloger, elle devrait rendre compte alors de ses cris, de ses larmes, de cette incorrigible manie de ne pas vouloir plier...


samedi 18 janvier 2020

Ecrire : balade / 2/6



...elle aurait aimé demander à quelqu'un - un adulte suffisamment informé - ce que signifiait précisément le terme "difficile"... un enfant pouvait-il, comme un problème d'arithmétique, être d'une grande difficulté ?

vendredi 17 janvier 2020

Ecrire : balade / 1





Le souvenir lui revint, de ses pieds glacés dans des mocassins bordeaux, un dimanche soir à Genève, le son des fifres, 
la nuit tombée et une sensation d'isolement immense, bien qu'entourée de sa sœur et de sa mère...


jeudi 16 janvier 2020

Vivre : ce qu'elle souhaitait


Le modèle Jane Morris dans l'atelier de D.G. Rossetti / John Robert Parsons /  
Exposition La peinture anglaise / Fondation l'Hermitage / Lausanne / 2019

Devant ma question, la fille a vaguement souri. Elle a détourné le regard au loin, vers les deux voiliers qui traçaient de fins sillons turquoise sur le lac. Puis elle a dit : Être un peu plus celle que je suis, un peu moins celle qui craint de ne pas être assez bien. 

mercredi 15 janvier 2020

Vivre : Still life / 84



C'est une petite plage, une grève où s'échouent les branches et les planches, charriées par le Rhône, nées des tempêtes et des courants, tous les rebuts dont les montagnes ne veulent plus. Ils se donnent tous rendez-vous là, les morceaux de bois, et comme pour les coquillages, comme pour les cailloux, il est captivant de se pencher, concentré, pour les ramasser, les observer, les trier. Se raconter des histoires, retrouver l'esprit du débutant, chercheur d'or brun, remonter en enfance, quand on passait des heures sur une plage ou un chemin. Récupérer la compétence de savoir jouer avec trois fois rien.

mardi 14 janvier 2020

Vivre : miroirs, miroirs


Portrait d Erhard de la Marck (détail) / Jan Cornelisz Vermeyen / Rijksmuseum / Amsterdam

Et si, à l'instar des yeux, les mains étaient incapables de mentir ?


lundi 13 janvier 2020

Vivre : les matins pastel




je n'ai pas su résister à l'invite de la lune



 
longtemps, longtemps après mon retour


 le froid a retenti comme une longue mélodie
 

 au plus profond de mes os transpercés...

dimanche 12 janvier 2020

Vivre : avant la perte


Descente des Limbes (détail) / Bronzino / Santa Croce / Firenze

La gratitude : réaliser la valeur de ce qu'on a reçu avant de l'avoir perdu.


samedi 11 janvier 2020

Lire : Patti, Bambi et l'arrière-grand-mère Olive




En 1991, alors que Patti Smith reçoit la commande d'un petit livre de la part d'Hannuman Books,  elle est traversée par "une mélancolie terrible et inexprimable". C'est le printemps et elle reste assise pendant des heures, sous les saules, perdue dans ses pensées. Elle accepte la proposition et se met à l'ouvrage dès l'automne quand "les poires commençaient à peine à se former". Elle achève le manuscrit et l'envoie à l'éditeur le 30 décembre, jour de son quarante-cinquième anniversaire.
Quelqu'un m'a demandé si je considérais "Glaneurs de rêves" comme un conte de fée. J'ai toujours adoré les contes, mais j'ai peur que cette définition ne lui convienne guère. Tout ce que contient ce petit livre est vrai, et écrit exactement tel que ça s'est passé. Son écriture m'a tirée de mon étrange torpeur et j'espère que, dans une certaine mesure, il vous emplira d'une joie vague et singulière. p.14
L'air était carnaval, saisissement pur. J'ai ouvert la porte grillagée et je suis sortie. J'ai senti l'herbe crépiter sous mes pieds. Je sentais la vie - un charbon ardent jeté sur mon cœur de foin. Je me suis couvert la tête. Je me serais volontiers couvert les bras, le visage. Sans bouger, j'ai regardé les enfants qui jouaient et quelque chose dans l'atmosphère - la lumière filtrée, le parfum des choses - m'a ramenée dans le passé...
Comme nous sommes heureux lorsque nous sommes enfants. Comme la voix de la raison étouffe la lumière. p.95
Dans ce texte profondément poétique et envoûtant, l'adulte Patti part à la rencontre de son enfance et de tous les êtres qui lui sont liés. Elle suit les méandres de la mémoire, à travers un parcours sinueux, parfois onirique et touchant, parfois abstrait et déroutant. On y découvre une enfant proche de la nature et du surnaturel, inventive, rêveuse et extrêmement attachée à sa famille. Elle interroge un jour un vieil homme, car certaines nuits spécialement claires, il lui arrive de voir du mouvement dans les herbes. Il lui répond : "C'est les glaneurs de rêves..."
Impossible de résumer ce livre sans trame, où l'enfant et l'adulte réunies semblent toujours se confondre. Il emporte le lecteur à travers les sensations vivaces du souvenir, toujours aux aguets, toujours prêt à remonter à la surface. Deux passages poignants décrivent ses tourments d'alors.
Dans le premier, Patti évoque sa chienne Bambi, qu'elle aimait comme elle-même. Un jour, sa plus jeune sœur étant sujette à des crises d'asthme, elle est obligée de s'en séparer. Elle comprend et elle accepte cette idée, mais ne peut se résoudre au fait que la chienne la quitte pour aller vivre dans une autre famille. Elle échafaude d'inutiles projets de fugue. Le matin de la séparation, elle emmène Bambi pour une dernière promenade sur leurs lieux de prédilection : la Montagne d'Argile rouge, les bords du Ruisseau de l'Arc-en-ciel. Elle s'endort dans un pré, avec l'animal sur sa poitrine. Au retour, la chienne s'arrête net au milieu de la route et se fait faucher par un camion de pompiers.
Je n'ai pas pleuré. La complexité de mes émotions était si profonde qu'elle me portait au-delà des larmes. J'ai ruminé cette journée pendant bien longtemps. Avais-je souhaité sa mort ? Ou bien était-ce elle? En tout cas, elle savait. Ni l'une ni l'autre nous ne voulions qu'elle appartienne à quelqu'un d'autre. p.79
L'écrivaine évoque aussi la lignée de ses aïeux, ses grand-mères et arrières-grands-mères. Parmi celles-ci, Olive Hart, "une grande femme stoïque", qui se révélait une dure à cuire.
Mon arrière-grand-mère m'avait prise en grippe, comme elle avait pris en grippe ma mère avant moi. Pourtant, je lui ressemblais pas mal, car je ressemblais à ses fils, et je partageais certains de ses traits et son caractère réservé. Elle était issue d'une longue lignée de paysans et de bergers solitaires du Norfolk. Ils étaient dans son sang, qui coulait aussi dans le mien. J'étais consciente, même quand elle me rabrouait, qu'à travers elle j'étais attirée par la vie des rêveurs, et je m'imaginais surveillant un troupeau, récoltant la laine dans une sacoche de cuir, et contemplant les nuages.
Le destin a voulu que je suive un chemin fort éloigné de celui de mes ancêtres, et pourtant leurs façons étaient aussi les miennes. Et dans mes voyages, lorsque je vois  une colline constellée de  moutons ou une équipe d'ouvriers agricoles qui se reposent à l'ombre des noisetiers, je suis prise du désir nostalgique de redevenir celle que je n'ai pas été. pp.85-86
Une fois le livre refermé, on baisse les paupières, on laisse défiler les images. On se dit que la torpeur et la mélancolie, qui peuvent nous toucher parfois avec intensité lorsque nous sommes devenus "grands", proviennent d'une rupture de lien avec l'enfant que nous étions. Et que, en reprenant contact avec cette source vive, nous nous permettons simplement de nous  reconnecter à la vie.

Éditions Gallimard / 2014

vendredi 10 janvier 2020

Vivre : virtuellement toxique


L'émotion / Jean-Alexandre Pézieux / Mba / Lyon

La femme à peine ironique a dit : "je m'aime...si tu me like"
Ces mots, échos d'un amour de soi fragile, volatile,
jadis réservés aux relations amoureuses (ou familiales) tortueuses
les voici dirigés vers des inconnus sans réelle substance
à qui on délègue aveuglément notre propre importance.

jeudi 9 janvier 2020

Vivre : la préférence


La femme à l'éventail / Pablo Picasso / National Gallery of Art / Washington

Pour pouvoir trouver sa place dans un univers constellé d'étoiles par centaines de milliers, 
n'est-il pas nécessaire, quelque part (même dans un infinitésimal quelque part) d'être préféré ?


mercredi 8 janvier 2020

Vivre : la force de certains


Helen Levitt assise dans un wagon de métro aérien / Autoportrait 1938 / Rencontres Arles 2019

Revu F. par hasard en attendant le train.
M'a toujours laissée admirative la force
 de ceux qui sont prêts à tout accueillir
et qui n'attendent rien.

mardi 7 janvier 2020

Vivre : comme une image




Strié de mauves, de gris souris et de gris taupe, de bleus pâles et d'ors vénitiens, de roses timides et de saumons hardis, ennobli par une lumière ocre surgie d'on ne sait où, soutenu par la candeur inouïe de nuages nullement pressés, vaguement dévergondés, recevant du vent blanc des touches d'ocre et d'argent entremêlées, le ciel jouait de sa force d'attraction avec dextérité.
Puis, soudain, au retour de balade, tandis que huit heures sonnaient au clocher et que je courais à ma table pour attraper mon LG, nous croyant sans doute indifférents à son indéniable séduction, il s'est balayé, s'est dégagé, retrouvant des allures de ciel sage et bien rangé. Comme si de rien n'était. Souvent, ici, ciel varie, bien folle qui s'y fie.

lundi 6 janvier 2020

Vivre : comme bonjour



Madonna della Misericordia (dett.) / Piero della Francesca / Pinacoteca di Sansepolcro 

L'évidence même, même si ce n'est pas toujours évident :
c'est dans la simplicité que se trouve toujours la solution. 

dimanche 5 janvier 2020

Vivre : dans le cahier...


Lourmarin

Dans le cahier, dessiner au centre une porte (rouge, jaune ou bleue, peu importe) et ne pas savoir durant tout le temps du crayonnage, ne pas du tout savoir sur quoi elle va s'ouvrir...
Dans la feuille, ignorant toujours ce que le crayon s'apprête à esquisser, découper au cutter trois côtés et ouvrir le battant de la porte...
A l'intérieur, là où un rectangle de six centimètres sur quatre s'est spontanément ouvert, laisser le crayon ébaucher...
Puis tourner la page, et sur cette seconde feuille, à présent plus tout à fait blanche, commencer à prolonger les traits, mettre des couleurs, tracer des mots, inventer une histoire et des perspectives pour l'année qui vient de toquer ....

Roussillon

samedi 4 janvier 2020

Vivre : la route à prendre





En fin, en début d'année, avec des connaissances, mais surtout avec des inconnus, 
au moment de prendre congé, droit dans les yeux, marquer un temps d'arrêt et demander :
" que puis-je vous souhaiter pour l'année à venir (ou qui est en train de commencer) ?"
 et là, l'espace de quelques secondes, bien moins d'une minute, loin des phrases toutes faites, 
loin des sourires et des attitudes de circonstance, en quelques mots, on voit un être se révéler.

vendredi 3 janvier 2020

Vivre : Still life / 83



Il y a les chandails doux. Les valises jaunes pour des voyages lointains. Les bouquins, les DVDs, les BDs (devenues des romans graphiques). Les moments qui se dégustent en compagnie. Mais les cadeaux préférés, les TGVs vers l'enfance, qui mettent le plus en joie, ce sont les tout petits, les minuscules, ceux qui tintinnabulent, qu'on pourrait curieusement s'offrir tout au long de l'année et qu'on ne s'offre pas. Aurais-je jamais pensé à un tout petit bol turquoise pour tremper mes pinceaux ? Un porte-clef à pompons ? Un ours polaire sous cloche ? Non : il n'y a qu'un authentique Père Noël pour penser à ces choses-là. Voilà pourquoi je continue d'y croire. Dur comme fer.

jeudi 2 janvier 2020

Vivre : le cap


La fille de Jephté / Joseph-Hugues Fabisch / Musée Granet / Aix-en-Pce

Les dernières nuits de décembre sont hachées et je dors mal. Les charges que j'ai assumées volontairement, joyeusement, hardiment pendant toute l'année me deviennent pesantes. Je peine. Je fatigue. Le brouillard au dehors m'embrouille les idées. Deux années sont en train de se heurter et menacent de se chevaucher comme des plaques tectoniques. Leurs lignes directrices, semblables,et dissemblables tout à la fois, peinent à se raccrocher. Jamais tout à fait les mêmes mots, jamais tout à fait les mêmes visions, ni tout à fait les mêmes attentes.
Et puis, tout à coup, la nuit du 31, il y a comme une délivrance, comme une mise bas. Le premier janvier s'ouvre sur une journée éclatante. La veille, j'ai pris soin de ne consommer que le strict nécessaire. Si bien qu'au matin, je me sens légère : je prends des initiatives, je m'élance, je déblaie d'un grand revers de la main toutes sortes de choses embarrassantes. Je me retrouve sur pied, alerte, et je découvre autour de moi les mines hâves, les visages hagards de ceux qui ont un peu trop festoyé.

Alors, je fonce à la montagne, je prends de la hauteur. Là, je commande une fondue qui dessine des volutes dans le ciel azuré. J'y plonge mon pain. Sous les sapins, les chevaux s'ébrouent. Je griffonne deux ou trois mots sur un coin de nappe déchiré. L'année peut commencer.

mercredi 1 janvier 2020