mardi 29 mai 2018

Ecouter : la petite chambre





Enmig del pit hi tenc
una finestra blava
oberta sobre el port
d'una illa blanca
i et mostrarà la mar
tempesta i calma.

Dins el meu pit hi tenc
la meva cambra
obri la porta al fons
sentiràs l'aire
entraràs al jardí
petita estança.

Enmig dels tarongers
una font raja
escolta la cançó
que la font canta
i et dirà molt baixet
que l'amor passa.

Damunt el pit hi tenc
com dolça marca
la teva mà amic
coloma blanca
ben endins del xiprer
nia la garsa.



C’est une chanson qui parle de choses toutes simples : d’une fenêtre ouverte sur le port d'une île blanche, d’oiseaux et d’amour qui passe. C’est une chanson tendre qui ne s’oublie pas, dont on peut saisir le sens sans connaître toutes les paroles. La main de l'être aimé est une colombe blanche. La source chante. Au creux du cyprès, la pie jase. C'est une chanson qui défie le temps et les années.  En partant rejoindre l'île chère à mon cœur, où les fenêtres s'ouvrent sur une mer d'huile et des champs cacao, où les voiliers esquissent l'horizon, je la fredonne
Là-bas, je vais m'asseoir face à l'eau claire et puis ... et puis aller danser avec les poissons. 

lundi 28 mai 2018

Ecouter : Marie de la mer






La Balanguera est un poème que Joan Alcover a déclamé pour la première fois le 15 février 1903 à Palma, dans une salle du Grand Hôtel. Il s'est inspiré d'une ballade traditionnelle de Majorque. En 1996, ce poème a été déclaré officiellement "hymne de Majorque". Maria del Mar Bonet l'a adapté et le chante depuis les années 1980. Au début, c'était pour cette chanteuse et compositrice engagée une manière d'affirmer la vitalité de la culture des Baléares face à la dictature franquiste. Maintenant, elle vient rappeler que cette culture est toujours présente face aux invasions en tous genres.

La Balanguera misteriosa,
com una aranya d'art subtil,
buida que buida sa filosa,
de nostra vida treu lo fil.
Com una parca bé cavil·la
teixint la tela per demà.
Tornada:
La Balanguera fila, fila,
la Balanguera filarà.

Girant l'ullada cap enrera
guaita les ombres de l'avior,
i de la nova primavera
sap on s'amaga la llavor.
Sap que la soca més s'enfila
com més endins pot arrelar.
Tornada
De tradicions i d'esperances
tix la senyera pel jovent
com qui va un vel de noviances
amb cabelleres d'or i argent
de la infantesa qui s'enfila
de la vellura qui se'n va.
Tornada

Traduction approximative et partielle  : La mystérieuse Balanguera / telle une araignée à l'art subtil / file file sa quenouille / et en tire le fil de notre existence. / Comme une parque songeuse / elle tisse la toile des lendemains. [...]
Elle sait que la vigne croît d'autant plus haut que ses racines peuvent aller profond.[...]
Elle tisse de traditions et d'espérances / la toile de la jeunesse / comme qui fait un voile de mariage / avec des  cheveux d'or et d'argent / de l'enfance qui va grandissant / de la vieillesse qui s'en va...


dimanche 27 mai 2018

Vivre : dans la nef de Sant Francesc


chapelle latérale / cathédrale / Palma de Majorque

Les gens, que sait-on des gens ? 
On passe son temps à rencontrer des gens,
et en même temps, 
on passe son temps à les manquer.
Bien trop souvent. 
On leur passe à côté (et réciproquement).
Et pourtant, pourtant, comment faire autrement ?


samedi 26 mai 2018

Voir : quand la guerre est là





Dans "En guerre", Vincent Lindon colle tellement à son personnage que le voir ensuite présenter le film à Cannes, répondre à des questions, défendre le projet paraît presque irréel. Nous l'avions laissé sur l'écran, dans l'histoire et voici qu'un inconnu qui lui ressemble se met à parler du film, derrière un micro. Léger vacillement.
A part Lindon, Brizé n'a fait appel qu'à des comédiens non professionnels castés selon leurs diverses expériences du terrain. Il filme caméra sur l'épaule, au plus près des protagonistes, secoué par les corps et les propos. Tout cela nous plonge dans un état de tension, voire de rage du début à la fin. 
Le sujet du film est traité régulièrement (hélas, de plus en plus souvent) dans les médias. Sauf qu'ici, on suit étape par étape le combat pour le droit à garder son emploi. On assiste à la solidarité, à la ténacité, au désespoir, à tout ce que les reportages laissent habituellement hors-champ.
La démonstration est affreusement claire, pénétrante, poignante. 

vendredi 25 mai 2018

Vivre : concertos concertés


Pala di San Giobbe (détail) / Giovanni Bellini / Accademia / Venezia


Contrairement à ce qu'on croit
les oiseaux ne chantent pas a capella. 
Les trois Zoés leur sonnent les cloches
- obligeamment -
Les bourdons bourdonnent
- évidemment -
Les libellules grésillent
en s'enlaçant.




jeudi 24 mai 2018

Vivre : still life / 44






Ce bracelet, je l’adore et le porte depuis plus de vingt-cinq ans.
Trouvé dans une ruelle proche du dôme de Parme durant une après-midi caniculaire.
(je me souviens : boutique classieuse, gérante un peu snob,
regard hautain posé sur nos jeans délavés, réprobateur sur nos baisers volés,
à huit mille lires, sûrement l’objet le moins cher qu’elle proposait)
Je le porte avec tous mes vêtements d’été, c’est si simple de le nouer.
Seul problème : si les perles tiennent bon, la cordelette, elle, tend à s’effilocher.
Il me faut régulièrement trouver de quoi la tresser.
Étrange, cette difficulté à laisser partir, "mourir" les choses.
(que perdrait-on en les perdant?)
Sur la plaça Major, l’artisane, une Latina pleine de générosité,
m’a vendu la ficelle et donné quelques trucs pour l’attacher.
Le bracelet tiendra encore le temps de quelques baisers.

mercredi 23 mai 2018

Voyager : sur l'île


L'aéroport régurgitait sans cesse des flots bruyants et saccadés comme un évier définitivement obstrué. Les cars s'efforçaient d'éponger, les autoroutes de dégorger. Mais rien n'y faisait : le mouvement semblait destiné à s'amplifier.
Comment faisait donc l'île, comment faisait-elle face ?
Elle opposait je crois ses falaises imperturbables, ses arbres obstinément ancrés aux rochers, la force inusable de ses coquelicots butés. Elle opposait la tranquille assurance de ses terrasses, de ses oliveraies. Elle opposait son calme à toute offense. Elle prenait son mal en patience.

mardi 22 mai 2018

Vivre : escort boys


Cartuxa /Valldemossa

Devant le puits, Alfredo, un petit malingre au regard bleu délavé, s'esquivait vite fait quand apparaissait Henry (prononcer : hennéri), un malabar pas commode jouissant d'une très mauvaise réputation et qui sévissait devant la chartreuse (sans être un chartreux pour autant). A nuit tombée, Henry tenait à nous faire un bout de route jusqu'au pied des escaliers. Là, il nous laissait entres les pattes expertes d'un beau noiraud musclé, dont nous n'avons jamais su le prénom mais qui veillait à nous ramener à bon port, n'hésitant pas à grimper sur un muret pour faire le guet devant notre porte. Nul doute : nous étions en sécurité, sous bonne escorte.

lundi 21 mai 2018

Vivre : les couleurs de la Création







Catedral / Palma de Mallorca

lubies des nuages 
ondées de prière
vibrants passages

dimanche 20 mai 2018

Vivre : instants graciles


Saint-Augustin (détail) / Musée Granet / Avignon


Joli présage réfugié sous le drap
La feuille échappée à l’automne
S’étend toute fine palpite et tremble sur le matelas.

samedi 19 mai 2018

Vivre : sans comparaison


Abbaye de Silvacane


Qui suis-je ? Je l’ignore et je le redécouvre en permanence. Je me veux libre de me comparer et d’être moi, de suivre le courant ou de m’en tenir à l’écart, de me conformer ou de me singulariser. Libre de m’interroger pour savoir ce que je veux. Libre de ne plus m’acharner à étouffer mes fragilités et mes différences. Libre de m’aimer, à la manière décrite par Jean-Jacques Rousseau qui, déjà, critiquait cette maladie continuelle de nous comparer, dont il voyait la source de notre perpétuelle insatisfaction : « L’amour de soi, qui ne regarde qu’à nous, est content quand nos vrais besoins sont satisfaits : mais l’amour-propre, qui se compare, n’est jamais content et ne saurait l’être, parce que ce sentiment, en nous préférant aux autres, exige que les autres nous préfèrent à eux, ce qui est impossible. Voilà comment les passions douces et affectueuses naissent de l’amour de soi, et comment les passions haineuses et irascibles naissent de l’amour-propre. »

Fabrice Midal, Foutez-vous la paix, Flammarion/Versilio, 2017, p. 129


vendredi 18 mai 2018

Vivre : still life / 43





La potière et ses teintes vivaces étaient prises d’assaut.
Les pots à sucre étaient tellement rigolos que
j’ai regretté de ne jamais sucrer mes boissons.
On a pointé avec ZB la tasse parfaite pour mes cafés
(parfaite jusqu’à la prochaine maladresse).
Les boire désormais en repensant à ce matin ensoleillé,
à la générosité de ZB, à cette complicité
qui donne à la vie son goût corsé (jamais édulcoré).

jeudi 17 mai 2018

Vivre : interrogation lacustre



quel effet cela fait-il de se retrouver seul cygne
à barboter parmi les canards?
aurait-on l'impression d'être le petit mouton noir?

mercredi 16 mai 2018

Vivre : un anniversaire


Jour de fête

Deux ans déjà.
Deux ans déjà que cette vie sur mesure a commencé
que j'ai su et pu m'éloigner d'un univers professionnel dévitalisé
(avouons-le : triste à pleurer)
Deux ans. Un blog. Un livre. Un autre blog. Une formation.
Presque autant de départs que d'aquarelles.
Plus de travail, plus de passe-temps (flapies, ces deux notions)
Et tous les matins – ou presque – venir ici.
Comme un peintre buté peint sur le motif. 
Esquisser les jours, leurs gouttes alignées comme des billes. 
Observer, admirer, débusquer la vie.
La vie, cette chaotique, chétive et infinie tragi-comédie. 




mardi 15 mai 2018

Vivre : la traversée de l'hiver / 24


Les héros grecs tirant au sort les captifs faits à Troie (détail) / Paulin Duqueylard / Musée Granet / Aix-en-Provence


On l’a accompagnée ado dans ses douleurs de femme désorientée. On l’a accompagnée dans ses tristesses de personne isolée. On l’a accompagnée quand elle avait besoin d’une oreille à qui se confier. On l’a soutenue, on l’a conseillée, on l’a appuyée. On l’a entendue dire et répéter que sa vie avait été dure et que personne n’avait eu moins de chance qu’elle dans cette vallée endeuillée. On a vu son regard plein de reproches se poser tant de fois sur soi. On a compris qu’on ne comprendrait jamais tout ce qu’elle avait donné, tout ce qu’elle avait dû supporter. On restait là, on était là au fil des années. On l’a suivie d’hôpital en hôpital et de plainte en gémissement. Et puis, l’autre dimanche, tandis que les fleuristes faisaient de sacrées affaires, face à son regard qui regardait ailleurs, encore une fois, tandis qu’on était là à lui parler, face à son sourire qui souriait à d’autres, qui se perdait au hasard, on s’est dit : c’est bon, elle est entre de bonnes mains, elle peut terminer sa vie et nous rendre la nôtre. On a ressenti une vague d’épuisement, et puis une vague de soulagement, et puis un peu de nausée en pensant maman.

lundi 14 mai 2018

Regarder : histoire sans paroles



Madone avec les saints Jean-Baptiste et François / Cima da Conegliano / Musée du Petit-Palais / Avignon

Dans la salle, aller droit vers une toile 
comme on dirige ses pas vers un ami de longue date.
Sans hésitation, mais avec une légère appréhension :
Cima, c'est bien toi? Ces regards, ces présences, ce ne peut être que toi!
Alors converser en silence, savourer ce lien étroit
dont personne ne pourrait se douter
dans lequel personne ne saurait s'immiscer.

dimanche 13 mai 2018

Vivre : l'illumination


Expo Micheal Wohlfahrt / ombre portée /Abbaye de Silvacane / La Roque sur Antheron

Un matin on se lève.
On voit les choses autrement.
Autre objectif, autre focale.
On se détend.

samedi 12 mai 2018

Voir : percer les forteresses


Eldorado est constitué de deux sujets, qui pourraient chacun faire l'objet d'un film en soi, mais qui, s'entrelaçant tout le long du film, s'enrichissent et se complètent.
Eldorado, c'est une camera qui suit le parcours des migrants sauvés par la  marine italienne dans le cadre de l'opération Mare nostrum. Elle les accompagne à travers les centres d'accueil froids et les ghettos mafieux, remonte la Péninsule, assiste à leur expulsion des trains aux frontières helvétiques, et à leur envol final, quand ceux - fort peu nombreux - qui on réussi à passer à travers la muraille, se voient renvoyés chez eux munis d'un petit pécule en guise de dédommagement.
Eldorado, c'est aussi l'histoire d'une amitié profonde avec une petite Italienne accueillie pendant la deuxième guerre mondiale par la famille Imhoof dans le cadre d'une opération de la Croix-Rouge. Giovanna, qui est décédée prématurément en 1956, est évoquée avec sensibilité au travers de dialogues réinventés, de lettres échangées (on s'écrivait, car on n'était pas supposé tisser des liens, les séjours en Suisse des enfants étaient sévèrement limités dans la durée. Après la guerre, les étrangers du Sud autorisés à entrer en Suisse étaient les travailleurs, les bras destinés à la construction ou l'agriculture, censés arriver seuls.)
Le cinéaste réussit ici ce que le documentaire peut faire de mieux : apporter des témoignages sur des destins personnels en les présentant dans le cadre plus large des déplacements géopolitiques. Des trajectoires se dessinent sous nos yeux en quelques mots, en quelques soupirs, en quelques larmes. Sa caméra réussit à capter des mouvements, des regards et des paroles.  Elle sait se faire discrète quand il le faut (elle n'y parvient pas toujours, doit faire face à des menaces et risque à bien des reprises la fracture ou l'interdiction.)
On pressent que Markus Imhoof a dû faire un travail de titan pour obtenir des autorisations, parvenir à forcer des barrages, créer des relations de confiance. Sur son chemin, il a rencontré de belles personnes et d'autres moins belles. Le film s'achève sur des constats non pas désespérés, mais amers.
On sort de la salle chavirés, le cœur lourd, habités par une question essentielle : que faire ? Que faire face à toutes ces histoires, qui constituent l'Histoire, qui font aussi partie de notre histoire, puisque tout est relié, puisque nous sommes tous concernés ? Que faire pour ne pas nous sentir impuissants?

vendredi 11 mai 2018

Vivre : une course, des courses

Centre de Lourmarin

Manquer de deux ou trois bricoles. Entendre la cloche de l'école qui sonne. 
Enfourcher le vélo en direction du village voisin. Effleurer les boutons d’or et les marguerites au bord des chemins. 
Être effleurée par une fourgonnette. Faire un signe à la postière. Pédaler de bon cœur.
Constater que les moutons ont encore déménagé. 
Longer le pré où les trois Zoés (jamais réussi à les distinguer) promènent leur élégance de bovidés. 
Entendre mille chants. En écouter quelques uns. Bifurquer à droite. 
Croiser deux copines en balade (papotages et rythme chaloupé). 
Croiser deux femmes concentrées sur leur nordic walking (vitesse, bâtons et matos fluo intégrés). 
Croiser le vieux monsieur qui s’exerce sur ses deux cannes. Caresser des yeux les trois ânes. 
Saluer un couple avec un chien, qui répond en souriant. Saluer un couple sans chien, qui répond pareillement. 
Saluer un jeune randonneur, qui fonce droit devant. 
Apercevoir de loin la silhouette d'un vagabond émergeant de buissons. 
Réaliser de près qu’il s’agit d’un amateur de muguet jubilant de ses trouvailles. Sentir mes muscles qui travaillent. 
Fredonner une chanson. Déplorer l'entretien coupable d'une pauvre maison. 
Sentir la brise carillonner sur mon visage. Ralentir dans un virage. 
Profiter d’une descente, mais freiner brutalement, car un bourdon pris dans ma tignasse en vrombit d'indignation.
 Embrasser le paysage lacustre du regard. Basculer dans un océan de jade. 
Admirer tous ces champs déroulés comme des Mondrian géants. Ou comme des Picasso. Ou comme des Rothkos.
 Déboucher sur la nationale et prêter attention : les camions, les travaux, les signalisations. 
Tourner à gauche, tourner à droite. Atteindre enfin la mini surface qui vend de tout pour trois fois rien. 


jeudi 10 mai 2018

Regarder / Lire : traverser le silence




Fabienne Verdier est une artiste contemporaine atypique. Elle a décoré entre autres une salle du palais Torlonia à Rome avec d’immenses traits rouges sur fond bleu cyan. Pour ce faire, elle s’est fabriqué spécialement un énorme pinceau. Elle l’a créé avec 30 queues de cheval, et l’a suspendu à une poulie, en le projetant sur des plaques au sol, qu’elle a appliquées ensuite sur deux parois du palazzo. Le résultat est spectaculaire et totalement détonnant.

Fabienne Verdier s’est formée à la calligraphie dans les années 1980. A l’âge de 20 ans, diplôme des Beaux-Arts de Toulouse en poche et déçue par l’enseignement académique dispensé en France, elle décide de partir en Chine, dont elle admire la pensée et l’art traditionnel. Une fois arrivée dans la lointaine province du Sechuan, où elle a obtenu une bourse, elle se découvre la seule étrangère. Au début, sa démarche est mal comprise. Elle ne saisit pas pourquoi personne ne lui parle, elle est totalement isolée. Jusqu’au moment où elle découvre qu’on a écrit en chinois sur sa porte : défense de parler à l’étrangère. Mais, malgré les difficultés, le froid, la solitude, elle tient bon. Elle supporte ces conditions spartiates par passion pour l’art qu’elle veut apprendre. Elle se fait peu à peu des amis. Et surtout elle rencontre des enseignants qui acceptent, non sans risques, de lui apprendre leurs techniques ancestrales.
Elle constate peu à peu les ravages de la révolution culturelle : le fonctionnement totalitaire et absurde en vigueur dans l’université, la vie quasi-carcérale infligée aux étudiants, le rejet violent des traditions, les humiliations et les tortures subies par les vieux maîtres détenteurs de traditions millénaires.


Partie pour une année, Mademoiselle Fa, comme on l'appelait là-bas, est restée dix ans en Chine. A son retour, elle a développé une œuvre originale, trouvant des voies nouvelles pour créer des ponts entre la tradition occidentale et l’art oriental. A travers ce récit autobiographique, on apprend beaucoup sur l’histoire  contemporaine de la Chine, sur les exigences de la création, et sur la trajectoire d’une femme au caractère aussi bien trempé que ses pinceaux.






Passagère du silence / Albin Michel / 2003
Fabienne Verdier. Palazzo Torlonia / Xavier Barral / 2011

mercredi 9 mai 2018

Vivre : relâchement


Une barque – un trait anthracite subtil et fin qui ne relie rien à rien
Sur un lac blanc strié d’argent– un lac zèbre qui vient lécher ses rives reines
Et les ourle de perle et de grège, et les grime sereinement.
Une barque. Un lac. Un instant.

mardi 8 mai 2018

Lire : avoir du "goût" pour tout

Banksy, MOCO, Amsterdam


Ces deux-ci parce qu'ils sont délectables :

... utiliser en son for intérieur les jugements féroces et les raccourcis savoureux de sa grand-mère : une fière sale, un grand bredin, un ahuri, une cancanière, un ramenard, un bouffe-tout-cru, une va-t-en-guerre, un gros plein de soupe, une virago, un drôle d'outil, un qui pète plus haut qu'il n'a le derrière, un imbécile heureux, une drôlesse, un mauvais bougre, un petit botte-à-cul, une qui se croit, un vieux dragon, un grand dépendeur d'andouilles, une pie-grièche, une tête à claques, un cou d'agryon, une marie couche-toi-là, un faux-jeton, une mijaurée, un sans-le-sou, un bayeur aux corneilles, un qui traîne ses guêtres, qui témoignent de ses idées morales et de sa conception du genre!

... avoir déjeuné chez François et Marie Friteyre à l'Espinasse en Livradois d'excellente charcuterie maison puis d'une potée auvergnate au lard avec  tous ses légumes puis de pigeons aux petits pois puis d'un civet de lièvre ("una lebre que je connais", disait le cousin qui  l'avait piégé), pui d'un rôti de veau "du boucher" accompagné de petites pommes de terre rondes sautées à l'huile de noix et de gros haricots blancs de Soissons puis de salade puis de fromages de chèvre maison puis de poires au vin avec des biscuits puis d'une tarte aux pommes (ouf!) avec café et gnôle du coin, exténuement et ravissement garantis...

Et le petit dernier, un de mes préférés (parce que j’imagine si bien la scène) :

... avoir demandé son chemin un soir pluvieux d’hiver à la sortie du métro Censier-Daubenton à un groupe de trois punks, coiffure à l’iroquoise et Doc Martens, chahutant à l’abri d’une porte, et avoir été raccompagnée par trois jeunes gens prévenants jusqu’à l’entrée du square Vermenouze : « Mais si, vous n’auriez pas trouvé toute seule, et puis, on ne sait jamais...

Françoise Héritier, Le Sel de la vie, éd. Odile Jacob, 2012, p. 58, 62 et 79

lundi 7 mai 2018

Vivre : still life / 42





Utile, oui, en principe. Pratique, je dis pas le contraire. 
Ultra léger et compact, certes.
Mais... susceptible, insolent et fieffé coquin.
Il n’a pas sa pareille pour me lâcher juste la veille d’un départ 
ou même – sournoisement – durant le trajet aller.
"Monsieur" me laisse en rade. Il ne pipe plus mot.
Naturellement, à peine rentrés, il retrouve sa verve avec le plus grand naturel.
Oh! Coco! tu es censé m'éviter de trimbaler des kilos de papier !
Si tu continues à me faire faux bond, je te quitte définitivement pour... BOOK!!!



dimanche 6 mai 2018

Vivre : se souvenir des jours anciens


Vierge à l'Annonciation (détail) / Taddeo di Bartolo / Musée du Petit-Palais / Avignon


Tant de choses finissent parfois, la loi des séries sans doute.
Voici le joli bazar d'Y. qui liquide tout son stock :
adieu, papier de soie rouge auquel j'aimais confier mes livres;
adieu, pinceaux, plumes, et superbes enveloppes;
adieu, épatantes trouvailles dénichées près du comptoir.
Je choisis mes derniers Prismalos avec des yeux aquarelle.

samedi 5 mai 2018

Regarder : il faut travailler beaucoup, une tonne de passion et cent grammes de patience*


Arbre et maisons / 1953

Ciel de Vaucluse / 1953

Paysage de Provence / Grignan / 1953-54

Paysage Agrigente / 1953-54


Je décolle souvent et voyage toujours pour voir si le lieu du leurre ne se confond pas avec celui de ma main. 
Il faut pourtant y arriver, que ce soit sans hésitation là et pas ailleurs que cela se passe. 
C'est si dur d'accepter l'abruti qui se trouve en soi et pourtant comment faire sans lui ? 12.11.1953 / Nicolas de Staël à René Char



Un titre de baron. 
Une allure de prince. 
L'acharnement d'un bosseur. 
Les tourments d'un éternel voyageur.
Une peinture affirmée, lumineuse.
Un mélange détonnant. Un passage éclair.


Nicolas de Staël en Provence / Caumont Centre d'Art / Aix-en-Provence / 27.04. 13.09.2018

* lettre à Jean Adrian, collectionneur et ami.