jeudi 30 novembre 2023

Vivre : sous les flocons

 
Détail Crucifixion / Polyptyque de San Galgano / Giovanni di Paolo / Pinacothèque / Sienne

 
Dernier jour de novembre. Comme un soulagement dans l'air. Novembre, mois si dur aux endeuillés, aux angoissés, aux surmenés, mois radin en bonnes nouvelles et encore plus en luminosité, mois où les emmerdeurs se font une joie d'emmerder, où l'immunité est en chute libre tandis que l'absurdité connaît un regain de vitalité, mois où les boules Quiès devraient être remboursées. Heureusement : le bal des nuages, les voltiges de la neige, Vivaldi et Branduardi, les yeux du chien et le regard de mon tendre ami. Heureusement, la poésie. Heureusement, les bougies et ce sentiment percutant d'être en vie.  


mercredi 29 novembre 2023

Vivre : l'absent

 
Miracolosa guarigione della figlia di Benvegnudo da San Polo / Giovanni Mansueti /Accademia / Venezia
 
La dernière fois qu'on l'a vu, sa silhouette trapue dans l'encadrement, on n'a pas pu s'empêcher de lui dire en le saluant prenez soin de vous. Ou précisément : prenez bien soin de vous. On ne sait plus. On ne sait pas pourquoi on a dit ça. Peut-être ses cernes. Peut-être qu'on l'a trouvé grossi, alourdi par on ne sait quel souci. Et il nous a regardée avec un drôle d'air. Il n'a rien dit. Il a juste haussé les épaules et il semblait signifier : comme si je pouvais ! Ou alors : je n'ai pas le temps pour l'instant. On l'a accompagné du regard tandis qu'il s'éloignait prestement. C'est un médecin à qui l'on tient. Un mec bien. Ce matin, le cabinet a appelé. Tous les rendez-vous sont annulés jusqu'au printemps prochain.

mardi 28 novembre 2023

Vivre : l'éloignement

 
Pan et les Nymphes(détail) / Pompei / Maison de Jason / exposition Bologne 2022
 
Elle se fait rare. Elle ne donne plus de  nouvelles. On dirait qu'elle fait la gueule. En vérité, elle est blessée. Se sent incomprise et mal aimée. On voudrait lui dire qu'on comprend. On comprend tellement son découragement devant tant de propos faux, futiles ou fuyants. Mais en se retirant, en se taisant, elle fait le jeu des imbéciles. En nous privant de ses arguments, elle se prive de son rôle éclairant et ce faisant se condamne à double peine. On voudrait lui dire qu'on a besoin de gens comme elle. On voudrait lui dire qu'on l'attend.

lundi 27 novembre 2023

Vivre : se materner

 
Madonna con bambino et i santi Giovanni Evangelista et Jacopo (détail) / Matteo di Giovanni / Pinacoteca / Siena

 
En pleine tâche, cérébrale ou corporelle, être suffisamment avisée
pour savoir identifier le moment précis où l'organisme dit : Assez! 

dimanche 26 novembre 2023

Vivre : "elle"

 

Hier matin, comme une envie de rien, une peine folle à suivre le chien sur les sentiers givrés à l'heure où certains commencent tout juste à se lever (quand ils ne prennent pas la sage résolution de se retourner). J'étais en train de me demander si je n'avais pas attrapé un virus de saison, quand tout à coup j'ai aperçu les toits blancs. "Elle" était arrivée, tout doucement, sans crier gare. S'était posée sur les feuillages, sur les branchages, avait redessiné le paysage, saupoudré le lac et ses rivages. 
 
Plus tard, à Berne, "elle" s'en est donné à cœur joie : averses, glissades, rafales, pour le plus grand bonheur d'une foule internationale découvrant une Suisse de carte postale : des trottoirs où patiner, des Alpes invitant à skier, des fondues à déguster.  Ai surfé parmi les badauds, soufflé des nuages dans l'air glacé, dévoré une fondue moitié-moitié. Dans les rues qui peu à peu se remplissaient, il y avait une agitation inhabituelle, des violons qui disséminaient du Haendel, on aurait dit déjà Noël. 
 
Il y avait un je-ne-sais-quoi d'émoustillé dans l'atmosphère, quelque chose qui distillait le bonheur de l'hiver. Sur leurs devantures, les magasins avaient posé des affiches en noir : "Consommez!", " Faites des affaires!". Tandis que peu à peu déboulaient les éventuels acheteurs tout prêts à dépenser pour mieux pouvoir économiser, nous avons remonté les arcades à rebours. L'heure était venue de rentrer, se lover dans une couverture et rire en compagnie d'un bon vieux polar. Lire, et, de temps en temps, lever les yeux juste pour le plaisir de "la" voir.
 

 
 

Vivre : distinctions nécessaires

 
 
Dog / Keith Harring / Expo 2022 / Pise
 
 
 La rage : mauvaise conseillère, n'admet pas les limites qui nous sont posées.
La colère : utile messagère, signale quand nos propres limites sont bafouées. 


 

samedi 25 novembre 2023

Habiter : quand gronde le grizzly

 
Barri de Genova (Palma) / 1942 /Josep Coll Bardolet / Fundaciò Coll Bardolet / Valldemossa
 
 
Force est de le constater : peu à peu, le quartier est en train de virer bobo (et sans doute dans ce "bobo" y a-t-il un "bo" de trop). Certains se réjouissent en découvrant les prix exorbitants auxquels se vendent les villas des environs. Certains autres se désolent de s'apercevoir que leurs enfants ou petits-enfants n'auront plus les moyens d'acheter à proximité. Les riches vacanciers trouvent très agréable d'investir dans cette région à deux heures à peine de leurs métropoles, où leurs yachts trouvent à s'amarrer. Ils font monter les enchères durant leurs transactions entre congénères. 
Grrr! Voici qu'une construction avec une immense piscine a remplacé dernièrement un vieux chalet de famille. Il y passe de temps en temps un jardinier. On perçoit une lumière automatique qui s'allume le soir, mais jamais personne pour s'adosser au balcon et rêver devant le soleil en train de chavirer. Re-Grrr! Des équipes de professionnels remplacent peu à peu les jardiniers du dimanche. Ils plantent à tour de bras des arbustes exotiques qu'ils pulvérisent de produits pas forcément inoffensifs. Ah! les envolées chimiques des propriétaires chics! Re-Re-Grrr! Même la  terminologie a changé : d'abord chalets ou maisonnettes, les villas sont en passe de se transformer en propriétés (auxquelles les adjectifs "luxueuse" ou "unique" ont été accolés). 
La vocation d'une habitation ne serait-elle pas d'offrir un soutien ? une coquille, une île, un cocon, un refuge ? Une quatrième peau ou une cinquième, va savoir ? La faune, elle, en s'y trompe pas qui recule à petits pas. Les bals des chauves-souris se sont faits rares ces derniers mois. Elles se débinent, pauvres chéries, leurs habitats se révélant incompatibles avec travaux et brouhahas. Seules les taupes sont entrées en résistance : régulièrement chassées du gazon rasé de frais, elles reconstruisent patiemment leurs monticules contrariants. Quant à mon chien, c'est en toute innocence qu'il va pisser sur certains écriteaux "propriété privée". On en vient à se demander : Privées de quoi, ces propriétés ? Privées d'âme et de vie, désolées, sans autre objectif que de rapporter.

Vivre : blancheurs bleues

 

 
Les flocons effacent le Jura.
Un merle patient attend,
défie le froid.

vendredi 24 novembre 2023

Vivre : bye bye

 
 Sculpture / Palais des Doges /Venise


 Naturellement, bien réfléchir avant. Prendre tout son temps.
Et pourtant, dira-t-on jamais assez de la rupture le soulagement ?

 

jeudi 23 novembre 2023

Vivre : trois fois rien et c'est assez

 

Le soir tombe sur une journée très ordinaire - de ces  journées que je préfère - le soir se pose comme une hirondelle annonçant ma saison préférée. Après des séances de cache-cache avec un ciel de plus en plus dégoutté, le soleil se pavane et renâcle à se coucher. Le chien respire et cette respiration à elle seule inonde la pièce d'un parfum doux de sécurité. Sur le chemin les dernières voitures passent, on entend les graviers sautiller. Inutile de repenser à mes actes et réalisations de la journée : je n'ai pratiquement rien fait que vivre et c'était déjà assez. Je n'ai rien fait que respirer, capter quelques ions négatifs, lire quelques lignes, recevoir l'artisan qui a bien voulu - lentement - se mettre à réparer. Je n'ai fait que partir en balade et ramener quelques branches qui dessineront ici de grands ronds illuminés. Je n'ai fait que tendre l'oreille aux sons provenant de la forêt, suivre du regard quelques nuages. Je me suis refusée à faire, j'ai refusé de m'en faire, de me faire une montagne, j'ai préféré la platitude du lac rasséréné. 
Et la journée s'achève sur ce bilan peut-être dérisoire : une porte réparée, un chien qui rêve dans le noir et un grand cercle de lumière absorbant la nuit tombée.

mercredi 22 novembre 2023

Vivre : veiller sur

 
détail sculpture / façade du Palais des Doges / Venise
 
 
Je me souviens de ce collègue, habitant Genève, qui était retourné dans le Jura rendre visite à ses parents. Comme il avait une course à faire, il était remonté interroger son père : "Elles sont où, les clefs de la voiture ?" Étonnement du vieillard : "Ben, sur le tableau de bord, évidemment !"

Ici aussi, pendant très longtemps, on n'a jamais imaginé fermer nos voitures à clef. Quel besoin ? La sécurité faisait partie de notre qualité de vie. Toutefois, à certains indices, il semblerait qu'on doive commencer à prendre garde (comme elle est jolie, cette expression : "prendre garde", impliquant de veiller à ce qui est, de veiller sur. Quitte à surveiller).
 
Il y a eu dernièrement une voisine qui n'a plus retrouvé dans sa boîte à gants le sachet contenant la monnaie pour le parcage (elle qui refuse d'enrichir des instituts et d'utiliser son smartphone comme extension de sa carte bancaire a perdu la confiance absolue qui l'animait).

L'autre jour, sur le quai de la gare, R., qui avait laissé son sac un peu lourd contre une barrière pour faire quelques pas, ne l'a plus retrouvé à sa place, mais entre les jambes d'un autre usagé. Surpris, il s'est adressé à l'inconnu, lequel s'est révélé tout ce qu'il y a de plus franc et sincère. "Ah! je m'apprêtais à aller l'apporter en ville aux Objets trouvés. J'ai cru que quelqu'un l'avait oublié. Vous savez, hier soir, des voleurs se sont introduits chez moi alors que nous étions à l'étage. Il s'en est fallu de peu qu'ils ne partent avec leur butin."
 
Et ces quelques fois déjà, où des commerçants commencent à se tromper largement en calculant leurs totaux ou en rendant la monnaie.

On n'arrête pas le progrès. On n'arrête pas la crise. Ce qui faisait le charme de notre vie à la campagne (sa merveilleuse naïveté, sa relative rareté) est rattrapé par le manque des uns, l'avidité des autres. Envie ? Besoin ? Tentations trop fortes ? Tensions en hausse ? Qui sait ? Toujours est-il qu'avec ces petites bulles invitant à la prudence le temps semble venu de "prendre garde", avec tout au fond de soi comme un sentiment d'Eden égaré.

mardi 21 novembre 2023

Lire : quand Piero redonne espoir

 

 
Pendant plusieurs années, entre 1935 et la guerre, nos promenades du dimanche nous donnèrent l'illusion de repasser pour quelques heures de la barbarie à la civilisation.
Piero Calamandrei, cité en exergue.

J'ai  fait sa connaissance au printemps 1938 - je parle d'elle comme d'une personne vivante, et c'en est une - au cours d'une excursion dominicale avec mes amis Pancrazi, Paoli, Russo et Calogero. [p.11]

Rencontre avec Piero della Francesca est un ouvrage contenant un article publié le 10 mars 1954. Il nous emmène à Monterchi, un petit village au Sud de la Toscane d'où était originaire la mère de Piero et où le célèbre peintre a figuré dans l'église Santa Maria a Momentana une femme sur le point d'accoucher : la Madonna del Parto


La femme - Marie - fait face au spectateur en tournant légèrement son corps vers la gauche. Elle assume une pose calme et pensive, dont on ne peut vraiment dire si elle est sereine ou légèrement inquiète. Elle va bientôt mettre un enfant au monde et pressent que l'Humanité s'apprête à recevoir un message de renouvellement et de clarté. Elle comprend que quelque chose de grave est en train de se passer. Elle se tient prête. Cette toute jeune femme est représentée dans une tenue simple, sa robe se tend sur son ventre arrondi, comme les robes des paysannes qui n'ont pas de vêtement adapté à leur grossesse.
 

 

 

Dans cet opuscule (96 pages comprenant l'article, les annotations des traductrices, une postface et la bibliographie), Piero Calamandrei rapporte sa rencontre avec la Madone au visage de campagnarde placide et l'impact qu'elle a eu sur lui :

Je ne l'ai pas revue, depuis lors, autrement qu'en photographie; mais j'ai repensé à elle bien souvent comme à la meilleure expression possible, parmi toutes celles que les peintres ont pu représenter, du troublant mystère de la maternité - ou plutôt de l'attente de la maternité.[p.20]
 
Cette découverte est l'occasion de raconter combien l'art peut apporter de consolation durant les périodes tourmentées, chargées d'atrocités et de destructions. Il raconte non seulement ce que cette œuvre d'art lui a permis d'affronter quand tout était trouble autour de lui, mais aussi ce qu'une peinture peut représenter pour toute une région et pour ses habitants, les gens de peu, les gens du peuple. 
 
 Vous le savez bien : en Italie, et particulièrement en Toscane, chaque bourg, chaque tournant, chaque colline a un visage, comme une personne vivante; il n'est pas de coteau, ni de clocher qui ne soit associé dans notre cœur au nom d'un poète ou d'un peintre, au souvenir d'un événement historique aussi important pour nous que les joies et les peines de notre famille.
Il ne s'agit pas de littérature, il s'agit de la vie [p.21]
 
Il évoque des anecdotes illustrant l'importance de l'art en temps de guerre (l'attachement des paysans et surtout des paysannes à "leur" Madone, si bien que quand les autorités ont envoyé en 1943 des émissaires pour mettre la fresque à l'abri de destructions éventuelles, ils furent chassés par la population, qui les avait pris pour des Allemands déguisés, et on dut recourir à d'autres mesures de sauvegarde). Il décrit longuement la figure de Marie, le caractère qu'il en perçoit, et met en évidence ce que Piero a réalisé : une image religieuse qui ne parle pas des puissants, mais s'adresse à tous ceux qui viennent humblement prier devant elle.
 
Il convient d'ajouter que Piero Calamandrei était antifasciste, juriste, qu'il a occupé les fonctions de recteur de l'université de Florence à la fin de la guerre et qu'il a fondé en 1945 la revue politique et littéraire Il Ponte (où a été publié cet article pour la première fois et qui existe encore aujourd'hui).
 
Cette semaine, dans la maison, il y a eu la lecture de ce livre. Et, dehors, il y avait le monde, ce monde dans lequel nous sommes en train de vivre, qui nous laisse tous les soirs pensifs et parfois amers, avides d'équilibre et de lumière. Il y a aussi Noël qui va arriver (c'est curieux, cette année, comme on souhaite ardemment Noël et sa possible trêve). Soudain, malgré les infos, malgré les salles de cinéma aux programmes acidulés et désolants, malgré les averses persistantes, cette lecture nous a rendus apaisés et naïvement heureux. On s'est sentis très proche de l'auteur. Dans le fond, l'art, avec la nature, fait partie des rares choses aptes à entretenir l'espoir.
 
Les œuvres d'art concernent l'Être, la civilisation, l'esprit d'un peuple. Ils sont la vie, ils font partie de notre vie, de notre esprit : elles ne peuvent être perdues sans qu'on se sente mutilés, altérés spirituellement. Si un chef-d’œuvre de l’art est détruit, c’est une zone de notre mémoire qui s’assombrit. » 
Extrait d'une conférence de P.C. donnée à Londres en 1951, citée par sa petite-fille Silvia

Soudain, on a ressenti une énorme envie de repartir là-bas, de gravir une nouvelle fois les collines de Toscane pour rejoindre la jeune mère entourée de ses anges, de se laisser gagner par la paix que le génial Piero a su évoquer dans le village natal de sa mère (peut-être en hommage à celle-ci ?). Soudain, on a eu très envie de rêver. On s'est donné le droit de rêver à un monde de sérénité.
 

 


 
Piero Calamandrei / Rencontre avec Piero della Francesca / trad. : Angela Guidi et Lucie Marignac / postface de Carlo Ossola / Ed. Rue d’Ulm / 2023 (réédition italienne : Un incontro con Piero della Francesca / ed. Henry Beyle / 2015)
Photographies : Dad / été 2015 / Museo Madonna del Parto / Monterchi

 

lundi 20 novembre 2023

Vivre : être les premiers bénéficiaires

 
Tête de Vénus (ou Diane) / 1er siècle après J.C. / Musée de la Romanité / Nîmes
 
Se donner de la peine : une expression parfaite, oui, en effet, l'effort est avant tout un don que l'on se fait à soi-même.
 

dimanche 19 novembre 2023

Regarder : des choses que l'on voit et qui n'existent pas

 
Empyrée / Eva Jospin / Palazzo / Palais des Papes / Avignon
 
Retournant sur les traces d'Eva...


dans l'apaisement du Palais automnal...


j'allais de trace en trace vers ce qui existe...


et qui pourtant ne se voit - presque - pas...

Empyrée : suspension de laiton, verre et carton, qui prend place dans le conduit de la cheminée qui culmine à près de vingt mètres au centre de la Cuisine Haute. L'horizontalité est inversée et laisse apparaître un escalier tournant à l'infini vers le ciel. Sa double hélice rappelle l'escalier du Palais du Vatican.

samedi 18 novembre 2023

Vivre : qui perd gagne

 
 
 Vicenza / cour du Teatro Olimpico
 
Ne perdez plus les douze secondes que vous demande le scannage de votre facture, passez à E-bill, cliquez, payez! Cherchez l'erreur : on nous propose tous les jours des moyens d'économiser du temps et pourtant, le temps, on n'arrête pas d'en manquer. Plus on en gagne et plus on en perd. Nous voici donc, pauvres hamsters, à trotter sans arrêt, à télécharger, appliqués, quelle misère... Curieusement, au moment où l'on accepte de prendre - ou de perdre ou de donner - tout son temps (tout! absolument tout!), on se retrouve enfin gagnants, en sérénité et en sécurité. Allégés.

vendredi 17 novembre 2023

Vivre : gratitude

 
Tête sculptée provenant de Gizeh / KHM / Wien
 
Ce qu'il faut d'équilibre et d'élégance
pour savoir cultiver la reconnaissance...

jeudi 16 novembre 2023

Voyager : la ville magnanime

 

 
La ville demandait à être apprivoisée. Elle n'était pas aguicheuse, ne donnait pas au prime abord l'envie de s'y attarder. De longs boulevards conduisaient au centre et charriaient des silhouettes paraissant ce matin-là désemparées. On y trouvait aussi, sur l'itinéraire emprunté, une quantité invraisemblable de services dédiés aux pompes funèbres, des cimetières, assortis d'un crématorium aux dimensions conséquentes. Au milieu de quartiers populaires, ronds-points, barres, hypermarchés, s'élevaient des sortes de ghettos, enclos de riches, avec leurs chambres et leur restauration triée sur le volet. Oui, la ville paraissait faite de contrastes, râpeuse, mais sans être hostile ou élitaire.
 
Les nuages qui s'amoncelaient n’allégeaient guère atmosphère. Nous nous sommes toutefois obstinés. Puis, peu à peu, comme un ciel qui se dégage, la cité s'est offerte, a accepté de se laisser admirer,  exhibé quelques élégantes façades, quelques préciosités. Nous avons atteint l'écusson et ses nombreux attraits. Découvert les halles, de vraies halles remuantes offrant toutes sortes d'étals fort bien achalandés. Et soudain, ce furent les Arènes. On bascula dans la romanité, avec l'audacieux musée qui lui était dédié. Nous nous sommes aventurés dans ce palais contemporain, conçu pour cultiver et passionner, mais sans frimer ni pérorer. Naturellement, nous n'avons pas vu le temps passer.

La mosaïque de Penthée
 
Nymphe / Groupe statuaire de la route de Beaucaire
 
Stèle animée

 Statue féminine dite d'Antonia Minor
 
Et puis, ce fut la Maison Carrée. Et la Maison Romane. Qui nous laissèrent toutes deux éberlués. Tournés vers ce prestigieux passé, nous nous sommes détournés - à titre exceptionnel - du Carré d'Art, un lieu qu'il nous tardait pourtant de visiter. Plus nous déambulions, et plus nous étions pris d'une furieuse envie de rester.

La Maison carrée

La maison romane

C'est peu dire que la ville, sans boniments, avec franchise et animation, avait su nous conquérir en l'espace d'une journée. Nous avons eu un coup de cœur non seulement pour les lieux, mais aussi pour l'ouverture et la générosité de ses habitants. Tandis que nous reprenions la voiture pour nous diriger vers l'ouest, où un cloître monumental nous attendait, d'un élan unanime, nous nous sommes juré de très vite y retourner. 




mercredi 15 novembre 2023

Vivre : maussade

 
Tête romaine / Kunsthistorisches Museum / Wien
 
- Le mec, il est comment ?
- De saison.
- ???
- Il a une tronche de novembre.

mardi 14 novembre 2023

Vivre : au coeur des mystères

 

 
On avait obtenu avec grand peine, et pour une seule nuitée, la chambre rouge si chère à nos rêves. Le soir, au cours d'une discussion enflammée, on avait senti une forte odeur de cramé. L'alarme avait sonné.  On avait évité de justesse l'arrivée des pompiers. Le matin, la minuscule salle du petit-déjeuner bruissait comme une ruche : les auteurs et les autrices (enfin : surtout des autrices) se retrouvaient, s'interrogeaient, s'embrassaient. On aurait dit des bouteilles de mousseux que de longues semaines d'écriture solitaire avaient agitées. Les pullovers étaient jacquard et les chaussures moutarde ou orange brûlée. Des exclamations fusaient : "Projet!". "France Culture? France Culture!". Des conversations émergeaient à propos d'anciens loups dans d'anciennes bergeries dans de lointaines contrées. Le festival commençait et une foule de mots, d'échanges et de commentaires crépitaient.
En ville, les hôtels affichaient complet. Même certains piètres restaurateurs voyaient leurs tables occupées (dans la fougue des discussions qui aurait prêté attention à leurs pitances transformées?). L'essentiel se trouvait dans le tourbillon des questions qui s'envolaient, qui rebondissaient, se rattrapaient, se renvoyaient au fond de salles mal ou sur chauffées. Frôlant les murs, on percevait  sur les trottoirs des échos de voix et, somnolant dans quelque entrée, une assistante qui baillait, vérifiait son smartphone, et rebaillait, veillant sur des piles jaunes et noires qui attendaient d'être examinées, et peut-être signées. 
On s'est demandé : pourquoi ne lit-on presque plus de romans policiers ? Le lendemain, à la librairie Goyarddécidant de s'y remettre, on a trouvé de quoi intriguer les longues soirées d'hiver qui s'annonçaient.

 

lundi 13 novembre 2023

Vivre : en contrepartie

 
Fragment de Métope /Temples de Sélinonte / Musée d'archéologie / Palerme
 
Elle avait dans le regard quelque chose qui disait "vous êtes formidable".
 En conséquence, elle obtenait tout ce qu'elle attendait.

jeudi 9 novembre 2023

Voyager : quitter les brumailles

 

Ainsi donc, cher Monsieur Kappus, ne faut-il pas vous effrayer lorsqu'une tristesse se dresse devant vous, si grande que vous n'en avez jamais vue de pareille; lorsqu'une inquiétude, telles la lumière et l'ombre des nuages, passe sur vos mains et sur tous vos actes. Vous devez penser qu'il vous arrive quelque chose, que la vie ne vous a pas oublié et vous tient dans sa main; elle ne vous laissera pas tomber. Pourquoi voulez-vous exclure de votre vie toute espèce de trouble, de douleur, de mélancolie quand vous ne savez pas ce que ces états font sur vous ? 
Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète, 12 août 1904

 
Délaissant la lecture des Lettres, j'ai répondu oui. Naturellement. Une invitation au Sud ne se refuse pas, d'autant moins après des jours et des jours de déluges, quasi naufrages, langueurs sublimes, soupçons de neige. Il s'agit donc de se lancer, impérativement, aller découvrir les pierres beiges de la romanité, retrouver au présent tant de siècles oubliés. Laisser ici les trombes. Aller quêter ailleurs un peu d'aménité. Partir sans s'enfuir, avec le goût de découvrir.

 

mercredi 8 novembre 2023

Vivre : dépassé

 
Prophète / Giacomo Jaquerio (?) / Abbaye Sant'Antonio di Ranverso / Turin
 
L'homme, ridé, froissé, n'a su trouver qu'une solution : égratigner. 

mardi 7 novembre 2023

Vivre : les oiseaux et les nuages

 

 
   Des milliers d'étourneaux de passage : un drap froissé dans les nuages

lundi 6 novembre 2023

Vivre : luna park

 

ah! les tempêtes...

quels que soient le mois ou la saison...



l'heure ou l'émotion...


toujours ce sentiment d'une cinquième saison...




dimanche 5 novembre 2023

Regarder : l'art de la simplicité

 
rien à voir : pour une question de droits, la photo est de moi
 
 
 
Ai découvert aujourd'hui sur le site du Guardian le photographe suédois Marcus Cederberg (1965). On peut observer son travail sur son site personnel : minimalphotos.com ou sur instagram : @marcuscederberg. Ce sont des images d'une extrême sobriété, qui évoquent le calme, l'épure absolue, presque la banalité, par leur représentation de simples détails du quotidien. L'artiste cherche l'équilibre dans des formes géométriques, se focalisant sur des représentations d'un minimalisme total. Mais, alors que généralement l'épure est liée à des teintes pâles, des palettes en camaïeu de gris, ici elle est relevée par des couleurs vives et joyeuses, évoquant les élans de l'enfance et des souvenirs de vacances. Tout un monde de franche détente, qui pourrait paraître simpliste ou racoleur. Mais il en émane un appel vibrant à être au monde loin de toute complication ou vulgarité. Rien de moins. Et surtout rien de plus. De quoi se réjouir et décompresser.

Vivre : la course en avant

 
Donna alla finestra / Michelangelo Pittatore / Pinacoteca Mazzetti / Asti
 
 
Qu'est-ce que j'accepte de perdre en voulant tant et tant gagner ? 

samedi 4 novembre 2023

Vivre : savoir clore

 
Le couronnement de la Vierge (détail) / Neri di Bici / Musée du Petit-Palais / Avignon
 
La vie est remplie de dossiers. Le bonheur d'en ouvrir de nouveaux. Le soulagement - voire l'euphorie- d'en boucler.

vendredi 3 novembre 2023

Vivre : à chaque matin son monde

 

Les matins se suivent sans se ressembler.
On se croit en plein brouillard mais il convient de se retourner.




La vie palpite. Le chien s'ébroue. Les canards prennent la fuite.




La vie est là qui vacille, vite se dissipe.
Il faut - il fallait - être éveillée et capter.