vendredi 30 septembre 2022

Vivre : l'exposition d'une question

 

Exposition 2014 / MAK / Vienne

 

Idéalement, on voudrait répondre "non". Mais est-ce si simple ? Ce n'est pas parce que soixante ans d'appels exponentiels à la consommation nous ont promis le bonheur que celui-ci n'a aucun lien avec notre pouvoir d'achat.
Si seulement nous pouvions être heureux d'acheter selon nos besoins réels, réellement identifiés. Et ne pas nous laisser emporter par les diktats, les tendances, les statuts promis et les statuts exposés. "New"! "Nouveauté"! "Dernier modèle"! quelles argumentations!
Si seulement nous pouvions être sûrs de ne pas être ce que nous avons, mais d'avoir ce à quoi nous aspirons. Alors, oui, on pourrait consommer avec bonheur ce qui réjouit notre cœur.

jeudi 29 septembre 2022

Voyager : une ville, la nuit

 

C'est beau, une ville la nuit, d'autres l'ont déjà dit, c'est fascinant, toutes ces lueurs, ces coins désertés, et ces places agitées. Pour connaître un lieu, il faut sans doute en traquer la luminosité, le découvrir très tôt le matin, et puis en plein midi et puis encore à nuit tombée.
 
 
(une ville est aussi belle quand doucement l'ombre l'appelle, la cueille, la saisit, petit à petit)
  
 
Les lieux ne vivent que par les présences, présences qui passent, qui se remplacent, qui s'effacent. Qui tremblent, qui vrombissent, qui s'évanouissent. On ne se sent jamais seul la nuit dans une ville. Il y a toujours une ombre lasse, qui se déplace, un frémissement, un cri, un crissement. Un appel que personne n'entend, un désespoir qui se rend, la demande de quelqu'un qui attend. Des gens qui se retrouvent, des pas qui se perdent.
 
 
Jamais la ville ne dort vraiment. Ses reflets palpitent, hésitent, reprennent vite la pulsion qui jamais ne quitte son cœur frémissant.

Le cœur des villes les conduit jusqu'au matin et elles recommencent alors leur rengaine habituelle. Comme si de rien n'était. Elles ouvrent leurs terrasses, les cafés offrent leurs tasses, les passants passent et repassent. Tout reprend dans un continuel mouvement.



mercredi 28 septembre 2022

mardi 27 septembre 2022

Voyager : des images dans la ville

 
Baptistère / Cathédrale de Padoue / Giusto da Menabuoi
 
C'est une ville où les images sur les parois médiévales sont étincelantes. A l'intérieur d'un baptistère ou de chapelles privées, elles ont la beauté d'un paradis retrouvé. On en perdrait la boule à trop vouloir les regarder. Sortant, on quitte avec difficulté le vertige qui s'est emparé de soi, Stendhal me comprendra, sentiment de retrouver la terre ferme après avoir failli se noyer. C'est une ville où l'on perdrait aisément la notion de l'espace et du temps.
 
 
Dans les rues, dans les coins plus précisément, on retrouve aussi d'autres images, moins élégantes, plus terre à terre, certaines se défont sous l'effet de la pluie et de divers outrages, d'autres ont surgi, à l'improviste, qu'on voit qu'on ne voit pas, on a l'impression d'en découvrir à chaque fois.
 

C'est une ville qui vit, qui déverse dans ses artères des flots de chiens, de pèlerins, d'écoliers et de vélos. On y cultive encore plus qu'ailleurs l'art de la discussion et l'art suprême de l'apéro. On tremble en la voyant découvrant promue dans toujours plus de magazines, vantée avec des couleurs sursaturées. On craint dès l'an prochain un excès d'arrivées prêtes à tout désarticuler, des flots de touristes envahissants évinçant les traditionnels croyants. On aimerait la préserver comme on la connait, depuis toujours, avec ses vendeurs de cierges, ses curés empêtrés dans leurs soutanes, ses fonds d'artichaut qui dansent dans leurs bassines et les clochers déployant leurs chants à toute volée par-dessus les cris des étudiants enfin diplômés. On la regarde comme un bien fragile, un chef-d’œuvre en péril, un enfant chétif à protéger. On savoure la fin de son été.



lundi 26 septembre 2022

Vivre : parfois le temps...

 
 Église des Eremitani / Padoue / septembre 2022
 
parfois le temps disparaît
le temps d'un moment
ne reste que la présence
à soi, au lieu, à l'instant

 

 

dimanche 25 septembre 2022

Vivre : Still life / 122

 

Visiter une ville ne signifie pas s'intéresser uniquement à ses attractions et à la carte de ses restaurants, c'est aussi et surtout une question de regards, de détails et d'attitudes, conduisant à de stimulantes rencontres et de belles surprises. 
Le café Giotto, découvert par hasard un matin de safari photo, proposait des pâtisseries exquises et quelques bonnes idées de cadeaux. C'était aussi un lieu un peu spécial : on y vendait des produits réalisés en prison et reconnus en Italie comme de première qualité (leur panettone est classé depuis longtemps parmi les meilleurs produits dans la Péninsule).
Faire de l'expérience carcérale un moment de réinsertion et d'apprentissage, rien d'occupationnel mais un ensemble d'échanges positifs avec le monde extérieur et une opportunité pour les détenus concernés de gagner un salaire et de pouvoir soutenir ainsi leurs familles.
Une idée à encourager et à développer. Et de sublimes douceurs à tester (leurs glaces : à tomber!)

samedi 24 septembre 2022

Vivre : suivre les traces

 
Testa di Madonna / Andrea Briosco detto il Riccio / Pinacoteca / Padova
 
Quand on croise un ancien ami ou une vieille connaissance et qu'on lui demande :
"Qu'est-ce que tu deviens ?",  n'est-ce pas à soi dans le fond qu'on pose la question ?

lundi 19 septembre 2022

Vivre : le lac, l'automne

 
 
Parmi les cadeaux tombés du ciel :
l'évanescence d'un arc-en-ciel
la toute-puissance d'une éclaircie
le lac se mettant en vert de gris
le bruissement subit d'une biche
l'invention d'une surprenante journée
le désir impérieux de se renouveler

dimanche 18 septembre 2022

Vivre : les attentes inutiles

 
Le baiser de la muse (détail) / Félix Nicolas Frillier / Musée Granet / Aix-en-Pce
 
N'attends jamais de personne qu'il vienne te sauver
Sauve ta vie, sauve tes rêves, sache les préserver 

samedi 17 septembre 2022

Lire : les conjonctions de subordination

 


Ces derniers jours, le hasard a mis entre mes mains deux récits féminins ayant pour point commun des questions hypothétiques. En couverture, on voit leurs auteures fixer l'objectif comme si leurs regards denses constituaient l'argument définitif pour convaincre les potentiels lecteurs ou lectrices.
***
Le premier livre donne le ton avec son titre : Le Jeu des si. C'est Isabelle Carré, comédienne fine et douée, qui se prête au jeu. Au début, une femme en rupture, désirant échapper à la fatalité d'une vie sans doute trop décevante ou attendue, s'évade dans les méandres d'une existence autre que la sienne. Peu sensible à cette écriture très appliquée et un peu dispersée, j'ai rapidement abandonné. Pas envie de jouer. J'ai peut-être manqué quelque chose, mais pourquoi s'obstiner à lire ce qui n'est pas apte à nous nourrir ?
 
***
En revanche, le second livre, Vivre vite, de Brigitte Giraud, m'a happée et je l'ai lu quasiment d'une traite. Rien de ludique dans ces pages, plutôt une révision systématique : l'écrivaine évoque, vingt ans après, la mort de son mari en reprenant un à un les différents points ayant conduit à l'accident de circulation fatal. 
Ici, les "si" fourmillent. Ils sont énumérés dès les premières pages et nourrissent les titres de tous les chapitres suivants. L'intention de l'autrice est d'explorer et d'éliminer une fois pour toutes chaque hypothèse. 
Ce phénomène si courant, face à une catastrophe, face à un malheur, qui nous fait passer en revue toutes les possibilités susceptibles d'avoir empêché l'irréparable, ce phénomène, elle le reprend systématiquement, scrupuleusement, avec la ténacité d'une enquêtrice, mais non pas pour ressasser, comme on serait tenté de le faire, non pas pour trouver des explications et des causalités, elle le reprend minutieusement pour parvenir à élaborer autre chose. On pressent qu'après cette écriture, une longue tourmente intérieure est en mesure de s'apaiser. Enfin.
 
***
Avec Vivre vite on réalise que le "si" implique un refus du réel. Le réel est et il est surtout incompatible avec le conditionnel. Rester dans le "si" signifie refuser le deuil. 
 
***
Il n'y a rien à comprendre, chacun joue son rôle. Chacun bien à sa place dans la ville, en toute légitimité : le médecin, le notaire, l'instituteur, le pompier, le policier, le bibliothécaire, le banquier, le curé. Ça  s'appelle une société.
Tout est si bien huilé. Ça  fonctionne, ça dysfonctionne, pour le meilleur et pour le pire.
Le journaliste, l'employé des pompes funèbre, l'écrivain.
Il n'y a pas de si. 
***
 
Ce livre, je réalise que je l'attendais depuis longtemps. En 2001, deux ans après l'événement, Brigitte Giraud avait publié A présent, un texte dans lequel elle évoquait son expérience. J'en avais lu un extrait sur le blog du journaliste William Irigoyen, Le Poing et la Plume, blog qui n'existe plus et texte que je n'ai jamais retrouvé. Manque de chance : le livre était depuis longtemps épuisé. Impossible de le dénicher, malgré des recherches en bibliothèque et en librairie. Mais cet extrait qui évoquait le bonheur scruté à travers un rétroviseur, était resté gravé dans ma mémoire. Il m'avait marquée. Il m'avait aussi manqué. Et voici que Brigitte Giraud est revenue sur le sujet, adoptant un autre point de vue, faisant face au drame de manière très factuelle.

***
Un homme et une femme dans la quarantaine sont unis depuis très très longtemps. Ils sont passionnés, ils aiment la vie et leurs multiples activités  Si le terme existait en 1999, on dirait qu'ils adoptent face à l'existence la cool attitude de ceux qui arrivent de la banlieue (lyonnaise, en l’occurrence) et veulent se faire une place dans le monde urbain. Ils ont un enfant. Elle veut écrire, elle commence à publier. Il adore la musique, la moto et la paternité. Ils s'apprêtent à déménager dans une maison avec jardin et garage. L'histoire commence apparemment bien. Mais elle se met très vite à déraper et Brigitte Giraud s'attache à analyser l'un après l'autre tous les grains impliqués dans l'engrenage qui ne sont pas parvenus à le gripper.
***
Si je n'étais pas allée à Paris  le mardi 22 juin mais le vendredi 18 comme prévu. Si mon frère n'avait pas été en panne de garage. Si les Mercier n'avaient pas cédé à mon désir d'acheter leur maison. Si nous n'avions pas eu les clés à l'avance. Si je n'avais pas décliné la proposition de mon frère de prendre mon fils en vacances. Si j'avais téléphoné depuis Paris à Claude de ne pas aller chercher notre fils à l'école. Si Claude n'avait pas pris la moto de mon frère. S'il n'avait pas laissé les 300 francs dans le distributeur. S'il avait écouté Coldplay et non Death in Vegas. Si Tadao Baba n'avait pas existé. Si les accords de libre-échange entre le Japon et l'Union européenne n'avaient pas été signés. S'il n'avait pas fait beau. Si Denis R. n'avait pas ramené la 2CV à son père. Si le feu n'était pas passé au rouge. Pas, pas, pas, pas, pas, pas, pas.
***
 
Un témoignage. Un polar, presque. Un récit qui porte à méditer sur les choses de la vie, le compagnonnage, les implications du deuil, la vie avec les absents, les jeux cruels du hasard, la nécessité d'écrire quand on a infiniment aimé et infiniment perdu. Un livre qui évoque une époque, pas si lointaine, sans portable, sans toutes ces technologies qui nous compliquent et nous facilitent la vie et qui, dans tous les cas, la modifient.
Mais aussi, une œuvre littéraire qui dépasse son sujet, qui invite à transposer le questionnement par hypothèses plus largement, sur tous les événements marquants, les pertes au sens large, les alignements favorables ou pas, les rendez-vous réussis ou manqués. Un livre susceptible de nourrir le regard et d'aider à mieux exister.

***
 
Interview de Brigitte Giraud : ICI
A présent, 2001, éditions Stock, 2003, Poche
 
 

vendredi 16 septembre 2022

Vivre : still life / 121

 

Sobre, moulant irréprochablement, pouvant affronter algues et tourbillons : l'uniforme des premières heures de la journée (plus tard, aux alentours de midi, la sobriété allait céder, les pelouses allaient se colorer de pastilles pastel, de maillots à fleurs ou fluo, de bikinis plus ou moins rétrécis). 
Ces derniers jours, la rivière se montrait en perte de débit, l'air portait quelque chose de flétri. Lors de descentes de plus en plus lentes s'invitaient tour à tour feuilles et brindilles. Dans les bassins, toujours moins d'habitués, des corps toujours plus frigorifiés, mains agitées vers des serviettes trop vite détrempées. L'heure des au revoir avait sonné. On s'était mis à saluer des compagnons de saison dont on ne connaîtrait ni le nom, ni la fonction, qu'on serait bien incapable de reconnaître en ville, dans le civil, mais auxquels leur manière de plonger ou de crawler avaient conféré en ces lieux une véritable identité. La buvette aux coussins colorés n'était plus qu'un tas de poutres démontées. Les serveurs décontractés s'apprêtaient à troquer leurs savoirs en matière de capuccinos contre leurs apprentissages en socio ou en psycho.
La saison tirait à sa fin. Le boulanger déjà préparait moins de sucreries, même les guêpes étaient moins assidues dans sa boutique. L'automne allait être beau, l'automne allait être resplendissant. Les pas tanguaient en quittant les espaces où l'on avait jubilé. Si les corps s'affichaient bien musclés, les cœurs renâclaient à s'en aller. 
Prendre sur soi. Balayer du regard. Savoir quitter pour mieux retrouver. Remiser ce fidèle compagnon et lui imaginer une prochaine saison.


jeudi 15 septembre 2022

Vivre : point de vue

 

 On l'oublie trop souvent :


avant les grisailles et les batailles
avant les averses et les controverses
avant les couvertures et les aventures
avant les intempéries et les avanies

Ce matin / à sept heures
 
la vie est rose. Intensément rose.
 

mercredi 14 septembre 2022

Vivre : présence de l'absence

 

 Quelque chose de furtif dans la lumière.
Un éblouissement dans l'air du soir.
Un cri lancinant. Dans le plexus, ce pincement. 
Détails minuscules venus me parler de toi.  
Où donc es-tu allé ? Comment te rappeler ?

mardi 13 septembre 2022

Vivre : loin de craindre le vide

 
gipsoteca Bistolfi / Casale Monferrato

Il y a quelque chose de l'ordre de la confiance (croire à la relation, à la vie) dans le fait de savoir écouter. Donner du temps à l'autre pour qu'il puisse développer, à l'échange pour qu'il parvienne à inspirer. Loin des emballements du cœur, loin des imprévisibles peurs, permettre aux choses de se dire, ne rien chercher à remplir. Juste : laisser venir.

lundi 12 septembre 2022

Vivre : congés

 

 
Pris ou donnés, une compétence avérée : 
savoir garder toujours la porte entrebâillée.


dimanche 11 septembre 2022

Voyager : plaisir du palais

 
Ce soir-là, tandis que nous dévorions des yeux le décor invraisemblable du restaurant où il avait accepté de se laisser inviter et qu'avec la même intensité nous savourions les mets exquis qui nous étaient présentés, un peu épuisés, un peu éméchés, nous avons entrepris de tracer un vague bilan et de vagues perspectives pour notre rentrée.
Nous évoquions de futurs départs, nos désirs assouvis, et ceux qu'il nous restait à assouvir. Nous parlions de la Méditerranée et de quelques unes de ses îles, de ce livre magnifique sur la Sicile que nous venions de dénicher dans la plus incroyable, la plus immense des librairies, un foutoir de plusieurs centaines de mètres carrés sur deux étages où seul le propriétaire semblait se mouvoir avec aisance et où j'avais tenté de mettre son professionnalisme en difficulté avec deux demandes tortueuses dont il s'était ma foi assez bien tiré. 
 
 
Nous échangions à propos de ces pénibles exigences que réclame parfois la vie sociale, ces animosités mal dissimulées, ces arrogances à peine masquées qu'il s'agit de déminer avec plus ou moins de diplomatie, histoire de ne pas se laisser embarquer, valses hésitation entre longues objections et scènes de ménage, capacités à rester stoïque et à se tourner résolument vers les mille soleils de la vie. Dur, dur, a-t-il dit, mais on réussit. Puis nous nous sommes longuement interrogés sur ce qui tisse les liens, les différences apparentes qui servent à aimanter ou les affinités souterraines qui finissent tôt ou tard par se révéler. Certains étés catalans se sont invités.
Finalement, et le Barbera judicieusement servi y était sans doute pour quelque chose, nous avons ri, ri de bon cœur de toutes sortes d'âneries, souri de mille broutilles avec cette joie que donne la conscience de la rareté, de la précieuse rareté de pouvoir s'aimer. Puis nous avons descendu le majestueux escalier, suivis par mille loupiotes à travers la ville poignante et délaissée qui semblait ne jamais devoir se relever de quelques détresses endurées, et persuadés que c'était pour nous ce soir-là que les étoiles brillaient. 
 
 
Sur la route, les collines du Monferrato s'endormaient sous une lune voilée. Ou plutôt le ciel se faisait miroir et le vent nous dessinait un territoire infini à grands coups de nuages brouillonnés. Nous avons embrassé du regard cette lumineuse obscurité. Un instant nous avons caressé l'idée de rouler jusqu'à la mer, juste pour l'entendre clapoter, et puis doucement nous avons regagné nos draps, au fond desquels nos rêves nous attendaient.


samedi 10 septembre 2022

Vivre : le matin, les arcs-en-ciels

 
Sans titre (nu) / Romain Urhausen / vers 1967 / Arles 2022
 
Entre averses et embellies, sentir pulser la vie
Rejeter les tristes chairs et les tristes sires
Et toujours en soi ces envies : oser, grandir.

vendredi 9 septembre 2022

Vivre : totems

 

traversant la forêt, nef gothique aux cent piliers,
on se demandait qui avait besoin d'être protégé, 
la nature ou ceux qui prétendaient la dominer ?

jeudi 8 septembre 2022

Vivre : la question du jour

 


 déboulant sur le plateau, j'ai repensé à Eva Bester et
à la deuxième question qu'elle n'omet jamais de poser à ses invités :
le matin, qu'est-ce qui vous donne envie de vous lever ?


mercredi 7 septembre 2022

Vivre : les normales saisonnières

 

A la tombée du jour, accueillir les promesses d'ondées.
A sa pointe, admirer les prémices de feuillages espérés.

mardi 6 septembre 2022

Regarder : la fille du calendrier Agip

 
Un modèle posant pour le calendrier Agip 1974 / James Barnor
 
A mon retour d'Arles, après avoir observé des centaines de tirages, je rentre bien sûr enrichie par mes "rencontres", mais il y a toujours quelques images, une petite dizaine, qui m'ont particulièrement marquée, par lesquelles je suis happée au moment où je visite leur exposition, et que je regarde encore et encore bien après mon retour. 
Parmi elles, cette année, il y a cette photographie. Elle a été prise à Accra, capitale du Ghana, ex-Côte d'Or, en 1973 par le photographe James Barnor.
J'adore ce mannequin qu'on pourrait qualifier de "bien en chair" selon les canons de notre époque. Je suis attendrie par son sac un peu élimé, ses souliers pas vraiment bien lustrés, ayant l'air d'avoir tracé dans la poussière. J'aime le minibus un peu cabossé qui est stationné en arrière-plan, iindices d'une Afrique confiante dans sa jeune indépendance, persuadée d'être en marche vers le progrès. (Précisons que toutes les photos de cette rétrospective sont des portraits, qui montrent des personnes bien dans leur peau, alliant la santé avec la décontraction.)
Même sans connaissance particulière de la situation politique et sociale du Ghana en ce début des années 1970, cette image frappe par ce qu'elle porte d'optimisme. La  fille est magnifique : bien plantée sur ses gambettes, sa robe pratique, avec jupe-culotte, l'autorisant à jouer les élégantes, à se montrer séduisante, mais lui permettant aussi d'être libre de ses mouvements, de courir rapidement rejoindre les gens et les choses qui l'appellent. Une image de femme forte, prête à vivre sa vie. Derrière elle, le Combi VW de couleur verte dont elle est apparemment descendue (ou dans lequel elle pourrait s'embarquer). La rue est mal asphaltée, signe que le pays et le mode de vie ne sont pas riches, cependant ils donnent l'impression de rouler vers le progrès. Pas de chichis, pas de tralalas, mais une existence, une terre avec de multiples perspectives devant soi. 
La fille, le pays semblent symboliser l'Afrique de l'Ouest de ces années-là.
Le cliché a été pris il y a cinquante ans. Peut-être que cette photographie séduit parce qu'elle parle d'une époque où l'on pouvait avoir foi en l'avenir. Face à l'affirmation et à l'assurance de cette femme sur le papier glacé on s'interroge : si aujourd'hui le modèle avait une petite-fille, à quoi ressemblerait-elle ? quel portrait ferait-on d'elle ?

lundi 5 septembre 2022

dimanche 4 septembre 2022

Regarder : suis ton coeur qui insiste

 

 Granet aurait pu faire sienne cette sensation de Plossu :" La beauté de certains paysages rend humble, calmement heureux". 
(Introduction à Italia discreta)

 

Parfois, ce besoin de retour : rejoindre certaines images, comme on retrouve certaines personnes. Arriver dans les salles en enfilade le souffle court, comme à un rendez-vous galant, éprouver l'impulsion d'une première fois. Parcourir avec des yeux luisants les portraits de lieux où l'on a été heureux. A l'évocation de ces musiques et de ces atmosphères, sentir tambouriner son cœur et rester de longues minutes là, immobile, à contempler, à se rappeler.
 
 
Pourquoi, visitant certaines expositions, ressent-on une déferlante irrépressible au fond de soi ? Pourquoi s'attendrir devant ce qui pourrait relever d'une apparente banalité ? Jeter furtivement un regard à la jeune femme à l'entrée qui paraît veiller autant sur les œuvres que sur les visiteurs : que pourrait-elle comprendre si soudainement une inconnue se mettait à sangloter devant un titre, un lavis, une esquisse? Sourirait-elle ? Tendrait-elle un mouchoir ? Chuchoterait-elle que d'autres personnes, auparavant, avaient été elles aussi prises d'une intense émotion en découvrant ces œuvres exposées ?
 

Ravaler son émoi. Éprouver une douce tristesse. Se dire qu'un jour on comprendrait les mouvements de ce cœur emballé. Se donner le droit de ne pas encore savoir ce qu'il cherche à divulguer. Bercer ses sentiments comme on prend soin d'un jeune enfant. Regagner rassérénée la place inondée de soleil, l'infatigable été et les ramages dansants.


Images : Spilimbergo, 2008, tirage procédé Fresson // Lucca, 2009 // Padoue, 2009 // Bernard Plossu
Intérieur d'une cour à Tivoli // Vue des fabriques près de la Madonna del Ponte à Tivoli // François-Marius Granet

samedi 3 septembre 2022

Vivre : intimité

 

Habitez votre âme de temps en temps.
Faites-en une amie.
 
 Soirs d'orage : entre attente et turbulences, aimer ce temps qui n'appartient qu'à soi.

vendredi 2 septembre 2022

Vivre : hâte-toi lentement

 
 

 
Le matin, sur la place, des battement d'ailes fendaient le silence, une brise charriait des senteurs de mer. La nostalgie de la Méditerranée toquait à nos fenêtres, on aurait cru entendre clapoter les vagues d'anciens étés. Les deux arbres présents frémissaient à chaque passage, se dodelinaient sous les premiers rayons. Mes sandales voltigeaient sur les pavés brillants. 
Dans la rue transversale, deux ou trois silhouettes mal réveillées se hâtaient vers leurs tâches mal aimées et mal rétribuées. Je me dirigeais lentement vers les figues violettes qui charmeraient notre petit-déjeuner. Le vendeur concentré, très occupé avec l'Uber, s'agitait à réceptionner, réceptionner encore et renvoyer. 
Devant la boulangerie, de larges sacs déversaient quelques grands pains galvaudés, qui pleuraient sur le trottoir leur vie de pain gâché. La gérante semblait avoir avalé une pile détraquée, brusquait dès potron-minet ses deux employés. Elle avait le don de parler haché, d'impulser l'urgence là où dans le fond il n'y avait rien à presser. Une dame lui disait : ça ne fait rien j'attendrai je repasserai. Mais la gérante n'écoutait pas. Elle voulait tout régler, tout de suite, absolument. Elle disait à la dame : je vois bien que  vous êtes stressée. La dame souriait, gênée, me lançait des s.o.s bien éduqués. 
On aurait aimé pouvoir prendre la gérante par la main, tout doucement, juste pour quelques instants, et la conduire sur la place, la conduire à la fontaine où les pigeons et les moineaux s'ablutionnaient gentiment. L'eau y dégoulinait, disponible, indifférente aux rythmes effrénés. Elle chantonnait, elle donnait à la ville des allures de lavoir, elle parlait de la vie qui va, si précieuse, si fragile et qu'il ne faudrait pas gaspiller. On aurait aimé ralentir le temps, montrer à la gérante. Mais la gérante était déjà dans l'arrière-boutique, occupée à toupiller, incapable de s'arrêter.
 

jeudi 1 septembre 2022

Vivre : les réseaux insignifiants

 
Carver's Corner / 2000 / Alex Katz / Albertina / Vienne
 
ne te fie jamais aux signes extérieurs de bonheur