Horta de Sant Joan / 1898-99 / Museu Picasso / Barcelona
Greco, Velazquez, INSPirARme, écrivait le tout jeune peintre sur ses esquisses alors qu'il n'était âgé que de 17 ans. Le Kunstmuseum de Bâle présente une mise en regard d'un certain nombre de peintures du Greco et de Picasso, ce qui permet de fascinants face-à-face.
Portrait de vieil homme, MET, New York
Autoportrait, 1901, musée Picasso, Paris
Pour moi, il n'y a pas de passé ni d'avenir en art. Si une œuvre d'art ne peut vivre toujours dans le présent, il est inutile de s'y attarder. L'art des Grecs, des Égyptiens et des grands peintres qui ont vécu à d'autres époques n'est pas un art du passé ; peut-être est-il plus vivant aujourd'hui qu'il ne l'a jamais été. Pablo Picasso, conversation avec Marius de Zayas, in : The Arts, New York, mai 1923.
Pablo Picasso s'est toujours dit très influencé par les maîtres anciens. Il les a beaucoup admirés, copiés. Il s'en est inspiré. Toutefois, il est difficile de comprendre à quel point et par quels biais s'est réalisé cet héritage : thématiques, formes, postures, ou autres. Chaque spectateur est libre d'observer et de relever des liens, au fil d'une démarche plus ou moins subjective.
Au musée de Bâle, certaines salles présentaient des filiations qui pouvaient paraître évidentes :
L'Adoration du nom de Jésus / National Gallery / Londres
Évocation (Enterrement de Casagemas) / Musée d'Art Moderne / Paris
Portrait d'un Homme / Musées d'Amiens
Buste d'un homme / Fondation Almine et Bernard Ruiz-Picasso pour l'Art / Madrid
D'autres rapprochements parvenaient plus difficilement à convaincre, à moins que l'on ne décide de voir dans toute jeune famille une Sainte famille ? :
La Sainte Famille avec Sainte Anne et St Jean-Baptiste enfant / Musée du Prado / Madrid
Homme femme et enfant / Kunstmuseum / Basel
Une chose est certaine : aucun artiste ne part depuis un point zéro de l'art (sauf peut-être ceux qui appartiennent aux courants de l'Art naïf ou de l'Art brut). L'artiste se forme. Il regarde. Il s'inspire. Il copie (copier devient un acte d'appropriation, qui permet d'entrer sinon dans la peau, du moins dans le pinceau et la démarche du prédécesseur). Et puis, s'il a du talent, de la personnalité, il tend vers son propre langage, c'est-à-dire qu'il métabolise l'ensemble des influences reçues et s'en libère en développant sa manière particulière.
(Ce processus, du reste, concerne tout domaine de production humaine, et dépasse largement les frontières de la création artistique)
Parcourant les diverses salles, l'exposition m'a surtout permis d'approcher certaines toiles du Greco, un peintre que je connais mal et qui, répondant aux canons de la Contre-Réforme, m'a toujours paru terriblement austère, avec sa palette devenant au fil des années toujours plus restreinte et sombre, avec ses sujets religieux de plus en plus allongés, dématérialisés, et ses visages de nobles terriblement sévères.
Si ses portraits d'hommes de cour sont peints avec un grand réalisme et une grande sobriété, ses tableaux religieux surprennent par leur imprécision, leur prise de liberté avec une stricte figuration, comme si par la distance avec les proportions et la réalité, il voulait marquer les différences entre le monde terrestre et le monde spirituel. Ainsi, la main de ce Saint Hildefons pouvait sembler carrément désarticulée :
Finalement, le personnage qui m'aura le plus marquée est ce "gentilhomme âgé" sur le visage duquel j'ai perçu un éclair d'ironie, comme s'il se livrait à un jeu en posant pour le peintre et s'il voulait l'inviter à un peu de distance et de facétie.
Gentilhomme âgé / Musée du Prado / Madrid