mercredi 23 février 2022

Vivre : toute honte rendue

 
Compianto sul Cristo morto (dett.) / Giovanni Bellini / Accademia / Venezia
 
A qui donc appartient la honte ?
La honte. Cette émotion (si tant est qu'on puisse l'appeler émotion, et non pas plutôt sentiment, ou ressenti) utile quand elle fait prendre conscience que nous avons outrepassé le cadre de nos valeurs, les ayant en quelque sorte malmenées ou négligées, mais aussi inutile au point d'en être néfaste, quand elle incite à prendre sur soi des responsabilités et des fautes qui ne nous appartiennent pas. La honte de son milieu, de ses origines, la honte comme produit des avanies et des torts subis. 
La honte, donc. Cette émotion (ou sentiment ou ressenti) , à manier avec précaution, à rejeter sans hésitation, à renvoyer à qui de droit sitôt qu'on ne la reconnaît pas comme venue de  soi. 
Quant aux moralisateurs, à ceux qui s'arrogent le droit de faire honte, qu'ils emportent vite fait leurs leçons lesquelles ne nous reviennent en aucune façon.

4 commentaires:

  1. Boris Cyrulnik avait posé la question il y a longtemps. Comment ne pas s’enfermer dans la honte, agresseur intime, et, se murer dans dans les réactions émotionnelles engendrées. Comment retrouver liberté et fierté, dignité sans pourtant friser l’indifférence à l’autre en ceci que nous sommes tous interdépendants. Cela mérite bien des discussions.
    Je vais m’empresser de relire "la honte" d’Annie Ernaux.
    Belle soirée.

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    1. Vous parlez de deux auteurs qui me sont chers, Ghislaine. B.C., je dois dire que je me suis peu donné la peine de le lire parce que... j'apprécie énormément de l'entendre. Il a une voix qui... me parle énormément, comme s'il avait pris le temps de métaboliser tous ses savoirs et de connaître vraiment de quoi il parle. IL ne parle que de ce qu'il connaît de l'intérieur.
      Quant à A.E., c'est une des écrivaines que je préfère, sans doute parce qu'elle est parvenue à définir en texte littéraire des réalités sociales et sociologiques qu'on peinait à décrire avant elle. Parce qu'elle a fait de ces réalités des œuvres littéraires, elle touche au cœur et à la mémoire. "Mémoire de fille" est sans doute mon préféré. Dieu sait s'il fallait avoir dépassé sa honte pour pouvoir l'écrire. Vous parlez de liberté et il me semble justement que l'enfermement est le principal effet de la honte. La dissiper, c'est se libérer. Oui, oui : cela mériterait bien des discussions. Merci pour ce commentaire et très belle soirée.

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  2. « Tu me fais honte ! » disait ma mère à propos de tout et n'importe quoi.
    Il me semble que c'était assez honteux d'être à ce point narcissique…

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    1. IL y aurait beaucoup à dire en ce qui concerne le rôle des parents dans nos sentiments de honte. Depuis celle qu'ils peuvent tenter de nous infliger, jusqu'à celle qu'ils nous transmettent après l'avoir eux-mêmes subie. "tu me fais honte" est une phrase insensée, quand on y pense. Insensée que tout simplement privée de toute réalité. Un enfant n'a aucun pouvoir de générer de la honte. Le parent se l'inflige à lui-même pour des raisons qui lui sont propres (ses hontes héritées, ses malaises profonds, ses besoins de réparation, etc etc). Mais tout cela, l'enfant ne le sait pas encore. Il mettra des années à le comprendre. Et le temps qu'il le comprenne, il devra porter d'une manière ou d'une autre cette honte qui n'appartient qu'à sa mère.
      Cela dit, l'essentiel est de refuser ce genre d'héritage. Un legs inutile et malheureux et encombrant. Ghislaine a bien raison : cela mériterait bien des discussions.
      Belle, très belle soirée à toi!

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