Centre Klee / Berne
La
fondation Beyeler à Bâle est probablement un des musées les plus apaisants que
je connaisse. Une harmonie de formes et d’espaces, ouverte sur le paysage verdoyant.
Un bâtiment au service de l’art qui parle au visiteur et lui dit : viens, entre, respire, regarde, admire, sens-toi
libre (oui, sans être complètement givrée, il m’arrive d’entendre des
espaces parler).
Le Centre Klee... le Centre Klee, c’est autre chose : ces
trois courbes en bordure d’autoroute vous bousculent et vous amusent. On y sent
moins le désir de mettre des œuvres en évidence que de jouer avec le territoire
environnant. Comme pari, c’est réussi, c’est spectaculaire. Mais je n’ai jamais
vraiment pu admirer Klee là-dedans.
On
doit à Renzo Piano des réalisations qui ne laissent jamais indifférent.
Tellement variées, qu’on imagine ce bâtisseur mettre à chaque fois ses
compétences au service du projet, sans vouloir à tout prix imposer sa marque de
fabrique (ce qui n’est hélas pas le cas de certains architectes stars).
Depuis le Centre Pompidou, jusqu’à ses constructions de Londres, Nouméa ou
Berlin, ce lauréat du Pritzker Prize 1998 ne cesse de proposer des
bâtiments captivants.
Son
palais de Justice pour Paris sera achevé l’an prochain. Laure Adler l’a invité à
parler de son métier, exercé depuis près de 60 ans. Sa conception : derrière
tout projet, il y a des gens, des contextes, des vies. Il dit : « Un architecte s’occupe de la vie des autres ».
Il privilégie la conception d’espaces publics, ces lieux qui « fécondent la ville, où les gens font des
choses ensemble, partagent des valeurs.»
LA : L’architecte, est-ce un artiste ou un artisan ? Là, maintenant, en 2017 ?
RP : C’est les deux. Bien sûr qu’on est artiste, il faut bien : les choix ne sont pas seulement rationnels. Mais il faut quand même être des bâtisseurs, des constructeurs. Il faut savoir construire et il faut aussi savoir comprendre les gens. On est des humanistes aussi. […] A neuf heures, il faut être bâtisseur. A dix heures, il faut être artiste. A onze heures, il faut être humaniste et à midi, il faut, si on peut, être à nouveau un peu poète. Mais surtout, il faut savoir construire. Il faut connaître le plaisir de bâtir.
LA : ça veut dire quoi : construire ?
RP : Construire, ça veut dire : savoir se battre contre la force la gravité, qui est une loi de la nature spécialement têtue. Il faut savoir mettre les choses de façon telle qu’elles tiennent même dans des zones sismiques. Il faut savoir reconnaître la force de la nécessité par endroits. Les besoins, les urgences. Il faut être bâtisseur dans son cœur.
Il ajoute : Construire, c’est une petite magie. Il y a toujours quelque chose de magique, d’optimiste dans l’art de construire. C’est l’opposé de démolir. .[…]
Il y a derrière ça une éthique du métier. Il y a une poésie du métier. Il y a des désirs. Il y a aussi la partie invisible de l’iceberg. La partie qu’on voit, c’est le bâtiment fini. Mais il y a une partie cachée, neuf fois plus grande. Il y a derrière ça tellement de choses. Il faut une habitude à écouter les gens. Elle est, parmi les tâches de l’architecte, la plus difficile. Ça ne veut pas dire obéir. Ça ne veut pas dire qu’on écoute et qu’après on fait ce que les gens demandent. Savoir écouter, c’est particulièrement difficile. Les gens qui ont le plus à dire, ils ont une voix faible. Quelques fois, ils ne parlent même pas. Et ça, c’est peut-être la chose la plus délicate à apprendre.Nous, tandis que l'interview se poursuit, on se dit qu'on pourrait l'écouter pendant des heures, cet humaniste qui ne cesse de tendre vers la perfection.
L'Heure bleue / 31.08.2017
Quelle belle phrase: "les gens qui ont le plus à dire, ils ont une voix faible". Ce que je viens de lire de Monsieur Piano est beau, humain, profondément humain. Architecte, artisan, artiste, il parle d'"éthique". Combien de métiers du social aujourd'hui perdent cette dimension humaine alors que justement l'homme doit être au centre de la prise en charge. Ces professionnels-là et ceux qui les forment devraient écouter ce que cet architecte dit de l'habitat.
RépondreSupprimerCela me fait penser aussi à le Corbusier. Et à sa fameuse Cité radieuse, avec des cuisines ouvertes sur le salon. C'était dans les années 50... Il a été pris pour un fou, on parlait de la "maison du fada". Aujourd'hui, on n'aime pas les cuisines qui sont fermées, elles doivent plutôt permettre un lien entre celui ou celle qui prépare le repas et ceux qui attendent.
Comme quoi, il faut des fadas pour faire avancer le monde, dans n'importe quelle discipline.
Merci pour ce beau partage en ce lundi un peu gris. Bises et bel après-midi.
Oui, un jour ou l'autre, le temps vous donnera raison... A propos de maisons, ma chère Dédé, as-tu trouvé ton bonheur ? Approches-tu de ton but? Es-tu dans l'attente d'une réponse ? Je me souviens quand je cherchais désespérément l'appartement de mes rêves, et surtout une fois que je l'avais visité, l'inscription dans les gérances, mon anxiété, l'attente d'une réponse favorable... Te souhaite de trouver tout bientôt et une très très belle soirée... D.
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