vendredi 10 février 2023

Vivre : les moments tagada

 
Portrait de jeune fille avec un "Petrachino" (détail) / Andrea Del Sarto / Galleria degli Uffizi / Florence
 
Entre chien et loup, mais plutôt à l'heure du chien, quand les moteurs ronronnent de soulagement en remontant le chemin, que les gens regagnent enfin leur maison tiédie par de flamboyants rayons, quand les plaques s'allument et que les smartphones se mettent en veille, j'ai balayé d'un revers de main les formulaires fastidieux qui m'attendaient depuis trop de temps, qui patientaient depuis des heures et des heures et peut-être une semaine, et après tout quelle importance, quelques heures de plus ou de moins ? ramenant à moi les pages que je désirais une nouvelle fois relire, pour rien, juste pour moi, juste pour le plaisir. 
Le chien ronflait. Le soleil rosissait. Les coussins se doraient comme de gros félins. Le lac s'évanouissait dans un invraisemblable décor hollywoodien. D'un coup, plongée dans mon bouquin, délivrée de toute obligation, je n'avais qu'une seule option : expérimenter le ravissement enfantin des mots dégustés comme des bonbons. 
 
(A propos de l'image : Le livre que tient la jeune fille - probablement Maria, belle-fille d'Andrea del Sarto - est le chansonnier de Pétrarque ouvert sur deux sonnets consacrés à l'amour et à la beauté féminine qui inspire des sentiments vertueux. Rime, CXX : Te, caldi sospiri, al freddo core // Rompete il ghiaccio che pietà contende // E, se prego mortale al ciel s’intende // Morte, o mercè sia fine al mio dolore.//Ite, dolci pensier, parlando fore / Di quello ove ’l bel guardo non s’estende /Se pur sua asprezza, o mia stella n’offende // Sarem fuor di speranza, e fuor d’errore.// Dir se può ben per voi, non forse appieno // Che ’l nostro stato è inquieto, e fosco //  Siccome ’l suo pacifico, e sereno.// Gite securi omai; ch’Amor ven vosco // E ria fortuna può ben venir meno // S’ai segni del mio Sol l’aere conosco.
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire