vendredi 31 janvier 2025

Vivre : angélismes

 
Ercole al bivio (dett.) / Annibale Carracci / Museo Caopdimonte / Napoli
 
A propos d'une connaissance qui vient de rompre une relation "toxique", le mec étant un "pervers", elle (qui n'a jamais sa langue dans sa poche) commente : "La nouvelle tendance, quand on a un problème relationnel avec quelqu'un, c'est de traiter cette personne de "toxique". "Toxique" est le terme passe-partout qui sert à s'attribuer le bon rôle, sans jamais se remettre en question. Plus besoin de chercher à comprendre l'autre, ni de clarifier notre rôle dans ce qui a mal tourné. "Toxique" est devenu le mantra pour tout régler sans trop se fatiguer." 


jeudi 30 janvier 2025

Vivre : surprendre l'arc en ciel

 


 Simplifier, simplifier, gommer, dégager,
face aux enfumages qui vont croissant, 
rendre à la vie sa limpidité 
lui restituer son enchantement

mercredi 29 janvier 2025

Vivre : les belles personnes

 

Io credo nelle persone, però non credo nella maggioranza delle persone. Anche in una società più decente di questa, mi sa che mi troverò a mio agio e d'accordo sempre con una minoranza.

J'adore ce passage de Caro Diario, dans lequel Nanni Moretti arrêté à un feu s'adresse à un automobiliste totalement indifférent pour lui adresser ces mots : je crois dans les personnes, mais je ne crois pas dans la majorité des personnes. Même dans une société plus décente que celle-ci je sens que je me trouverai toujours à mon aise et d'accord avec une minorité de gens.
Le monde apparaît comme de plus en plus hallucinant. "hallucinant" est du reste un adjectif que je commence à employer beaucoup trop souvent. Le fonctionnement des sociétés, la négligence des plus élémentaires solidarités, les nouvelles de l'international ont de quoi inquiéter tandis qu'on cherche constamment une voie cohérente pour avancer. Et pourtant, les personnes rencontrées, tant et tant de gens croisés, leurs élégances leurs beautés, ne cessent de me fasciner et de m'émouvoir. Cherchez, mais cherchez donc l'erreur.

mardi 28 janvier 2025

Vivre : pas un jour sans illumination

 

Ces journées longues longues de pluie sans interruption, ces journées grises tellement grises qu'on n'en voit ni le début ni la fin. Les vivre, ces journées longues et grises. Ne pas craindre de se coller à leur grisaille vide, une suite de barbouillages peinturlurés par de maladroites mains. Accepter et le vide et la grisaille et la traversée qui paraît sans fin. Tout au bout de la grisaille : le bleu qui éclatera demain.



lundi 27 janvier 2025

Vivre : au coeur de la joie

 
Pala di San Giobbe / Giovanni Bellini / Accademia / Venezia

 
Au moment de déboucher sur la Douane de Mer, le vaporetto quitte l'arrêt San Marco et dévie brièvement de sa trajectoire en semblant prendre le large. On peut être saisi d'une crainte : pourquoi se dirige-t-il vers l'île de San Giorgio Maggiore ? va-t-on changer d'itinéraire ? En fait, il se contente de contourner la principale station de gondoles et rejoint vite la Riva degli Schiavoni en donnant à ses passagers l'opportunité d'admirer la Piazza avec un certain recul. Ce soir-là le vent du Nord soufflait particulièrement fort. Tout le monde s'était mis à l'abri dans la cabine toute embuée. D'abord pour se protéger du froid et surtout parce que les locaux se soucient rarement d'admirer la place Saint-Marc. 
Il y avait donc sur la plateforme un seul homme. D'une soixantaine d'années. Selon toute apparence, il n'était pas accompagné. Sa mise était des plus modestes : solides chaussures, sac à dos, blouson en polaire. Pas de signe distinctif apparent. Sauf que... secoué par les rafales d'une Bora impudente, l'homme riait. Il semblait saisi d'un bonheur irrépressible. Ses cheveux se coursaient de part et d'autre de son crâne. Il était douché de iode et de froidure et cela lui était indifférent. Il bravait les éléments. Tout en lui disait la joie sauvage d'être au monde. D'être là, présent. Il fallait être fou pour adopter ce genre de comportement. Fou, ou alors incroyablement bien portant... En échangeant avec lui un regard amical, je décidai qu'il s'agissait d'un marin écossais récemment débarqué et qui retrouvait à Venise les conditions atmosphériques propres à son métier.

Samedi midi, à Berne, sous l'immense abribus en verre qui fait face à la gare, une foule de gens s'étaient rassemblés autour de deux hommes qui jouaient divinement du violoncelle et du cymbalum. Ils enchaînaient des airs jazzy, plusieurs morceaux de Nina Simone, et aimantaient les passants. Nous nous sommes arrêtés nous aussi, envoûtés par la beauté de ces sons entraînants. Un grand père s'est mis à danser avec un tout petit bébé. Des enfants se pressaient, les yeux écarquillés. La jubilation des deux tsiganes s'est mise à tourbillonner et à galvaniser les gens. Un  jeune touriste admiratif a déposé un billet de dix euros dans l'étui d'un instrument. Les musiciens jouaient, jouaient, ne songeaient  pas à remercier, ni d'un geste, ni d'un mot. Ils étaient tout à leur affaire. J'ai fait mes fonds de poches. Puis j'ai tendu les pièces à R. car au moment de m'avancer, de déposer la monnaie j'éprouve toujours la même fichue timidité. Une timidité de petite fille que je partage avec les bambins quand les parents doivent les encourager à s'approcher. Parce que des musiciens qui insufflent une telle joie de vivre, qui sont au centre de l'attention, ça peut se révéler terriblement intimidant.

dimanche 26 janvier 2025

Vivre : coucou!

 
Horloge / Place Saint-Marc
 
 
Je me souviens d'une visite guidée de la cathédrale de Cologne organisée par la section d'histoire de l'art. Nous avions rendez-vous à 14 heures devant le porche. A 13h59, le guide s'est adressé au groupe : "Est-ce qu'on peut y aller ? Tout le monde est là ou il y a encore quelqu'un en retard ?" 
L'écrivain voyageur Paolo Rumiz expliquait dans son livre L'italia in seconda classe, consacré au délitement des chemins de fer italiens en province, qu'en Suisse, quand un train a cinq minutes de retard, une voix informe les voyageurs en leur indiquant la cause du problème.
C'est probablement une question culturelle. Les Nordiques tendent à être plus rigoureux sur la gestion du temps, tandis qu'on parlerait ailleurs de "ponctualité maladive". Quand, dans un pays du Sud, on s'exclame sur mon arrivée précise à un rendez-vous, je réponds que je suis simplement... un coucou suisse. A vrai dire je suis incapable d'arriver à l'heure. Je suis systématiquement en avance. Parfois, je me force - mais je dois vraiment me forcer - à arriver à l'heure exacte, je ralentis je ralentis et je finis par me rendre compte qu'il reste encore deux minutes avant le moment fixé. Je dispose alors de minutes plus ou moins longues, des espaces vides que j'aime remplir avec des rêveries ou une attention soutenue à ce qui se passe autour de moi. Plus qu'une question de politesse, l'exactitude m'offre un supplément de temps, c'est un cadeau que je m'octroie.

samedi 25 janvier 2025

Vivre : casser ce qu'on n'a pas

 
Femme au miroir / Pablo Picasso / Musée Granet XX / Aix-en-Pce
 
La femme a balayé d'une pique mes remarques élogieuses sur une de ses anciennes collègues. Comment pouvait-elle être si sûre que c'était une "mère négligente"? Ce qui était certain, c'est que la femme ne travaillait plus depuis pas mal de temps, ne pourrait jamais plus travailler, ne recevrait donc jamais de compliments sincères sur son métier. 
 

vendredi 24 janvier 2025

Vivre : duplicata

 
Parabola di Lazzaro e il ricco Epulone (détail) / Bonifacio Veronese / Accademia / Venezia

 
On avait appris il y a quelque temps que ce couple avait divorcé. En découvrant la nouvelle compagne du mari on se trouve tout étonnée : même coupe blonde, même passion pour les chevaux, même élégance et même silhouette déliée, même profession de soignante expérimentée. Il ne manque à la deuxième version qu'une... dizaine d'années.

jeudi 23 janvier 2025

Vivre : accusé de non-réception

 
Sposalizio di Santa Caterina / Lorenzo Veneziano / Accademia / Venezia
 
Parfois, il y a ces mots qu'on ne digère pas, qui résonnent longtemps en soi. On se demande comment une personne a pu dire ça. On lui en veut. Un peu. Jusqu'au jour où on réalise que c'est nous qui les avons acceptés, ces mots. Quand des mots ne nous conviennent pas, on n'a pas à en faire toute une histoire. On les laisse, on les refuse comme on refuserait un plat. Merci, non, sans façon. Reprenez vos mots. Ils ne sont pas pour moi.

mercredi 22 janvier 2025

Vivre : question de priorités

 
Présentation de Marie au temple (détail) / Tiziano Vecellio / Gallerie Accademia / Venezia

Devant l'immense toile du Titien, je me suis demandé : faut-il mettre tous ses œufs dans le même panier ? Faut-il tout unifier pour se simplifier la vie, pour se donner les moyens de réussir, au risque de tout casser. tout perdre d'un coup, ou alors de s'ennuyer ?
N'en suis pas du tout persuadée. Ai toujours préféré mener de front plusieurs activités, rencontrer des gens parlant des langages différents, évoluer dans des milieux sans points communs, avoir des intérêts diversifiés. Plusieurs paniers, donc, contenant plusieurs types d'œufs, provenant de plusieurs races de poules et, par-dessus tout, écartant parmi les gallinacés celles et ceux qui aiment trop caqueter.

mardi 21 janvier 2025

Vivre : Still life / 161

 


A peine arrivés - tout juste avant que l'heure bleue ne fonde sur la lagune, tout juste à temps pour voir le soleil sertir d'or et de bronze la Douane de Mer - nos bagages déposés, notre sentiment d'irréalité peu à peu apprivoisé, j'ai appelé Gastone. Oui. Il était là. Il travaillerait jusqu'à 19 heures. Alors il a fallu nous dépêcher. Partir rejoindre la ligne numéro 1, descendre à l'arrêt San Tomà et foncer en zigzaguant, en veillant à ne pas déstabiliser malencontreusement avec notre sac les vieilles dames tremblotantes et leurs chiens mantelés. Ce faisant, je me suis demandé quelle folie me faisait débarquer dans cette ville merveilleuse avec comme objectif premier d'apporter deux paires de bottines chez leur cordonnier. 
C'est que Gastone, ce n'est pas n'importe qui. C'est un maître en la matière, arrivé du Kosovo il y a de nombreuses années, il a fini par officier près de la Scuola Grande di San Rocco dans une boutique minuscule, au fond d'une ruelle où personne n'aurait idée de s'infiltrer, pour réparer les chaussures des habitants et quelquefois dépanner quelques visiteurs aux souliers malmenés. 
Chez lui, c'est tout petit et les tas de paires envahissent la moitié de l'espace. On y tient à peine à deux. De l'intérieur on peut apercevoir quelqu'un - une silhouette sombre - glisser furtivement d'un air entendu un sac froissé entre le mur et la gouttière. En repartant, on cède la place à une petite vieille toute menue serrant contre elle ses vieux escarpins en détresse avec une tendresse à peine contenue.
Plus le temps passe et plus j'aime garder longtemps ce que j'ai correctement payé et bien soigné. Gastone fait partie de ces artisans qui ne sont pas de colleurs de semelles mais qui aiment faire leur travail selon les règles de l'art. Ici, dans les environs, il n'y a que des cordonniers de supermarché, qui vendent des porte-clefs, des lunettes de soleil, des articles bariolés. Ils pratiquent des prix exorbitants, moyennant quoi ils se sentent légitimés à vous dire que non, c'est pas la peine, vous trouvez du neuf pour quasiment le même prix, ne vous fatiguez pas. Comprendre : ne me fatiguez pas. A se demander où ils ont appris leur métier. Chez Gastone, à part sa vieille machine, on ne trouve que des chaussures empilées, celles qui lancent des SOS et celles qui sont déjà remises sur pied.
Voilà pourquoi à peine arrivée j'aime aller là-bas. Une fois mes chers godillots remis à leur clinique, avec promesse de pouvoir les récupérer à la fin de mon séjour, la grande marcheuse que je suis respire et peut partir sillonner les calli et les fondamenta avec une toute vieille paire cent fois réparée.


lundi 20 janvier 2025

Voyager : souviens-toi de te souvenir

 
Fronton / Ex ospizio Briati / Murano

Les répétitions, toutes ces choses qui sont les mêmes mais autrement. Il y a ceux que les répétitions ennuient parce qu'ils y voient la même chose, inlassablement. Il y a ceux que les répétitions attirent parce qu'ils se tournent résolument vers l'autrement. Et ceux que les répétitions intriguent parce qu'elles marquent tout à la fois la continuité et le changement.
 
Leone del Pireo / Arsenale
 
De ce séjour inondé de lumière me resteront des images d'une grande sérénité. Des pas lents, les yeux écarquillés, des retrouvailles avec d'anciennes flâneries excentrées, le silence de la ville délaissée par les assauts envahissants, l'émergence bienvenue des derniers de ses mohicans.
 


Mes boots battant les pavés. je retrouvais la Venise de mes jeunes années, inconnue des étrangers durant les mois d'hiver, impossible alors de dénicher un restaurant ouvert en dehors de la Piazza et de ses environs immédiats. Cette année - va comprendre pourquoi - les visiteurs étaient rares, et respectueux, et tendaient à s'éclipser à nuit tombée. J'avais cru, étant donné l'augmentation exponentielle du tourisme mondial, avoir perdu définitivement cette ville-là. Et voici qu'elle me revenait, accompagnée de mille sensations éparpillées. 
 

J'ai aimé les attaques de la Bora courroucée, pourvoyeuse de soleil vif et de rhumes carabinés. Le fouillis organisé dans les corbeilles de la Beppa où l'on dénicha miraculeusement deux paires de ciabatte de la bonne pointure et au prix inchangé. Le plaisir de nous faufiler chez Rosa Salva parmi les employées heureuses de s'arrêter en début de journée pour boire leur nectar et papoter (attention : pas le Rosa Salva du San Marco, récent et complètement dénaturé, non, celui du campo SS. Giovanni e Paolo, dont le tout petit bar qui ne désemplit jamais).
 
Détail Pala di San Zaccaria

 Sestier San Marco
 
 Campo Bandiera e Moro

J'avais oublié combien il est bon de grelotter à Venise, de demander son chemin aux retraités, aux buralistes et aux carabiniers, de laisser le regard se perdre dans les reflets des flots soyeux et combien les brassées de souvenirs heureux peuvent inviter à se régénérer.
 

 
 

dimanche 19 janvier 2025

Vivre : Still life / 160

 

 
A l'entrée, devant  le guichet, il avait agité cette boule de neige, qui n'a rien d'une boule et n'est pas composée de neige, en me demandant si elle me ferait plaisir. Plus tard, après avoir contemplé les douces folies de Giandomenico Tiepolo, j'ai aperçu le couple, minuscule, au milieu du Grand Canal, comme on retrouve de vieilles connaissances. Ils effectuaient la traversée depuis des siècles et ne semblaient absolument pas pressés d'arriver. A la sortie, je lui ai dit : oui. Oui pour le plaisir de voir les petits flocons tomber et de gondoler à ses côtés.
 
 
Il Canal Grande da Palazzo Balbi a Rialto / Antonio Canal detto il Canaletto / Ca'Rezzonico / VE
 

samedi 18 janvier 2025

lundi 13 janvier 2025

Voyager : et admirez Venise et la vie et la mort et votre cœur intense

 
Inge Morath / Campo dei Mori / 1951 / Venezia
 
 
petits chenapans ou bonne sœur
en noir et blanc ou en couleurs
sombres calli voilées de mystère
présences de lions ou de Maures
par temps clair ou par brouillard
le temps est enfin venu du départ
 
Le titre est tiré d'une des "Lettres à une amie vénitienne", de R.M. Rilke, éd. de l'Herne, 2016

dimanche 12 janvier 2025

Vivre : la bonne occase

 
 
The Walthamstow Tapestry / Grayson Perry / 2009 / Arken Museum / DK
 
Le ciel était chargé de neige. La tôle rouge grenat. La poignée échangée ferme. "Totale confiance" me susurrait quelque chose au fond de mon sternum. J'ai su que c'était elle et que ce serait elle pour pas mal de temps. Elle, pour toutes les itinéraires familiers et pour toutes les destinations à inventer.

samedi 11 janvier 2025

Vivre : ce qui vit dans l'hiver

 
 
 
Parmi toutes les choses qui existent et qu'on ne voit pas : le calme des lieux. Premières semaines de janvier. Certains sont partis sur les hauteurs s'adonner aux joies de la glisse. Les chantiers sont encore en vacances. Les gens ont repoussé leurs réparations, réduit leurs obligations. On ne perçoit nulle urgence. Une paix à couper au couteau envahit les terres. On se croirait au milieu de nulle part. D'imperceptibles flocons s'aventurent sur les truffes et sur les cils. L'harmonie s'impose en ces moments de creux, où le vide devient un trésor, où l'on surprend un oiseau en train de pépier son bonheur. Devant une graine, peut-être. Ou pressentant l'envol invisible d'un congénère.


vendredi 10 janvier 2025

Vivre : en piste!

 
The Love Letter (detail) / J. Vermeer / Rijksmuseum / Amsterdam
 
 
Depuis toujours, la rentrée de janvier est un moment critique : la nuit, la reprise, la pluie et encore la nuit. Sans compter les visages pâles et déprimés de ceux qui réalisent qu'après les Fêtes les contrariétés sont loin d'être terminées. Hier notre voisine K. a su à peine esquisser un sourire devant les deux bouteilles que je lui tendais. "C'est dur, la famille, les fêtes..." Oh! oui : il y a des chances pour que ce soit dur. Raison de plus pour ne pas se laisser emporter. Remiser le passé. Se centrer sur le présent. Faire une place à l'avenir. Envisager diverses options : des projets, des défis, des obligations, que la déprime comprenne qu'on lui fera front. A peine la vision 2025 confiée à son cahier, la January Cure vient de s'annoncer. 
 
Chaque jour ouvrable, pendant trois semaines, un devoir à accomplir pour remettre l'habitat à flot question ordre et limpidité. Ce qui est impressionnant, c'est que même si je la suis depuis plusieurs années et que tout au long des mois suivants je m'astreins à certaines règles d'entretien et de sobriété, je me retrouve  immanquablement devant des espaces à élaguer, des objets à nettoyer ou à donner. 
 
Les exercices ne prennent pas beaucoup de temps. Cette semaine, vingt minutes quotidiennes ont suffi à remplir deux sacs pour la table à échanges de la déchetterie. A force de se dire : "pour le cas où" on finit par comprendre que le dit cas n'arrivera jamais. En revanche, le mixer, ou les six tasses à café superflues, ou la cinquième plaque à tarte continuent de contrarier nos désirs de fluidité. Les meilleurs critères à appliquer : considérer les choses selon leur réelle utilité et le plaisir que l'on éprouve à les manier. 
 
La cuisine a été revisitée. Les gestes semblent plus évidents, l'espace apparaît plus grand (même si ce sont les placards et les tiroirs qui ont été allégés). L'accumulation est une agression contre nos sens, un défi au bon sens. Bien bien bien... maintenant, ne reste plus qu'à se diriger vers les salles de bain et les penderies... une chance que la météo annonce encore quelques jours d'intempéries...

jeudi 9 janvier 2025

Lire : relire, relire et encore relire

 


Vous êtes si jeune, en quelque sorte avant tout commencement, et je voudrais, aussi bien que je le puis, vous prier, cher Monsieur, d'être patient à l'égard de tout ce qui dans votre cœur est encore irrésolu, et de tenter d'aimer les questions elles-mêmes comme des pièces closes et comme des livres écrits dans une langue fort étrangère. Ne cherchez pas pour l'instant des réponses qui ne sauraient vous être données car vous ne seriez pas en mesure de les vivre. Or, il s'agit précisément de tout vivre. Vivez maintenant les questions. Peut-être en viendrez-vous à vivre peu à peu, sans vous en rendre compte, un jour lointain, l'entrée dans la réponse.
Lettre du 16 juillet 1903
 
à toute heure du jour, quelle que soit la saison,
et les forêts traversées, les bourgeons, les buissons,
comment, mais comment pouvoir se passer de Rilke ? 

 

mercredi 8 janvier 2025

Vivre : qui l'a vu?

 

le premier arc-en-ciel de l'année: s'est montré, a disparu, est revenu, 
lutin, mutin, coquin, joueur assoiffé, trois petits tours et s'en est allé

mardi 7 janvier 2025

Vivre : les petits pas

 
La cueillette des pois / Camille Pisarro / Musée Langmatt / Baden
 
Ces derniers jours, il tourmente à l'extérieur et ça travaille à l'intérieur. Après avoir écrit une carte d'adieu à l'année 2024, me voici dans le petit bureau rouge, face à un grand cahier, en train de découper, coller, inventer, dessiner la vision de la nouvelle année
 
Comment dire ? Je ne crois pas beaucoup aux prétendues bonnes résolutions. Je ne crois pas davantage aux virages brusques, et encore moins aux formidables améliorations. Je croirais plutôt aux avancées confiantes, aux recherches éclairantes, aux paroles qui surgissent, aux traits qui s'esquissent et finissent par fournir des réponses pertinentes. Ne pas forcément attendre beaucoup, mais être ouverte à l'inattendu. Je crois aussi au pouvoir des moments entre deux (le passage d'une année à une autre, les journées amorçant la rentrée de septembre), toutes ces transitions où l'on n'est pas encore sous l'emprise des routines ou des obligations. L'instant de vide entre deux respirations. 

Dans tout ce processus qui prendra plusieurs heures, étalées sur quelques jours, l'exercice des "petits pas" est mon préféré : définir divers objectifs, raisonnables ou pas (laisser la vie en juger), quelques empreintes de pieds dessinées d'un bout à l'autre de la page en guise d'étapes visualisées. En quelques mots, quelques symboles, quelques couleurs, définir les résultats visés, les moyens pour s'en approcher.

Souvent, une phrase peut sauver. Une idée illuminer. Une image faire évoluer. Sans tout bazarder. Sans juger, ni gommer. Juste : évoluer. Vers plus de compréhension, plus de simplification, plus d'assurance. Vers des réalisations qui font sens.
 
En revanche, question accomplissement, la section d'une année se révèle arbitraire. En plongeant dans mes vieux cahiers, je remarque que j'ai atteint l'année dernière des objectifs posés il y a trois ou quatre ans. Le truc - si truc il devait y avoir - c'est de se donner le temps, éparpiller ses espérances et laisser les choses peu à peu se faire, observer ce qui vient avec curiosité comme on regarderait une plante germer.

lundi 6 janvier 2025

Vivre : jamais une autre route

 

 
cette voie si évidente - la plus évidente -
pourtant si dure à suivre avec constance :
 rester fidèle à soi-même
 

dimanche 5 janvier 2025

Vivre : le silence est d'or

 
Tête de femme / Léopold Robert / MAN / Neuchâtel
 
"Je me tue à te le dire!". Sur le parking, portière ouverte, la femme s'époumonait.
Quel dommage! Devant ce suicide annoncé, on avait envie de lui proposer de...
simplement la fermer.
 
 
 

samedi 4 janvier 2025

Vivre : une certaine idée du bonheur

 
Narcisse regardant son reflet / Paul Dubois / Glyptotek / Copenhague
 
On a toujours le choix.
Le malheur est toujours optionnel. 
Il y a ceux que ça dérange.
Cette liberté ne les arrange pas.
Mais... même si ça les contrarie :
on a toujours le choix.

vendredi 3 janvier 2025

Vivre : le voeu de la vendeuse blanche

 
 Portrait de la soeur de l'artiste / W. Hammershoï / SMK / Copenhague
 
Elle paraît de prime abord un peu étrange. Elle est très pâle et peu souriante. Vraiment pas engageante. On s'adresse à elle et c'est comme si ce qu'on lui dit mettait un temps infini à lui parvenir. On a l'impression qu'on la dérange. Ses mots sont des monosyllabes qui se font attendre. Ce n'est que vers la fin, quand elle plie avec soin notre chemise, qu'elle se tourne vers notre chien et dit que le sien lui ressemble... sauf que son chien a un flanc blessé. Il a été gravement brûlé. Une conversation s'engage. Elle a le regard vague, tâtonnant mais elle répond à nos questions. Son chien se trouve... au Mozambique. Un pays où elle est née et qu'elle a quitté enfant. Elle ne peut plus y retourner. Sa dernière visite date d'il y a huit ans.
Depuis... il y a eu la guerre - à vrai dire : des guerres interminables - les troupes Wagner, des désordres politiques et des ouragans. Dernièrement : le cyclone Chido et ses vents violents. Elle parle de leur grande maison au bord de la plage comme si elle l'avait quittée hier. Elle dit nous, mais quand elle mentionne son père, c'est toujours à l'imparfait. Elle reparle du chaos là-bas, les paysans, le puits d'eau potable détruit par l'ouragan, la misère, la guerre civile, les djihadistes, les intérêts énergétiques. Et à nouveau, son père, conjugué au passé, un Suédois parti en Afrique pour aider les gens à irriguer. 
On comprend alors sa peau blanche, ses yeux hagards, perdus entre deux univers, et son comportement devient soudain tellement évident, reflet de ce monde laissé là-bas et pourtant si présent. Comment vivre entre ici et là-bas, sans tangages ? Avant de s'en aller, on lui demande ce qu'on peut lui souhaiter pour cette année qui commence : la paix. Elle répète la paix. On la rejoint dans ce souhait (mon dieu, qu'est-ce qu'on donnerait pour que le monde s'arrange, au moins un peu, au moins pour l'eau, la nourriture et un toit). On gagne la sortie et on ne voudrait pas la laisser là. On se retourne, mais son regard est déjà reparti ailleurs. Dans un lointain univers que les gens d'ici ne comprennent pas.

jeudi 2 janvier 2025

Vivre : dure, dure vie de chien

 

 
Ok. Il a erré sur des routes durant ses jeunes années (disons : ses premiers mois). Ok. Il s'est retrouvé livré à lui-même et affamé. Il a dû lutter et lutter pour trouver à s'alimenter. Mais... là, il y a prescription. Depuis cinq ans, il en est à trois repas par jour. Plus goûters et friandises (officiellement, pour sa sévère véto, les yeux dans les yeux, il ne se met à l'écuelle que matin et soir). Il ne pense qu'à bâfrer. Il ne fait que renifler. Il harcèle sa dog-sitter pour obtenir du rab à longueur de journée. En ville, il va quémander des parts de sandwiches aux gens en train de déjeuner. Il me fout la honte en allant voler les boulettes des chats voisins. Il peut déceler une lichette de jambon à 200 mètres et tenir mordicus à se l'approprier.
Hier, quand il s'est mis à grimper dans un arbre pour attraper un reste de viande lancé au renard et resté agrippé à une branche, il m'a vraiment scotchée. J'ai cru qu'un ptérodactyle s'était échappé de Jurassica. Il est comme ça. Il a un trou à la place de l'estomac. Il creuse des kilomètres dans les terriers et un découvert dans mon budget. A part ça, il est adorable avec ses grands yeux innocents, implorants... surtout devant les propriétaires qui gardent quelques croquettes dans la poche de leurs blousons.

mercredi 1 janvier 2025

Vivre : quelques pas au soleil

 

première image de l'année:
le ciel, doux comme un bébé,
les nuages rosis par le froid 
rien n'a changé tout est là
puiser dans la nature de quoi
surmonter les barrières
rendre le monde meilleur
un simple vœu reçu et partagé
pas mal à faire