dimanche 31 décembre 2023

Vivre : la chanson de la vie

 
 
Et je suis là, seule, immobile, silencieuse, enveloppée dans les épais draps noirs des ténèbres, de l’ennui, de la détention, de l’hiver – et pourtant, mon cœur bat d’une joie intérieure inconnue, incompréhensible, comme si je marchais sur une prairie en fleurs, sous la lumière éclatante du soleil. Et dans le noir, je souris à la vie, comme si je connaissais un secret magique, capable de confondre tout le mal et la tristesse pour les changer en clarté et bonheur. Je cherche une raison à cette joie, et je ne trouve rien, alors je ne peux m’empêcher de sourire à nouveau – sourire de moi. Je crois que le secret de cette joie n’est autre que la vie elle-même ; si on sait bien la regarder, l’obscurité profonde de la nuit est belle et douce comme du velours ; et dans le crissement du sable humide, sous les pas lents et lourds de la sentinelle, chante aussi une petite chanson, la chanson de la vie – si seulement on sait l’entendre.[Breslau, avant le 24 décembre 1917 ]**
Anouk Grinberg a tout à fait raison. Dans la "vraie" vie ou dans les livres, c'est pareil. Il n'y a pas vraiment de frontières. Lire Rosa Luxemburg, c'est faire une rencontre, une vraie, une qui illumine, loin des lieux communs et des phrases convenues. Dans sa lettre à Sophie Liebknecht, dont le mari est emprisonné, lui aussi, Rosa ajoute ces mots, juste en-dessous de sa signature :
Sonioucha ma chérie, soyez calme et sereine malgré tout. La vie est ainsi faite, il faut la prendre comme elle est, bravement, la tête haute, et avec le sourire – envers et contre tout. Joyeux Noël !…
... Il n'y a rien à ajouter. Sauf peut-être : espérer que l'année 2024 se révèle pourvoyeuse de joie infinie et d'infinie beauté.
 
**Source  : Rosa, la vie : lettres de Rosa Luxemburg, traduit par Anouk Grinberg et Laure Bernardi, Paris, Les Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, 2009, p. 205-211
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire