mardi 20 février 2024

Vivre : l'irresistible attrait d'une ville

 
 
La première fois que je suis allée à Copenhague, souvenirs gravés dans ma mémoire, l'absence de tentures, le vent glacial, la variété de l'offre muséale, les élégantes en ballerines pédalant furieusement, esquivant avec maestria la neige entassée sur les trottoirs,  l'évidence des formes et des espaces, une fois de retour j'avais eu une peine terrible à m'en remettre. La Suisse m'avait paru horriblement banale. Tout me semblait insipide, voire laid en ce pays comparé à tout ce qui, là-bas, m'avait ravie : l'esthétique, les saveurs, le design, les atmosphères, les relations sociales. Le terme "hygge" ne faisait pas encore vendre, mais j'avais découvert des attitudes fondamentales face à la vie quotidienne. J'avais été prise d'une folle envie de tout chambouler dans la mienne. Une irrépressible envie de reset et, première étape, j'avais fomenté le projet insensé de louer une camionnette pour retourner dans cette capitale me procurer de quoi modifier tout mon ameublement, presse-citron compris, pour qu'ici ressemble le plus possible à là-bas.
 
Depuis, il y a eu des séjours plus ou moins réussis, mais toujours cette aspiration à plus de classe et d'évidence. La semaine dernière n'a pas failli à la règle : malgré la fatigue du voyage (les passagers embarqués avec retard avaient été débarqués en raison du fait que "le pilote manquait à l'appel" et, l'erreur apparemment n'étant pas qu'humaine, l'IA étant elle aussi vouée à se tromper, on apprit plus tard qu'il volait sous d'autres cieux où il avait été programmé ) malgré donc un fort besoin d'horizontalité, en sortant de la gare de Nørrebro, la découpe des immeubles aux intérieurs illuminés et la danse des nuages violets par-dessus les toits m'avaient immédiatement enchantée. Dès le lendemain, le charme avait continué d'opérer. Aimer un lieu, c'est souvent aimer y manger. Commencer la journée devant un petit-déjeuner à La Glace ou au Paludan's Book&Café peut très vite devenir dangereusement obsessionnel, un TOC sympathique, mais un TOC quand même.
 
J'ai rapidement cédé à cette habitude typiquement danoise de trouver en chaque occasion un prétexte pour déguster un gâteau ou un smørrebrød accompagnés d'une tasse de café. Je rêve encore de la jolie gare de Humlebaek, ou de la cafétéria d'Ordrupgaard, si bien conçue par l'inoubliable Zaha Haddid. Je ne cesse de repenser aux restaurants où évoluaient des équipes au dynamisme échevelé, créatives sans se prendre la tête, une vraie fête de les regarder travailler. Je ne sais pas comment nous nous sommes débrouillés, mais non seulement nous avons pu satisfaire tous nos désirs de haltes répétées, mais en plus nous n'avons pas pris un gramme. Ce fut sans doute grâce à tous les kilomètres avalés à pied, à nos zigzags d'un bout à l'autre de la ville et à notre absolue indifférence vis-à-vis des lignes d'autobus qui ne cessaient de nous effleurer.
 
Au retour, instinctivement, j'ai  fait quelques recherches et trouvé sur le site de Bernard une ou deux recettes de petits pains à la cannelle qu'il présente comme "scandaleusement décadents". Tu m'étonnes. Des recettes très tentantes, naturellement. Mais, bien qu'à contrecœur, j'ai fini par m'en détourner. Trop, c'est trop. Le temps est désormais venu d'imiter la vie danoise dans une de ses autres merveilleuses particularités : la pure beauté de l'infinie sobriété.

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