vendredi 11 octobre 2024

Voyager : Jesi, lumière d'automne

 
San Leo

Gradara

Elle nous avait suggéré de parcourir le territoire et d'aller explorer les multiples villages, assortis de châteaux forteresses, qui se dispersaient sur les hautes collines. Ces terres nous avaient conquis. Elles nous avaient touchés à un point difficilement explicable.. Il y a des paysages qui vous laissent la gorge serrée d'une émotion qu'on ne saurait cerner. Mais nous avions besoin d'étendre nos explorations. Un matin, nous avons décidé de pousser jusqu'à Jesi (ce projet l'avait un peu déstabilisée : qu'aller faire dans ce coin ? Elle nous a confié plus tard qu'elle venait de cette région et apparemment pour elle c'était un endroit reculé, où il ne s'y passait jamais rien.)

A l'arrivée, nous avons parqué devant un drôle de magasin, une sorte de braderie qui semblait vendre de tout et de rien à prix cassés : de petites tasses à café, des fleurs de courgettes et des butternut posées par terre dans un carton, des pantoufles démarquées et des pâtes en liquidation. Une grand-mère et sa fille essayaient des vestes en polaire et puisaient au fond d'une caisse des pantalons stretch en taille XL. Tout un barda de choses potentiellement utiles dont la grande distribution ne trouvait plus l'utilité.
 
Nous nous sommes acheminés vers la vieille ville ceinte d'imposantes murailles. C'est peu dire que cette cité à l'intérieur des terres nous a charmés. Elle n'avait au prime abord (et surtout un lundi matin) pas grand chose d'attrayant, mais il émanait de ses rues pavées et de ses façades un je ne sais quoi d'attendrissant et aussi quelque chose de rare, de vaguement âpre. Jesi, avec son élégance nonchalante, ses places désertes, on peut dire que plaire, elle s'en contrefichait. Elle était comme ces personnes qui paraissent indifférentes à leur propre reflet. 
 

Nichée sur un promontoire, la ville est connue pour être le lieu où l'empereur Frédéric II est né, au lendemain du Noël 1194, sous une tente dressée à la va vite au milieu de la place principale qui à présent porte son nom. Elle offre d'indéniables attraits : une suite de longs palais paraissant négligés,  rien, absolument rien de racoleur, aucun kiosque à souvenir, mais en revanche une grande majesté. On éprouvait en la parcourant l'impression d'être un peu à l'écart du temps. Il en émanait une subtile mélancolie, comme si l'endroit se refusait à certaines formes de progrès (la page italienne de Tripadvisor déplore du reste ce manque de "dynamisme" envers de potentiels touristes dans ses commentaires). 


Au palazzo Bisaccioni, une exposition d'un photographe italien oublié vous accueillait. Plus une autre sur des dessinateurs de BD arabes. A l'intérieur de trois belles librairies ouvertes s'activaient des libraires avenants, tout disposés à susciter le désir de découvrir chez quiconque franchissait leur seuil. Dans les rues, une quantité inhabituelle de Noirs circulait, qui ne mendiaient pas mais vous regardaient dans les yeux et saluaient, et qui semblaient animés par le désir de s'insérer et de construire. Était-ce dû à la proximité de l'Adriatique ? étaient-ils arrivés d'un port proche ou avaient-ils le projet d'y embarquer, qui sait ? la politique locale leur était-elle favorable ? dans tous les cas, une place leur était réservée en cet endroit.
 

 


C'est à de petits indices qu'une ville se révèle. Une manière d'être accueillis dans un café. Des entrées gratuites dans un musée. Le regard de migrants droit et nullement désespéré. Jesi, petite ville provinciale, avait de quoi séduire, suscitait le désir d'y revenir. Nous l'avons laissée à son quotidien placide pour rejoindre l'exubérante Ancône, chef-lieu de ces étonnantes Marches qui n'ont cessé de nous surprendre, Ancône avec sa manière impromptue de défier la mer, qui semblait avoir déboulé des collines joliment cultivées, impatiente, avec ses ferries tonitruants, de se relier à toute la Méditerranée, Ancône qui appelait à d'autres ouvertures, Ancône autre objectif à retenir.


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