samedi 30 novembre 2024

Lire : une maison et son héritage

 

 
Je suis en train de lire ce livre plutôt original et envoûtant et je sais déjà, alors qu'il est entamé aux trois quarts, qu'il me faudra le relire encore une ou deux fois avant d'en avoir fait le tour. Il ne s'agit pas d'un livre qui autorise le lecteur à se laisser distraire, en sautant quelques lignes, voire tout un passage. C'est un ouvrage exigeant (ce qui ne l'empêche pas d'être rempli de tendresse et d'humour), présenté comme un roman, mais qui tient du récit autobiographique, de la biographie, et même de l'essai philosophique. Il s'intitule "La maison du magicien" et, si on voulait le résumer, on pourrait dire que l'écrivain s'est fixé comme projet de rédiger une affectueuse biographie de son père. On pourrait aussi estimer que ce livre contient une somme de considérations sur le sens de la vie, l'importance des lieux et des personnes que l'on est amené à y croiser, la manière dont les liens s'y révèlent. On l'aura compris : ce livre appartient à la catégorie des indéfinissables.
 
J'avais déjà parlé ICI de son auteur, Emanuele Trevi, lequel avait publié il y a quelques années un récit intitulé "Deux vies" où il évoquait le souvenir de deux amis écrivains décédés prématurément. Avec ce dernier roman, il continue de dépeindre un proche disparu, en l'occurrence son père, un psychanalyste jungien renommé, décédé en 2011. Après la mort de Mario Trevi, il s'agit de régler ses affaires et, entre autres, de vendre l'appartement romain où il avait vécu et reçu ses patients. Or, le temps passe et le logement, bien que situé dans un quartier prisé de Rome, ne trouve pas acquéreur. Il est sans doute un peu désuet, et peut-être qu'il y résonne encore les voix des nombreuses âmes blessées venues se confier entre ses murs. Des échos aptes à éloigner d'éventuels acheteurs. C'est alors qu'impulsivement, Emanuele se résout à racheter la part de sa sœur et à emménager dans l'antre du "magicien", comme il l'appelle. 
 
J'avais commencé à rassembler du matériel pour écrire sur mon père depuis quelques mois, à prendre des notes, lorsqu'une nuit de fin février 2022, j'ai enfin rêvé de lui. En ramassant un crayon sur la table de nuit, j'ai réussi à fixer le souvenir de cette rencontre onirique. Je n'avais jamais aussi intensément souhaité rêver de quelqu'un. Le fait est que je voulais à tout prix un signal, un signe d'approbation. Écrire sur des personnes et des événements réels n’est pas très différent que de s’essayer à des histoires complètement inventées. La mémoire est une grande romancière : elle dilate, elle corrige, elle omet sans scrupules, elle prétend s'emparer d'une fiabilité qui ne lui appartient pas - et cela malgré toute la bonne foi de la personne qui l'interroge. [p.209]

En plaçant la figure paternelle au cœur de cet ouvrage, l'auteur ne se lance pas dans un discours linéaire. Au contraire, il procède par touches, raconte quelques épisodes, des incidents, des anecdotes qui en disent plus long sur son modèle que ne le feraient de longues descriptions réalistes. Il est ainsi question de deux visites à la Biennale de Venise, effectuées par le père et le fils à 25 ans d'intervalle, et qui l'une comme l'autre ne se sont pas déroulées de manière ordinaire. Il est question de la conduite automobile du père, dont l'évocation hilarante rappelle combien conduire et être au monde sont deux activités tout à fait similaires. Il est question aussi d'un des principaux hobbys du thérapeute, collectionner des pierres, de simples pierres afin de les polir et d'en révéler la beauté dans leur absolue banalité, un hobby qui apparaît comme le versant tangible de son travail auprès des êtres. 
 
Si, naturellement, on trouve en bonne place des références aux écrits de CG Jung, en particulier aux "Métamorphoses de l'âme et ses symboles", un livre sur lequel Mario Trevi avait longuement travaillé, le récit comporte également le passage de trois étonnantes présences féminines, trois "apparitions" plus ou moins réelles, plus ou moins autorisées : une femme de ménage péruvienne aux prestations aussi nulles qu'elle est haute en couleurs; une déconcertante visiteuse nocturne; une plantureuse  "paradisiaque" au tumultueux passé.

De qui parlons-nous quand nous parlons des autres ? De qui faisons-nous le portrait ? N'est-ce pas nous mêmes que nous retrouvons au fil de nos observations ? Au cours de la narration, tandis que se profile l'image d'un personnage un peu distrait, doux, indéchiffrable, qui avait le pouvoir de guérir les âmes par son écoute et son charisme mais se retranchait le plus souvent dans son "arrière-boutique" et fuyait la vie sociale, apparaît aussi en creux la personnalité de l'écrivain, fils attentionné, observateur fidèle et gribouilleur obstiné.

Un livre qui ne ressemble à aucun autre. Énigmatique tout en étant écrit dans un style fluide, il conduit le lecteur à cette évidence : il n'existe pas d'explication à toute chose, les mystères et les contradictions persistent et l'essentiel quoi que l'on expérimente est sans doute de savoir observer sans jamais se laisser aller à juger. 


vendredi 29 novembre 2024

jeudi 28 novembre 2024

Vivre : l'hiver avec Verlaine

 
 
La neige est venue. Redoux. La neige a disparu. Sur les eaux blêmes, indifférentes aux températures, deux barques blanches attendent des perches indolentes. Le chien ronfle et s'agite, pris par ses rêves énigmatiques. On oscille, on peine à embrasser cette saison flegmatique. On hésite à sortir. Alors on se récite quelques vers romantiques.
 
Dans l’interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable.

Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune,
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.

Comme des nuées
Flottent gris les chênes
Des forêts prochaines
Parmi les buées.

Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.

Corneille poussive
Et vous, les loups maigres,
Par ces bises aigres
Quoi donc vous arrive ?

Dans l’interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable.

Paul Verlaine, Romances sans paroles (1874)

 

mercredi 27 novembre 2024

Vivre : une neige qui ne veut pas céder

 
 
Il y avait une drôle d'ambiance, hier à Berne (Berne est une ville qui échappe souvent aux classifications, qui casse tous les codes, avant-hier sous la neige et par des températures négatives les ours ne s'étaient pas encore décidés à hiberner, ils attendaient sans doute que les chaussées soient enfin dégagées, mais trois jours après la déferlante glacée qui s'était abattue sur le pays et que les annonces météo avaient largement annoncée les rues continuaient d'être verglacées et les trottoirs comme les passants prenaient leur mal en patience, les premiers avec des allures soviétiques et les seconds avec des postures de patineurs néophytes). 
 
Au bord de l'Aar, il y avait toujours cet endroit où la rivière se met à chanter, comme si les ions négatifs entonnaient des couplets. C'est un point bien précis où l'on s'arrête car c'est touchant d'entendre une rivière chanter si juste son bonheur de couler. En ville, les gens paraissaient attendre Noël depuis un bout de temps. Les vitrines scintillaient joyeusement au soleil, incitaient à replonger en enfance ou à partir en vacances jusqu'à fin décembre. On était pris d'une envie de flâner, de freiner, d'arrêter le temps.

Un homme d'une quarantaine d'années, qui portait un cabas comme s'il devait se rendre au marché, se tenait penché sur une devanture et contemplait de vieilles médailles d'un air concentré. On aurait dit un gamin en train d'hésiter sur la demande qu'il allait adresser cette année. Une femme en tenue Uber Eats, assise parmi la foule, ses sacs thermiques à ses pieds, avait croisé les mains, fermé les yeux et semblait en train de prier. Quelle meilleure place qu'un banc au soleil sur une place bondée pour se tourner vers l'invisible et prier ? 

Pas un signe d'impatience. Aucune célérité. Par un incompréhensible miracle, sans cesse renouvelé, en divers carrefours les trams, les autobus, les vélos, les touristes et les enfants se croisaient sans jamais s'entrechoquer. Une nouvelle fois, la ville m'est apparue comme un petit miracle, une excentricité, un mystère qui ne se laisse pas percer et c'est pour ça que j'aime tant la fréquenter.

mardi 26 novembre 2024

Vivre : automne, battre la campagne

 

 
Au pied d'un arbre, suivre du regard les ultimes feuilles qui l'une après l'autre se mettent à onduler, voltigent  et ensorcèlent nos paupières fascinées.
Observer la sarabande folle d'une curieuse boule brune tournant furieusement au milieu d'un champ, et qui tourne et tourne encore défiant la gravité, toupie tabac sur fond chocolat.
Percevoir au loin, très loin le vagissement d'une autoroute et près, très près, les tocs d'un pic-épeiche particulièrement entêté.
Rencontrer trois chamois qui nous montrent leur cul, les malotrus, et prennent la poudre d'escampette à travers la frênaie.
Inspirer le vide de novembre, et le trop-plein de chagrins et de cendres. Le brouillard qui plonge est comme une nuit, mais blanche. Et contrairement aux nuits blanches dans lesquelles on cherche en vain le sommeil, c'est contre ce même sommeil qu'il s'agit à tout prix de lutter. Car le brouillard ne donne qu'une envie : fermer les yeux et se mettre à rêver.

 

lundi 25 novembre 2024

Vivre : l'art de vivre

 
Installation "Pretty Woman" /Daido Moriyama / Photo Elysée / Lausanne
 
 
Elle dit : tout l'art consiste à savoir comment rester dans la course sans se retrouver essoufflée. On ne peut mieux résumer. 

dimanche 24 novembre 2024

Voir / Vivre : dans le coup? plutôt pas...

 

 
Melvil Poupaud l'autre soir était l'invité de la facétieuse Eva Bester dans la Vingtième heure
Je ne suis pas du tout branché réseaux sociaux ou smartphones. Et même de moins en moins. J'ai jamais eu de smartphone. J'ai toujours mon vieux Nokia. Moi j'aime bien les textos. Ça me suffit. "t'es où? ". "Je suis là. Je t'attends." J'ai même une allergie, et même une haine profonde de ces outils dont tout le monde sait qu'ils font des ravages, surtout chez les enfants. Quand je sors mon Nokia tout le monde me dit : ah j'aimerais tellement être comme toi. Mais pourquoi tu le fais pas, t'en a encore moins besoin, t'es pas acteur, t'as pas de promo à faire. C'est comme si tu disais à quelqu'un qu'il est totalement embrigadé dans un mauvais coup. Il le sait et il arrive pas à en sortir. C'est pas non plus de l'héroïne dont on parle. C'est un appareil électronique. 
Les gens qui font ça toute la journée, ils doivent finir par devenir fous. En tout cas, se culpabiliser en fin de journée. Pour moi, c'est vraiment dangereux.
Ça et là, on entend de plus en plus de voix s'élever pour contester ces addictions considérées comme allant de soi, faisant passer les réticents pour des ringards, genre : T'es plus dans le coup, papa. On a vu tant de gens se vanter de pouvoir s'en acheter, surtout le dernier modèle, le tout dernier cri. Des grands-parents tout fiers d'utiliser cette technologie. Plus les personnes étaient démunies, plus elles frimaient de savoir utiliser cet appareil qu'un ado en échec scolaire sait manier sans difficulté. Que de consommation liée au besoin de conformité! Toutes ces exhortations à se représenter! Tous ces appels à liker et à s'abonner! Et cela s'étend à tous les domaines : Ma voiture est plus haute et plus large que la tienne! Mes dents sont plus blanches et mieux alignées! Ma PAL est une tour de Pise sur le point de tomber!
 
Cela dit, la série Dans l'ombre, dont le comédien assurait la promotion est assez réussie. Adaptée du livre écrit en 2011 par Edouard Philippe et Gilles Boyer, elle montre les dessous d'une campagne électorale à la française décrite de l'intérieur par ces ex-spin doctors. Tous les comédiens se prennent au jeu et nous aussi, on passe une bonne soirée alors que dehors la neige continue de tomber.

samedi 23 novembre 2024

Vivre : still life / 156

 
 

 
Le portemonnaie de voyage. Habitué aux euros, plus rarement aux kunas, aux couronnes ou aux dirhams. Acheté il y a très longtemps chez Einladen à Berne, sa peau de vachette teintée est tellement usée par endroits que le cuir apparaît tout lisse. Ce passe-partout est de tous mes départs. Très pratique sur les marchés, sur les comptoirs. Contient toujours de quoi rendre le sourire aux clochards. N'a pas les pouvoirs d'une carte de crédit mais peut sauver la mise face à des injonctions "cash only". Tient dans une poche de jeans. Se glisse dans un sac. Sait se faire discret jusqu'à disparaître à la barbe des pickpockets. Peut aussi réapparaître quand un besoin se fait connaître. Le savoir prêt sur une tablette me redonne le goût de la conquête.
(quoi ? le remplacer? par un modèle plus sophistiqué, voyager avec un inexpérimenté ? ça va pas la tête ?)

vendredi 22 novembre 2024

Vivre : still life / 155

 
 
En informatique, sans être la reine des pommes, je peux me vanter d'appartenir à la haute noblesse. Ce n'est pas que je prenne la souris pour un mulot, mais question processeur, carte graphique, Méga et Giga, je donne souvent ma langue au chat. Quand, l'autre jour, j'ai amené mon bon vieux Lenovo chez Doc Pc, il n'a pu que constater le décès. A expliqué qu'en matière d'ordinateur un an d'existence valait au moins dix ans de vie humaine. J'avais donc de la chance d'avoir pu garder presque huit ans ce fidèle compagnon. Il faut dire que ces derniers temps, il fonctionnait sous assistance respiratoire, avait de sacré problèmes de mémoire et refusait tout contact avec l'imprimante et le lecteur DVD. Requiescat in pace. Jusqu'à la toute fin, je l'ai accompagné avec un infini dévouement (et beaucoup beaucoup de patience). Quand on a fait tout ce qu'on pouvait, le deuil peut se révéler très léger. On m'a proposé ce petit Asus pas compliqué et, ni une ni deux, je suis sortie du magasin d'un pas vif et enthousiasmé. 



Vivre : contester en beauté

 

Sentie et pressentie l'autre jour dans les yeux d'un homme chancelant parmi les badauds pressés, elle est enfin arrivée, par flocons et par rafales, s'est installée, au grand dam du chien qui peine à renifler, dont le sel agresse les coussinets. Mais redoutée ou espérée, joyeuse ou teigneuse, elle ramène des souvenirs d'enfance par brassées. Poussant à d'autres rythmes, elle parait venir militer pour le colourful Friday. Du bleu, canard, électrique ou acier. Du blanc, du beige, du gris pour compléter. Mais refus total d'une noirceur assommante pressant à consommer.



jeudi 21 novembre 2024

Vivre : envie d'ennui

 

 
quoi ? déjà le soir qui tombe ?
déjà le soleil qui se résigne ?
avec une liste à peine cochée
on réclame le droit à s'ennuyer

mercredi 20 novembre 2024

Vivre : villes en ébullition

 
Couvercle de sarcophage avec acrotère et masque / Musée départemental Arles antique / Arles
 

rythmes soutenus et accélérations, bruits continus et klaxons
camions sous tension, clignoteurs, vibrations, moteurs en action
masses éperdues entre mille sollicitations, esquives, collisions :
dans les feux de l'action s'évaporent la présence et l'attention

mardi 19 novembre 2024

Voyager : Arles, autres rencontres

 
 Portrait d'Auguste / Musée Départemental Arles antique / Arles
 
graves les visages des personnages du temps passé

 Portrait présumé de César / Musée Départemental Arles antique / Arles
 
patiente l'approche lente et le dialogue peut commencer 


  Buste de Vénus / Musée Départemental Arles antique / Arles
 
douce attente et mélancolie jolie d'un printemps trop vite passé

 Stèle funéraire de Turrania Philematio et de Chia / Musée Départemental Arles antique / Arles

depuis des siècles et des siècles certains tête-à-tête n'ont jamais cessé

  Picasso à la cigarette / 1956 / Lucien Clergue / Musée Réattu / Arles

certains êtres, qu'ont-ils envie de nous transmettre, à si fort nous fixer ?


Portrait de Gisèle de la Bégassière / Man Ray / Musée Réattu / Arles
 
certaines présences sont des absences, comme par un manque blessées

 Portrait d'Arlésienne /Charles-André Férigoule / Musée Réattu / Arles
 
tout l'art de l'art, c'est de rendre la vie à ceux que la vie a quitté


lundi 18 novembre 2024

Voyager : une île dans la ville

 
 
On arrive l'esprit vaguement tourmenté, la vue brouillée par une sourde migraine, une fatigue que l'obstiné mistral a provoquée. Mais comme par enchantement les pierres se font lénifiantes, invitent au recentrement, imposent un relâchement. Le ciel assume peu à peu une teinte laiteuse, redevient innocent.
 
 
Impossible d'imaginer ce lieu bondé, débordant de bruits et de rumeurs, impossible d'imaginer ses monuments dérangés par de troublants visiteurs. Le silence est ici de mise. La lenteur. Un certain recueillement. Instinctivement la foulée se fait grave et la respiration légère.


Avance. La lumière t'appelle. Ne crains ni les ombres ni les éclats. Laisse venir toutes les images qui remontent en toi.


Avance. Aie confiance. Le temps n'a plus d'importance et tu sens une étrange force remonter en toi. Approche. Prends place dans les espaces. Ils s'ouvrent comme des réponses devant toi.


Ta tête s'est allégée. Elle bruisse de souvenirs, de vérités qui te dépassent, de connexions qui s'entrelacent. Tu comprends enfin des choses essentielles, capitales dont tu pressens qu'elles t'auront quittée si tôt que tu te seras éloignée.
 
 
Tu voudrais préserver toutes ces évidences, mais ces évidences si puissantes ne sont qu'évanescence et s'évaporent sous tes pas.
 

 

Tu t'achemines vers la sortie et tu renâcles. Quelque chose renaude en toi. Tu ne voudrais plus quitter cet endroit. Tu aimes tout ici : le langage des murs, les fleurs, les rares silhouettes, les chants, les frémissements, tout ce qui participe à l'émergence des choses qui existent et qu'on ne voit pas.


Tu t'en vas finalement. Tu t'en vas et tu ne te retournes pas. Tu n'en a pas besoin. Tu souris aux pavés. Tu sais que tu reviendras.


dimanche 17 novembre 2024

Vivre : message personnel

 

 
Merde! Merde ! Merde! Le lac si beau ce matin. Les chiens. Les oiseaux. Les pêcheurs. Une paix infinie sur les rives et cette nouvelle comme une pierre sur nos cœurs. Comme une envie d'envoyer un message à travers les airs. Tiens bon. On est là. On t'attend. La vie - cette foutue vie - a besoin de gens comme toi. Une envie de croire en des ondes magiques capables de torpiller l'intolérable et d'obtenir des retours à venir.


samedi 16 novembre 2024

Vivre/Habiter : welcome/2

 

 
Elle paraissait tout droit sortie d'un roman de Barbara Pym, longue jupe tombant à mi-mollet, chignon fatigué. La vie apparemment lui avait fait boire la tasse et plutôt deux fois qu'une. Alors elle les accumulait. Il y en avait partout. Sur les tables et les étagères, sur les buffets, des services dépareillés, des services complets. Quel vide puissant avait-elle donc besoin de combler ? On se le demandait. On tentait  une approche. Mais elle se murait, retranchée derrière des parois d'objets chinés et des évocations de salons de thé. 
A nuit tombée, le mistral s'était levé. On a cherché une couverture dans l'armoire et on l'a trouvée. Derrière trois piles de tasses en porcelaine qui patientaient.

vendredi 15 novembre 2024

Vivre : tourner et retourner

 

ce matin-là, le carrousel rongeait son frein, impatient de tourner, attendant les gamins.
illuminés, extasiés, désireux de retrouver la ville, de nous infiltrer dans ses ruelles,
nous voulions nous aussi un mercredi de folies, de bâtons de réglisse, de fish and chips,
un jour de sortie, loin des cahiers et des figures imposées, nous voulions galoper,
tourner et retourner, nous empiffrer, nous émerveiller de ce soleil enfin récupéré.

lundi 11 novembre 2024

Vivre : avis de recherche

 
cour d'honneur / château de Gradara / Rimini

ce que je veux tous les matins au réveil
ce à quoi j'aspire, très simple : le soleil

dimanche 10 novembre 2024

Vivre : le rendez-vous de contrôle

 
couple d'anges / museu de Mallorca / Palma de Mallorca
 
 
Il y a des gens, ce sont juste des anges, infiltrés parmi les humains pour les aider à retrouver leur chemin 
 
 

samedi 9 novembre 2024

Vivre : le cœur est un cheval emballé

 
La Mélancolie / Lucas Cranach / Musée Unterlinden / Colmar

 
Grappiller de-ci de-là une heure de soleil. Chercher des moments de solitude et d'éveil. Converser avec les arbres en pleurs. Sourire au paysan sur son tracteur. Reprendre les longues marches bannies par un muscle blessé. Se mettre au diapason de la nature essoufflée. Un pas devant l'autre reprendre à vagabonder. 

vendredi 8 novembre 2024

Vivre : le choix

 
L'attente / Léon Spilliaert / The Hearn Family Trust
 
Isabelle a choisi de partir. La nouvelle plombe une journée de novembre pourtant exceptionnellement ensoleillée. Etait-elle fragile, Isabelle, face à toutes les rudesses, face à tous les obstacles qui se présentaient à elle ? Peut-être. Mais une dernière nouvelle concernant sa santé l'a laissée démunie, incapable de continuer. Elle s'est échappée, elle s'est perdue, comme devant un trop grand méchant loup, pendant trop longtemps, dans une trop sombre forêt. 

jeudi 7 novembre 2024

Vivre : dissiper les brumes

 
Intérieur de la Galleria Nazionale delle Marche / Urbino


comprendre : un voile après l'autre, laisser venir les formes


mercredi 6 novembre 2024

Vivre / Manger : plus de crème dans les millefeuilles!

 
 Woman and Child / Sam Jinks / Arken Museum / Gosh! It's Alive! /2017

Elle gère un établissement accueillant des personnes âgées. Dernièrement, elle a fait procéder à une enquête de satisfaction auprès des résidents concernant les repas. Résultats : le "café complet" a été ovationné (rappelons que ce terme désuet se réfère à un dîner typiquement helvète : café, pain, beurre et confiture, éventuellement un peu de fromage. Servi le dimanche soir dans les familles, mais aussi les colonies de vacances quand elles ne s'appelaient pas encore camps ou stages). Grosse contestation : la quantité de légumes dans les assiettes. Revendication majeure : plus de frites ! la portion prévue par la diététicienne est beaucoup trop réduite ! révoltant !
 

mardi 5 novembre 2024

Vivre : ce qu'il ne faut pas entendre!

 
"Bossu" / détail bénitier / Gabriele Caliari / Sant'Anastasia / Verona
 
 
 Le top five des plus urticantes :

Je dis ça, je dis rien. 
A votre place, j'aurais honte!
C'est pas faux. 
C'est une blaaague!
Mais, non : je rigooole!

lundi 4 novembre 2024

Vivre : faire face

 

 
s'il arrive de s'interroger - encore et encore -
ici, après maints contours et accélérations,
émerge la conviction d'être enfin à la hauteur 


dimanche 3 novembre 2024

Vivre : faire place

 
Le repas frugal / Pablo Picasso / Kunstmuseum / Basel
 
A les voir descendre et remonter, descendre de petits sacs et de petites caisses contenant du bric-à-brac auquel ils trouvent encore de l'utilité, remonter pesamment, les mains vides et le corps toujours plus accablé, ils provoquent un sentiment qui tient de la pitié, de la tristesse et d'une sorte d'impatience. On voudrait les secouer. Leur dire qu'ils ont eu du temps, beaucoup de temps, pour se préparer et que là où ils vont il serait souhaitable de partir légers. La jeune famille qui leur a acheté la maison est en droit de s'installer. La mère surveille les petits et s'efforce de ranger. Mais eux sont encore là, toujours là, à poser, et reprendre, et charger leur voiture pour des allers-retours qu'ils ne savent achever. Il y a quatre jours que le délai a expiré et quarante semaines déjà que la date est fixée. Mais ce sont quarante ans de vie qu'ils ne peuvent pas lâcher et quatre mois n'ont pas suffi à tout organiser. Ils ne voulaient aucune aide et leurs enfants ont fini par renoncer. Alors, ils vont et viennent, ils vont et ils reviennent comme pris dans un deuil qui ne trouve pas à se faire. La perte d'une maison, c'est comme la perte d'un être cher et voir celle-ci qui n'est déjà plus la leur, s'ouvrir et s'offrir, prête à d'autres avenirs, leur lacère le cœur. Alors ils s'arrangent pour y laisser encore quelque chose, encore quelques jours qui leur appartienne et les autorise à revenir.

samedi 2 novembre 2024

Vivre : nuances

 
Couronnement de la vierge (détail) / maestro della Croce du Mombaroccio / GNDM / Urbino
 
 
Les répétitions : la même chose, mais autrement

vendredi 1 novembre 2024

Vivre : des lueurs dans la nuit

 
Chapiteau avec roi et sirène / Museo della Città / Rimini

en cette période d'ombres et de sanglots, quelque chose en moi aspire aux Fêtes avec urgence,
alors, d'instinct, nous sommes retournés sur les rives, pour dénicher des tiges assez longues, 
nous les avons recourbées, nous voulions un diamètre d'au moins un mètre, pour qu'elles donnent 
des bulles de lumignons ardents, astres face aux désastres, inondant les profondeurs d'évidence