lundi 30 juin 2025

Lire / Vivre : on the road again

 
 
Soudain, un groupe de chevaux sauvages se dessina sur l'horizon. Ils avaient la crinière longue et bondissaient en liberté, poussés par le vent à moins qu'il ne fussent alertés par mon approche. L'un d'entre eux, plus grand et plus intrépide, attendit, immobile, et me fixa. Puis il dessina dans l'air une arabesque, encolure fléchie, membres rassemblés, tourna sur lui-même et, après m'avoir regardé une dernière fois, disparut. [...] C'est ainsi que les humains d'aujourd'hui, après le long détour des monothéismes, en reviennent à des éblouissements qui leur font incarner le divin dans les objets de la nature : les nuages, la montagne, les chevaux. [p.208-209] 
 
La littérature de voyage fait partie de mes lectures préférées et, en cette saison de canicules répétées, c'est un bonheur de m'y adonner. Bien calée dans le calme souverain des longues après-midis silencieuses, je suis les pas de randonneurs au rythme des stores battus par la brise au-dehors.
Je viens de relire Immortelle randonnée. Compostelle malgré moi et, comme pour chacune de mes relectures, je suis frappée de constater que ce ne sont jamais les mêmes passages qui me donnent du grain à moudre et du plaisir à avancer (en l'occurence ces jours-ci progresser de la manière la plus immobile possible, mentalement, le moindre mouvement corporel donnant matière à transpirer). 
 
Le Chemin réenchante le monde. Libre à chacun, ensuite, dans cette réalité saturée de sacré, d'enfermer sa spiritualité retrouvée dans telle religion, dans telle autre ou dans aucune. Reste que, par le détour du corps et de la privation, l'esprit perd de sa sécheresse et oublie le désespoir où l'avait plongé l'absolue domination du matériel sur le spirituel, de la science sur la croyance, de la longévité du corps sur l'éternité de l'au-delà. Il est soudain irrigué par une énergie qui l'étonne lui-même et dont, d'ailleurs, il sait très bien que faire. [p. 209] 
 
Cette fois-ci, c'est le concept de MUL (ou marche ultralégère), rapporté par Jean-Christophe Rufin, qui a capté mon attention. 
 
L'axiome central de la pensée MUL tient en une phrase : "Le poids, c'est de la peur".
Pour les adeptes de cette démarche, l'essentiel consiste à méditer sur la notion de charge et, au-delà, sur le besoin, sur l'objet, sur l'angoisse qui s'attache à la possession. [p.235]
J'avais regardé ces sites avec curiosité et un peu de condescendance, je l'avoue, pour ce qui m'apparaissait comme une lubie minimaliste un peu folklorique. [...] mais dès que je me suis engagé sur le Chemin tout a changé. A chaque étape, je considérais, cette fois avec sérieux, les objets que je transportais, en me demandant honnêtement s'ils étaient indispensables. Ce dépouillement progressif, cet effeuillage de la mochila [note : le sac à dos, en espagnol] s'est poursuivi tout au long des étapes. La réflexion sur mes peurs a cessé d'être un sujet de plaisanterie :  j'ai pris l'affaire avec gravité. [p.235-236]
[...]à mesure que le Chemin s'allonge, la mochila maigrit et atteint une forme d'équilibre frugal qui touche à la perfection. [p.236]
 
Cette notion de poids et de charges liées aux peurs qu'on porte constamment avec soi m'a fortement interpelée. Du fond de mon fauteuil, je me suis demandé si cette réflexion du pèlerin ne pouvait pas être transférée par analogie à la manière dont on chemine dans l'existence, dont on accepte de se charger de mille pensées, objets et objectifs, par conséquent : mille problèmes, au point de les trouver naturels, sans s'interroger sur leur utilité ou leur sens. Quelques pages avant la fin, l'auteur émet une réflexion qui fait écho à ces pensées :
 
Plusieurs mois après mon retour, j'ai étendu la réflexion sur mes peurs à toute ma vie. J'ai examiné avec froideur ce que littéralement je porte sur le dos. J'ai éliminé beaucoup d'objets, de projets, de contraintes. J'ai essayé de m'alléger et de pouvoir soulever avec moins d'efforts la mochila de mon existence. [p271] 
 
Même si, à l'instar de J.C. Rufin, on se rend compte qu'après une phase de progression, on a tendance à rentrer dans le rang, que la vie reprend, que rien ne semble avoir changé, il n'en demeure pas moins qu'une fois sur le chemin, la pensée de l'indispensable et du superflu refait surface. Elle s'en va. Mais elle ne tarde pas à revenir à intervalles réguliers. On a pris conscience à un moment donné qu'on doit se délester, que la croissance continue est un leurre, une maladie dangereuse, et que c'est d'elle dont il faut avoir peur.  Alors, alors, on réalise qu'on n'a jamais quitté ce chemin. On est toujours en train de cheminer. On the road again and again.
 
  

dimanche 29 juin 2025

Vivre : l'art de l'essentiel

 
 
Composition de lignes et de couleurs / 1937 / Piet Mondrian / Musée municipal / La Haye

 
Pourquoi vouloir beaucoup
- toujours et encore plus - 
quand le bonheur tient à avoir
assez et estimer ses atouts ?
 
 
 

samedi 28 juin 2025

Vivre : par-delà le faire

 
 
 
 
La question, la question fondamentale, pourrait être : que se passe-t-il quand il ne se passe rien ? 
 

vendredi 27 juin 2025

Vivre : le cabinet des rêves, le rêve des cabinets

 
Salle des géants / Giulio Romano / Palazzo Tè / Mantoue
 
J'étais à l'université et je devais passer un examen qui devait durer une heure trente. Avant d'entrer dans la salle qui commençait à se remplir, j'ai voulu me rendre aux toilettes. Mais de couloir en couloir elles étaient toutes occupées et je me suis de plus éloignée de la salle d'examen. Tout en étant retardée, de plus en plus retardée de mon objectif (retourner à l'auditoire) je me disais :" C'est dingue, on dirait que je suis dans un mauvais rêve". J'allais ainsi de bâtiment en bâtiment, avec toujours plus d'obstacles le long de ma recherche. Pour finir, j'ai retrouvé le chemin de la salle d'examen dont j'apercevais au loin la porte. Les minutes s'écoulaient inexorablement. Il était 10 heures 40.  L'heure du début avait été fixée à 10 heures trente. Devant la porte se trouvait un individu et je me suis exclamé : "Pourvu que ce ne soit pas un surveillant empêchant les retardataires d'entrer? Quel cauchemar!"


jeudi 26 juin 2025

Vivre : se souvenir des belles choses

Cappella marchionale / Revello / Piemonte


 Comme des enfants turbulents
remontent si souvent 
les souvenirs ravivés 
qu'on avait crus à jamais enterrés
 

mercredi 25 juin 2025

Vivre : le retour

 
Les Bourgeois de Calais (détail Pierre de Wissant) / Auguste Rodin / Glyptothek / Copenhague
 
Ça faisait longtemps. Ça fait du bien de le revoir. Sur son crâne rasé court un lézard blanc qui serpente depuis le haut du front jusqu'à sa nuque. Il est toujours aussi lumineux. Peut-être un peu ralenti. Un peu assagi. C'est lui et ce n'est plus tout à fait lui. Il a parcouru un long chemin, il a suivi de longs couloirs, il a passé de longues nuits noires. Il rentre d'une Odyssée et il sait que les guerres se gagnent, les guerres se perdent. A chaque jour qui se lève, rien n'est jamais certain. Alors il reprend sa route, avec tout ce qu'il a appris, tout ce qu'il a compris, tout ce qu'il connait et tout ce qu'il tait. 
 

mardi 24 juin 2025

Vivre : sans soucis

 



orages ou nuages
rudes ou doux présages 
tout n'est que passage