Le colza : autant j'aime le voir
autant je ne peux pas le sentir.
Comme surgies de nulle part, les larmes coulaient de mon corps et le temps que j'arrive au sommet et que je sente le souffle du vent, je devais vraiment prendre sur moi pour arrêter de sangloter. A croire que la vitesse de l'escalator m'entraînant dans son ascension était l'expression physique d'une conversation que j'entretenais avec moi-même. [p.9]
Alors que le laitier déposait des bouteilles sur le pas de notre porte dans un bruit de verre qui s'entrechoque, j'ai soudain compris pourquoi les pots de miel, de beurre de cacahuète et les bouchons de ketchup n'étaient jamais au bon endroit dans notre domicile familial. Ces couvercles, comme nous, n'avaient pas d'endroit à eux. J'étais née dans un pays et j'avais grandi dans un autre, mais je ne savais pas trop auquel j'appartenais. Et autre chose. Je ne voulais pas le savoir, mais je le savais quand même. Remettre un couvercle à sa place revenait à faire comme si nos parents étaient à nouveau ensemble, vissés l'un à l'autre, plutôt que chacun dans son coin. [p.124-125]