Ces derniers temps, l'évocation de la mort se présente à moi sous diverses formes. Il y a tous ces gens qui partent et ceux qui sont partis depuis longtemps. Il y a les élans de tristesse et de regret, mais pas que. S'y mêle aussi souvent une forme de reconnaissance - en différé - pour tout ce que des absents m'ont apporté et que je n'ai pas su identifier au bon moment. Cette gratitude est à la fois douce et douloureuse. Mais le temps ayant fait sa part de décantage, je ressens un lien de forte proximité avec ceux qui ne sont plus.
Dernièrement, j'ai acheté pour une bouchée de pain un tapis afghan en laine tissée rouge à une femme qui avait débarrassé l'appartement d'une cousine défunte. Il est d'un rouge grenat intense. Le chien aime s'y coucher. Arrivé directement du pressing il y a à peine quelques semaines, le tapis adopté est en train de gentiment s'encrasser à mesure que des os y traînent.
Dimanche, à la brocante de Nizza M., une jeune femme vendait des pièces de tissu à un euro qu'elle avait disposées dans des cartons par terre. J'y ai déniché une natte tressée en coton rouge et rose à poser dans l'entrée pour le retour de nos promenades embourbées. La femme m'a dit que la carpette lui avait été remise par une amie, qui venait de perdre sa mère et qui ne savait qu'en faire. Quand j'ai tendu la main vers un tablier en lin beige, elle a ajouté que son père, à peine décédé et dont elle reprenait le commerce, s'était fait une spécialité de récupérer de vieux rouleaux d'étoffes dans des usines en liquidation. Il en cousait ensuite de jolis sacs, des sortes de tote bags aux couleurs passées et au charme contemporain. Désormais, ce serait une couturière qui réaliserait les prochains modèles. Le tablier choisi était le dernier qu'avait réalisé son père. Quand j'ai voulu payer, la femme a tenu à m'offrir le tapis fuchsia de la mère de son amie.
Je réalise que j'ai toujours cohabité avec la réalité de la mort. La frontière entre le monde des vivants et le monde des morts me paraît au reste de plus en plus indéfinissable. Ces trois objets arrivés chacun avec leur histoire ont très naturellement trouvé leur place et une seconde vie dans mon quotidien.
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