Château de Govone / Piémont
Ainsi donc les habitants du grand appartement - le plus haut, le plus grand du village - ont décidé de s'en aller au bout de même pas deux ans ? L'agent immobilier discutait à haute voix de la valeur du logement - large vue, baies vitrées, 250 mètres carrés - avec la femme bien décidée à l'inonder de multiples arguments. Il y a des maisons comme ça, qui ne parviennent pas à se fidéliser leurs habitants, comme certains magasins dans des rues pourtant bien fréquentées, leurs clients.
Ce lieu avait connu depuis le début une série de difficultés : les premiers à s'en porter acquéreurs s'étaient vite désistés - une affaire de répartition du terrain dans la copropriété qui avait mal tourné - les seconds étaient allés jusqu'au bout du projet, mais leur mariage, lui, n'avait pas résisté : au bout de deux ans, elle était partie, avec leur bébé, et le logement était finalement resté vide pendant quelques années. S'étaient ensuite succédé quelques locataires - une famille d'expatriés, un naturopathe réputé - qui, curieusement eux aussi, avaient jeté l'éponge au bout d'une ou deux années - étonnant comme un logement peut être une affaire de chiffres, qui ne concernent pas seulement des francs ou des mètres carrés, des chiffres comme des cycles qui ne cessent de rempiler. Enfin, dernièrement, le bel appartement a été racheté par "des gens très bien sous tous rapports, le mari occupant une fonction de directeur". Et voici l'espace malaimé, mal compris, mal occupé à nouveau proposé.
Trouvera-t-il un jour chaussure à son pied, des habitants à demeure, qui sait ? Les choses pour lui se sont mal engagées, mais peut-être quelqu'un saura-t-il un jour comprendre cet endroit, le bichonner, mettre en lumière ses attraits, le valoriser, bref : tout simplement l'apprécier. Y a-t-il au monde chose plus triste qu'un lieu - comme un être - qui n'a jamais été aimé ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire