Durant des années, nous nous sommes rendus au Mercato dell'Antiquariato de Cherasco. Au début, c'était un marché qui rassemblait dans les ruelles Renaissance des antiquaires de tout le Nord de l'Italie, un rendez-vous à ne pas manquer en avril, septembre et décembre et je garde encore précieusement deux ou trois pièces trouvées là-bas. Puis, avec le temps et d'autres priorités, on a passé notre tour. L'autre dimanche, quand on y est retournés, l'ambiance avait changé : les animations sont désormais mensuelles, nettement moins d'antiquaires, beaucoup plus de brocanteurs improvisés, déversant en vrac le contenu de greniers débarrassés ou présentant comme restaurés de pauvres meubles inondés de vernis tape-à-l’œil.
Ce matin-là, il crachinait. La météo devait avoir découragé pas mal de visiteurs. Il n'y avait pratiquement aucun étranger. Ce qui n'a pas empêché les gens du coin de passer faire un tour. L'atmosphère était festive. La clientèle du caffè La Lumaca débordait sous les arcades. Les familles s'interpelaient. Les conversations allaient bon train. Les ventes un peu moins.
Pour ma part, je n'attendais pas grand chose et je déambulais sans que grand chose attire mon regard. Il y avait pourtant cette envie qui me taraudait depuis un bout de temps d'un vrai miroir ancien à sertir de loupiotes pour le contempler le soir juste avant le sommeil. On a repéré deux ou trois modèles, dont les vendeurs exigeaient un prix délirant sous prétexte qu'ils vaudraient le triple dans leur boutique, ah ah. Soudain, je l'ai vu. J'ai su que c'était lui. On a demandé le prix. Le vendeur a annoncé un chiffre des plus raisonnables. Puis, d'office il a ôté vingt euros et on n'a même pas eu besoin de négocier. Son associé, un doreur à la retraite, nous a aidés à le transporter jusqu'à la voiture en nous parlant d'une vallée piémontaise peu fréquentée où il était né et en cheminant avec lui parmi les badauds on a tout à coup eu envie d'aller la découvrir cet été. Quand on a passé l'Arc monumental, l'homme a évoqué un voyage qu'il avait accompli à travers les montagnes de Chine et du Tibet, un périple qui l'avait délesté de 15 kilos en quelques semaines. On l'a salué en se promettant de le revoir un de ces prochains dimanches à Nizza Monferrato.
Maintenant, le vénérable miroir est là. Il proviendrait, nous a-t-on dit, de la région de Saluces, habitué sans doute à quelque intérieur bourgeois, mais, pas maniéré pour deux sous, il s'est très bien adapté à notre bicoque lacustre. Il reflète l'air de notre temps, qui n'est pas vraiment un temps compressé ni stressé, et la nuit il aime se parer de lumière pour veiller sur notre coucher.
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