Riposo / Impressioni del Sud / Alfredo Camisa
Deux jours de suite, j'ai effectué deux voyages très différents. Le premier m'a paru évident, taxi, avion, voiture se sont succédé sur près de 1'000 kilomètres pour rentrer sans encombres à la maison. J'ai quand même pu constater une nouvelle fois combien je déteste des aéroports, leur ambiance aseptisée, leur atmosphère factice, leurs moments d'attente et d'accélération alternés. Au bout du compte, je craignais d'être tendue, mais je me suis sentie soulagée.
Le second voyage, nettement plus bref, un aller-retour de cent kilomètres à tout casser, m'a exténuée : marche à pied jusqu'à la gare en écrasant des écorces de marrons détrempés, train régional puis Intercity, suivis de métro, retards imposés, retards rattrapés, et enfin retour en voiture à travers une nuit pluvieuse et noire, phares qui agressent, feux oppressent, jeux des essuie-glaces. Mission accomplie, mais je me suis retrouvée tendue, alors que dans le fond j'étais soulagée.
Quelle que soit leur longueur, les déplacements mettent toujours mon corps à l'épreuve, et plus encore que mon corps, c'est ma manière d'être au monde qui est bousculée. Ils dé-rangent ce que je passe mon temps à ranger. J'ai beau savoir que vivre implique de partir - partir et bouger - ils me privent de ma maison et c'est toujours vers ma maison que je veux retourner.
Dans les deux cas, j'ai réalisé une nouvelle fois mon besoin d'être chez moi à nuit tombée, moment où le moindre souffle me fait frissonner. Je n'apprécie le noir que bien protégée. Dans une ville étrangère, je me penche souvent sur un SDF somnolent pour lui tendre une pièce. Je veux lui exprimer qu'il ne laisse pas les gens indifférents, qu'il n'est pas seul sous ses cartons. Dans une chambre étrangère, même pour une seule nuit, je dois me constituer un lieu à moi. Je dispose un livre, un objet familier, un vêtement pouvant me rassurer. C'est alors dans ce confort provisoire que je peux trouver le sommeil en même temps que la sérénité.
Quant aux déplacés - les vrais - mon cœur est lacéré à les savoir sur les routes, soumis à tous les dangers. Les voyages ne cessent de me rappeler combien la vie est fragile et combien sont fragiles toutes nos sécurités.
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