samedi 27 mai 2017

Lire : à ceux que les questions de métier intéressent


Le changeur d'argent et sa femme (détail) / Marinus van Reymerswaele / Prado / Madrid

La manière dont le monde des apparences s’impose à nous et dont nous tentons d’imposer au monde extérieur notre interprétation particulière fait le drame de notre vie. La résistance des faits nous invite à transporter notre construction idéale dans le rêve, l’espérance, la vie future en laquelle notre croyance s’alimente de tous nos déboires dans celle-ci. (Gide, Les F.-M.)

 "J’ai travaillé très longtemps à Les Faux-monnayeurs. Je crois que nombre de jeunes gens ne savent plus aujourd’hui ce que c’est de porter longtemps une œuvre en soi. Je me trompe et j’ai dû le dire, c’est une affaire de dates, c’est à vérifier. Il me semble que j’ai travaillé pendant plus de six ans aux Faux-Monnayeurs. J’avais le sujet-même en moi depuis bien plus, six ans, mais enfin le travail, quand j’ai commencé à les écrire, eh bien je crois que ce travail a pris plus de six ans.
Je me souviens de certaines choses, c’est que j’avais commencé, au…. mettons au chapitre trois ou quatre, et que j’ai dû... je me suis rendu compte qu’il fallait revenir et partir en arrière depuis plus loin que je ne l’avais fait d’abord. " 
[Entretien avec Jean Amrouche/ 1947 / extrait diffusé à La compagnie des auteurs.]


André Gide a 56 ans quand il publie en 1925 ce qu’il appelle son « premier roman » (il considère ses précédentes publications comme des récits ou des "soties"). Cet ouvrage est l'aboutissement de toute une œuvre. « Il me faut pour bien écrire ce livre me persuader que c’est mon seul roman et mon dernier livre », note-t-il dans Le Journal des Faux-monnayeurs**. 
Ce Journal, ce sont les deux cahiers qu'il a tenu en parallèle de l'écriture de juin 1919 à juin 1925. Il y a noté ses difficultés, ses interrogations, au fil de cette longue et laborieuse rédaction. La préface nous interpelle : 

"J’offre ces cahiers d’exercices et d’études à mon ami
JACQUES DE LACRETELLE
et à ceux
que les questions de métier intéressent."

Deux extraits :

"Je viens d'écrire le chapitre X de la seconde partie (le faux suicide d'Olivier) et ne vois plus devant moi qu'un embrouillement terrible, un taillis tellement épais, que je ne sais à quelle branche m'attaquer d'abord. Selon, ma méthode, j'use de patience et considère la touffe longuement avant d'attaquer."(p.40)


"Le mauvais romancier construit ses personnages ; il les dirige et les fait parler. Le vrai romancier les écoute et les regarde agir ; il les entend parler dès avant que de les connaître, et c’est d’après ce qu’il leur entend dire qu’il comprend peu à peu qui ils sont." (p.38)



** L'imaginaire, Gallimard, 1995 (1ère éd. en 1927)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire