dimanche 17 décembre 2017

Lire : décembre dans le Montana




Je suppose qu’elles sont aussi rapaces et mercenaires que n’importe quels enfants du monde – pas question de penser les satisfaire avec une orange dans leurs chaussons et, les années fastes, un gros sucre d’orge - mais je ne peux pas m’empêcher de rire en lisant la liste de Lowry : un crayon et un taille-crayon, une poupée Barbie (je sais, je sais) et, étrangement, un flacon de blanc correcteur. Même la liste de Mary Katherine a quelque chose de rassurant : des livres et des CD, une nouvelle paire de bottes et des lunettes de ski. [Journal des cinq saisons, Folio, p.577]

En décembre, Rick Bass partage son temps entre le spectacle de Noël, une « affaire importante », où chaque année toute la communauté se rassemble « même les ermites les plus farouches » et l’excursion dans les bois avec ses filles pour aller chercher le sapin qui fera l’unanimité (et dieu sait si la recherche du spécimen parfait parmi tous les sapins de Douglas se révèle délicate), sans oublier une longue expédition, pour aller chasser du gibier à plumes, seul avec ses deux chiens, Point et Superman. Comme un enfant écrivant sa lettre au Père Noël, son rêve, c’est de voir un faisan s’envoler, emportant de la bonne poudreuse derrière lui. « Un faisan avec ses plumes magnifiques », le voir monter « sur fond de neige de plus en plus haut et se perdre dans le bleu du ciel »!
Les faisans les plus proches se trouvent dans les grandes plaines, à un demi-Etat de distance, en direction de l'Atlantique, de l’autre côté de la ligne de partage des eaux. Alors, il part, bien avant l’aube, dans son camion. Il affronte le blizzard, les congères, le froid ressenti à moins trente degrés, les sorties de routes (les siennes et celles des rares autres conducteurs qu’il sera amené à croiser). Il part et sa virée va durer près d'une entière journée. Au retour, épuisé, il se met à calculer : « deux chiens, un chasseur, trois volatiles. Neuf cents kilomètres pour trois prises. Vingt-quatre heures pour trois oiseaux. Comment vous comprenez cela ? C’est incompréhensible. Ce n’est pas un calcul mathématique. C’est le moins qui est le plus, et comme dans un rêve, la lente déperdition vous enrichit. »

Lire les saisons de Rick Bass, mois après mois, c’est comme respirer à pleins poumons un air provenant de territoires tellement vastes qu'ils sont impossibles à concevoir ici. C’est se sentir réconfortée tout à la fois par une prodigieuse banalité et par des expériences démesurées. C’est voyager très loin dans les étendues et en même temps très près de ses besoins secrets. 


Journal des cinq saisons, Bourgois, 2011 

1 commentaire:

  1. Coucou Dad. Je n'ai jamais lu Rick Bass. Mais d'après ce que tu en présentes, je crois que j'aimerais lire les aventures de ce bonhomme dans ces étendues gigantesques où le simple fait de sortir la voiture en hiver pour faire quelques kilomètres semble relever de l'exploit. Un peu comme en Valais quoi. :-))
    Bises alpines et belle fin de dimanche.

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