vendredi 5 mars 2021

Vivre : l'adieu aux armes

 
 Statue égyptienne / KHM / Vienne
 
On reçoit parfois de drôles de messages, pas drôles, pas même étonnants, qui ne font que vous conforter dans d'anciennes décisions. 
 
On n'avait plus vraiment de ses nouvelles depuis deux ans, exactement depuis qu'elle avait succédé à la personne qui nous avait succédé. Ce poste, on s'en doutait depuis un moment quand on y a renoncé, est un véritable fusible qui ne cesse de sauter. On a tenu six ans. On se demande comment. On s'en est tiré, oui, on s'en est tiré, on y a laissé des plumes mais on se sent soulagé de pouvoir dire qu'on s'en est tiré. Aujourd'hui, son message est long, bien plus long que d'habitude. Elle écrit : 
 
"Hello, vous deux, maintenant que c'est officiel et avant que vous l'appreniez par d'autres voies, voici un information dont je désire vous faire part :
Après 27 ans d'activités au sein de l'entreprise, je souhaite maintenant prendre une nouvelle direction hors de cette organisation, dans un parcours plus cohérent et holistique, autour de l'accompagnement de l'humain.
La raison de ma démission réside dans mon challenge, mon désir de m'éclater, d'être performante, mais sans m'oublier, en me centrant sur le présent, sur le maintenant. Je suis plus que jamais motivée et guidée par la curiosité, l'envie de créer, la liberté de saisir des opportunités qui ont du sens pour moi.
Mes projets ne sont malheureusement pas compatibles avec ma charge actuelle, ni avec la lassitude que la lourdeur de la structure a engendrée ni avec la manière qu'a l'entreprise de fonctionner, raison pour laquelle je lui ferai mes adieux le 31 juillet.
Voilà ce qu'il en est et, pour tout vous dire, mon annonce a généré un choc dans tous les étages de la maison... "
 
Elle est forte. Elle dispose de qualités certaines. Elle semblait souple et amplement qualifiée. Mais apparemment ce n'est pas suffisant. Il est des lieux qui broient, qui étouffent le talent, la créativité, l'envie de donner et de faire évoluer. Gros rafiot broyeur d'énergies et de volontés, l'entreprise a donc fini par avoir la peau de ses défis. Elle part avant qu'il ne soit trop tard, oui, avant qu'elle voie se laminer son désir d'apporter au monde son enthousiasme et de son rayonnement. Elle part tant qu'elle se sent des ailes pour voler.
 
Elle a trouvé autre chose, ailleurs, très loin, dans un autre domaine. Que les vents te soient favorables, L., et que la traversée te soit belle !
 

10 commentaires:

  1. Merci pour ce billet, qui revêt pour moi des aspects très réjouissants.
    Peut-être parce que j'ai personnellement vécu quelque chose de comparable,( et toi aussi je crois comprendre), ayant démissionné d'un poste important et envié lorsque j'avais la quarantaine. Tout simplement parce que les dynamismes personnels de ma vie m'entraînaient résolument vers autre chose qui ressemblait à ce que dit cette personne « l'accompagnement de l'humain » même si là où j'étais je vivais déjà cette dimension. Mais elle devenait bien trop étriquée.

    Et comme je n'ai jamais regretté un seul jour d'être parti, je ne peux que souhaiter à cette personne qu'elle épanouisse pleinement tous ses dons puisque comme tu dis « elle dispose de qualités certaines ».
    Je me souviens de l'exclamation spontanée du grand patron quand j'ai présenté ma démission : « ah non ! Pas vous ! ». Je pense que c'est le seul compliment qu'il m'aura fait, mais il s'est aussitôt ressaisi : « bon, alors vous verriez qui pour vous succéder à ce poste ? ».
    Et j'ai pensé : putain ! Je fais bien de me tirer !…

    Tout organisme ou entreprise, ou association qui n'est plus « à taille humaine » selon une expression fort juste, si on peut, il faut s'en aller ailleurs… ma décision de démissionner fut préparée pendant deux ans, avec des personnes compétentes. Soigneusement. On m'a dit que j'avais du courage de le faire ! Totalement faux. Aucun courage ! Juste un désir de vivre pleinement. Et le pire c'est lorsqu'on ajoutait : si je pouvais je ferai comme toi ! Et je répondais : bah alors qu'est-ce que t'attends, banane ! En réalité tu peux, mais tu n'oses pas.

    J'ajouterai une nuance à ton avant-dernier paragraphe. « L'entreprise a fini par avoir a peau de ses défis ». Il ne faut rien attendre des rafiots broyeurs à ce sujet. C'est du pipeau de faire croire que c'est dans ces machins immenses que l'on va assurer « la promotion professionnelle et humaine des collaborateurs ». Alors que la réalité c'est : « on va leur faire suer le burnous pour un maximum de profit pour nos actionnaires ». Parce que c'est ainsi que fonctionne le système. On ne le changera pas de sitôt. Donc il faut aller construire autre chose ailleurs.
    Alors oui, bravo à cette dame qui a raison de se tirer…
    et je lui souhaite une merveilleuse réussite et surtout un bonheur de s'accomplir.

    (Désolé d'avoir était long et de ramener ma fraise personnelle…)

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    1. Merci pour ton témoignage. Je crois - je ne sais pas si tu adhères - que nous sommes beaucoup à avoir vécu ce genre d'expérience, depuis la réaction de la hiérarchie, jusqu'à celle du collègue qui aimerait bien lui aussi, mais n'est pas capable de...
      Avec du recul, je me dis que j'ai peut-être trop fait confiance aux valeurs qu'on m'avait inculquées : efforts, investissement, loyauté et j'ai cru qu'en travaillant fort je ne pouvais que recevoir des quittances positives en retour et réussir. Grossière erreur. C'est bien plus complexe que ça (et plus tordu). Quant à "se réaliser par le travail", que l'on soit homme ou femme (mais je crois que les femmes sont encore plus invitées à ce genre de "réalisation"), ça me semble une vaste escroquerie. (Je parle bien entendu de travail salarié, en entreprise ou en institution)
      Au cours d'une existence, on donne au monde ce qu'on peut, ce qu'on veut et on reçoit en retour sur le plan global, dans un vaste système d'échanges qui a autant lieu sur le plan familial, personnel que professionnel. Et ce qu'on nomme "la réussite", c'est peut-être un ensemble d'éléments que chacun doit définir pour lui-même, en cherchant la voie qui lui convient le mieux. Il faut parfois tâtonner, mais il s'agit de suivre sa route. Et la plus grosse erreur qu'on pourrait faire, ce serait d'attendre la reconnaissance de l'extérieur : le salaire, l'ascension, les signes extérieurs de "réussite".
      L'idéal serait d’œuvrer, au sens noble du terme, donner au monde ce qu'on peut faire de mieux. Pour le reste... pff! du vent (mais du vent qui peut détruire certains, les user, les fatiguer, s'ils sont trop crédules)
      Cela dit, te souhaite une formidable soirée!

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    2. Je coïncide globalement à ta réponse.
      À propos de la reconnaissance, c'est un besoin légitime de la personne, au moins pendant la période de « construction de soi » qui ne s'achève pas un jour et même la construction est une permanence. Mais il y a des étapes. À mesure que l'on élargit l'assise de soi-même, le besoin n'est plus aussi grand, ni aussi exacerbé parfois. On ne l'attend plus de l'extérieur comme tu dis, simplement on reçoit cette reconnaissance lorsqu'elle vient naturellement. Elle devient comme une attestation que « ça va, on est sur le bon chemin ». C'est donc tout autre chose. Cela devient une forme de partage en complémentarité.
      Je ne sais si je me fais comprendre.
      Bon week-end Chère Dad.

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    3. Si je peux me permettre et sans être à côté de la plaque j’espère le besoin de reconnaissance dépend, il est vrai,je crois, du parcours de chacun et de ce qu’il a reçu dans son enfance, de l’estime de soi qui s’est alors construite. Ce peut être un très long chemin lorsque l’amour a manqué, le chemin de tout une vie.
      Mais chacun connaît les marques de reconnaissance dont il a besoin. A lui de reconnaître ses propres accomplissements car nul ne le fera à sa place. Si le regard des autres compte,certes, il procure néanmoins moins de satisfaction que la conviction d’être à sa place et le plaisir que l’on en retire tant dans la vie privée que professionnelle. Cela aussi est un long chemin.
      Bon Week-end à vous deux.

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    4. > Alain : La reconnaissance extérieure est une notion qui est assez délicate. Nous en avons tous besoin de regards positifs, de quittances favorables. Le seul problème c'est quand nous en dépendons trop, quand nous serions prêts à trop de compromis pour les obtenir. Bref, quand ce besoin est supérieur à notre estime de nous-même (ou quand nous faisons trop dépendre notre estime de nous-même de ces signes extérieurs). Si nous faisons trop de concessions pour obtenir des retours positifs sur nous, nous risquons fort de nous perdre de vue. Ce qui équivaudrait à vivre la vie d'un/une autre en somme. La difficulté réside justement dans la recherche constante d'équilibre : avoir suffisamment confiance en soi pour suivre son propre tracé et obtenir des autres des regards approbateurs nous indiquant que nous avons apporté au monde notre petite part de lumière. Je crois que, même si nous ne cessons jamais de tanguer, l'essentiel est de viser cet équilibre.
      Moi non plus, je ne sais pas si je me fais comprendre, mais cela ne m'empêche pas de te souhaiter une excellente soirée.

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    5. > Ghislaine : Je venais de terminer ma réponse à Alain, quand j'ai lu votre commentaire. Oui. Le lien entre reconnaissance (extérieure) et estime de soi est passablement entrelacé. Plus l'estime de soi est élevée (pas excessive : élevée) et moins on a besoin de recourir à la reconnaissance des autres. Et en même temps, si l'on n'a pas été suffisamment reconnu (durant l'enfance, mais pas seulement) il est difficile de pouvoir cultiver une bonne estime de sa personne. Si peu de gens ont reçu l'amour et l'attention souhaitables durant leur enfance, que cette problématique nous touche tous, à des degrés divers. L'âge adulte nous donne l'opportunité de chercher à être en adéquation avec qui l'on est. Mais il me semble que c'est le travail de toute une vie et parfois, comme pour L. , ce travail doit se faire à travers des ruptures et des prises de risques que les autres ne comprennent pas toujours, mais qui sont riches de sens pour nous au moment où nous les faisons.
      Belle soirée et beau WE!

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    6. Dad : tu soulignes avec justesse le côté délicat et il me semble bien comprendre. C'est ce que l'on appelle généralement « la dépendance affective » d'une part, et d'autre part, « la dialectique : authenticité personnelle / adaptation à la situation ».
      La problématique me semble-t-il n'est pas dans la recherche constante d'équilibre, car ça c'est une composante quotidienne de toute la vie. ( C'est forcément, par nature, difficile de vivre déclarait Scott Peck dans « le chemin le moins fréquenté » …)
      La problématique qui peut apparaître comme un insurmontable, c'est la gestion du déséquilibre et donc de ce que j'indiquais ci-dessus « la dépendance affective » qui pèse énormément dans le lourd plateau qui oblige à rechercher de manière exacerbée, voire sournoisement inconsciente, la reconnaissance et l'estime des autres pour survivre au détriment de soi-même.
      Lorsque la dépendance est intense, je ne vois guère comment faire autrement que recourir à une aide psychologique, qui permet de trouver ses assises personnelles, dans une relation thérapeutique, afin de faire émerger sa terre intérieure sur laquelle pousse la liberté de vivre. Ce que tu appelles avec justesse le « suffisamment confiance en soi pour suivre son propre tracé ».
      Mais qui le fait ? C'est une autre question…
      Belle fin de journée. Ici : grand soleil, mais glagla !

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    7. Je viens de lire ta réponse à Ghislaine. Il me semble que nous nous rejoignons…

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  2. Que peut-on souhaiter à cette personne si ce n’est le meilleur dans sa nouvelle vie?!
    Oui! Que les vents lui soient favorables.
    Belle soirée à vous.

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    1. Oui. Le meilleur : ses compétences mises au service d'un travail auquel elle croit et qui la stimule. Une envie de partir travailler le matin et un sentiment d'accomplissement en rentrant le soir.
      A vous également, une très belle soirée.

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