vendredi 29 avril 2022

Vivre : faire place

 
Étude pour Sif dans le Banquet d'Aegir / Constantin Hansen / Glyptotek / Copenhague

Il y a dans l'écoute quelque chose de miraculeux, d'émerveillant. Il y a dans la véritable écoute une présence (pas la présence polie, pas la présence de commande, pas la présence distraite, je suis là tout en étant ailleurs au même moment), non : une présence qui porte à l'empathie (la capacité à faire abstraction de soi pour se centrer sur la parole de l'autre), une présence dépourvue de préjugé (qui ne pose pas par avance de jugement sur le discours avant qu'il ait eu le temps de se dérouler, qui lui laisse tout le temps de se déployer), et c'est alors, dans cet espace généré, protégé, dans les pauses et les silences, dans l'absence d'angoisse (cette incorrigible angoisse qui fabrique des chaînes de mots destinés à combler, à frénétiquement saturer), c'est dans cet espace qui lui est totalement réservé, que l'Autre peut se dire, se découvrir et se trouver (qu'il est possible aussi de le rencontrer).

(Voilà les réflexions que je me faisais en écoutant le dialogue entre la femme qui écoutait et son interlocuteur qui parlait. Ce jour-là, j'écoutais, je les écoutais vraiment. Toute ouïe, j'étais, absorbant toutes les paroles qui dévalaient. Oui, ce jour-là j'écoutais combien il est bon de savoir écouter).

(Je me disais aussi que l'écoute et le regard ont des liens de fraternité : l'écoute est une manière de regarder, de regarder attentivement. S'adonner à la lecture, ou à la contemplation d'un tableau, c'est exactement la même chose qu'écouter. C'est permettre aux mots tracés, aux images dessinées de se dérouler et de prendre place dans le monde.)

(Je comprenais enfin pourquoi l'irritation, voire la colère, me saisissaient souvent devant la désinvolture et la distraction : j'avais le sentiment alors que par l'absence d'attention on empêchait les mots, et par conséquent les personnes qui les prononçaient, d'occuper leur place dans le monde).

2 commentaires:

  1. Jacques Salomé disait qu’écouter,c’est savoir se mettre en veilleuse, savoir se taire. Écouter, laisser son temps à l’autre, ne pas chercher à répondre, simplement entendre et lui laisser la place, toute la place. Donner de l’attention en toute bienveillance.
    Magnifique illustration, tant d’humanité dans ce regard et cette main attentive.
    Belle fin de journée.

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  2. Oui. Et nous passons notre temps à osciller entre faire place et prendre place. Car pour écouter il faut aussi avoir été entendu, écouté. Les véritables relations impliquent cet équilibre dans le don. C'est un jeu de réciprocité (à moins d'être dans une relation professionnelle impliquant l'écoute, Notre écoute est alors rétribuée et nous trouvons de l'écoute ailleurs, dans une supervision ou autre, pour parvenir à nous rééquilibrer).
    Ah! l'équilibre n'est pas évident, mais quel plaisir à converser... on est étonné par ce qui émerge et qu'on n'attendait pas.
    PS : moi aussi, j'adore ce portrait de Hansen : la femme a les yeux grand ouverts... comme des oreilles offertes à l'autre. Belle soirée.

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