mardi 5 avril 2022

Voir : transferts et addictions

 
Femme au miroir / Pablo Picasso / Granet XX / Aix-en-Pce
 
Ça y est. On recommence. On est repartis pour quelques séances. On est prêts à s'embarquer tous les soirs, mais on se limite et on s'efforce de ne pas penser à l'horrible sentiment de manque qui s'emparera de nous quand ça se terminera. Parce que fatalement, dans une dizaine de jours, ô horreur, ça va s'arrêter. Maintenant, pas question de replonger. Pas plus de trois séances par soirée. C'est la dose maximale autorisée.
Quelque chose flottait dans l'air depuis une ou deux semaines : la relecture de certains bouquins visant à l'intériorité, l'écoute en podcast de certains spécialistes de la psyché, l'émergence de quelques souvenirs qu'on croyait avoir remisés. Oui : on sentait que l'addiction maintenue en hibernation depuis janvier 2021 était toute prête à se réveiller.
En suivant - avec autant d'attention que le psy concerné, au point que parfois, quand il avance une hypothèse on y avait déjà soi-même pensé - en écoutant, on se dit qu'on accomplit un double travail. On regarde une série TV - la meilleure, la plus proche sans doute - et en même temps on se retrouve impliqué. 
On a testé la version américaine et on a failli s'endormir sur le divan. On a visionné l'israélienne, mais ça n'était pas trop notre tasse de thé, trop frontale, trop éloignée sans doute de notre manière de communiquer. On a regardé l'italienne, laquelle s'était révélée pas mal, mais un peu trop sentimentale, avec un je ne sais quoi de surjoué, on ne parvenait pas à s'identifier. Non. Cette version-ci est vraiment notre préférée, avec ses protagonistes qu'on sent véridiques. Ordinaires dans toute leur originalité.
Alors, on se réjouit tous les soirs de retrouver le Docteur Dayan, et Robin et Lydia et Inès et Alain. Sans oublier Claire, sobre accoucheuse de lumière.

Mais il n'y a pas que cela. En prêtant une oreille attentive, on éprouve quelque chose qui relève de l'empathie. Ou plutôt... rectification : il s'agit d'un phénomène plus fort que l'empathie. Certains personnages - en fait : tous, chacun à leur tour, à un moment donné - viennent nous parler de nous. Ils parlent pour nous. Analysants ou analysés, leurs mots trouvent un écho au  cœur de notre être, leurs intuitions ou leurs blessures nous rappellent celles que nous avons connues. Dans ce lien de proximité, ils disent exactement ce qu'on dirait si on se trouvait à leur place, assis en face à face, avec une personne compétente, prête à tout entendre, capable de tout comprendre et désireuse de nous faire avancer. 
Et c'est là que commence la seconde partie de cette deuxième saison : celle où l'on se retrouve soi-même sur le divan. Un divan mental, où l'on se raconte à soi-même des choses qu'on vient de comprendre. Les réminiscences, les connexions, les associations reprennent. Le travail intérieur se fait. Le puzzle est remodelé avec quelques pièces qui nous manquaient. A l'écran, quelqu'un a trouvé les mots pour nous dire et nous a en quelque sorte tirés d'une longue perplexité. Sur fond de pandémie, les masques sont en train de tomber.

C'est 80 euros, est-ce que cela vous convient ? Quand la question retentit pour le troisième fois, on éteint, on va se coucher et on est quasiment sûre que l'on s'apprête à rêver. On va faire un rêve - ou plusieurs rêves - que nous abriterons, qui résonneront en nous jusqu'aux prochaines consultations.

6 commentaires:

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    1. Eh bien, "inconnu", que le visionnement arrive tout bientôt!

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  2. Je n’ai rien à ajouter si ce n’est l’excellence de tous les acteurs et le charisme de Frédéric Pierrot. La série lui doit beaucoup me semble-t-il.
    Je n’ai pas commencé la saison 2 mais cela ne saurait tarder.
    Bonne continuation donc!

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    1. Comme vous, j'apprécie énormément Frédéric Pierrot. Il incarne parfaitement son rôle. Il "est" Dayan. Et les autres comédiens sont tous à la hauteur. La réussite de la série tient à leur performance globale, tout autant qu'au scénario, aux dia-mono-logues.
      J'apprécie aussi Gabriel Byrne et Sergio Castellito, deux très grands acteurs, eux aussi très adéquats. Ce qui m'est apparu en comparant les versions, c'est que la série est très ancrée dans la culture et le pays où elle est réalisée. Par les problèmes exposés, la manière d'exprimer les émotions, les traumatismes touchant la société, si bien que les autres versions peuvent paraître moins proches, suscitent moins d'empathie. Oui, une bonne continuation et pour vous : un bon début tout prochainement ! Belle soirée!

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  3. J'ai bien apprécié la première saison. On verra pour la suite…
    Frédéric Pierrot a vraiment beaucoup donné de sa personne. Son omniprésence à chaque épisode relève d'une forme d'exploit artistique
    Comme souvent, c'est la qualité du texte et le talent des acteurs pour le restituer et l'interpréter avec justesse qui fait la réussite d'ensemble.

    Maintenant, sur les pratiques thérapeutiques du Docteur Dayan… je resterai en silence… !
    Mais le plus important, c'est bien connu, c'est le travail intérieur et solitaire du patient dans la joie, la sueur et les larmes…

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    1. Oui, dans la "vraie" vie, la joie, la sueur et les larmes... un travail intérieur et solitaire... accompagné, toutefois, encadré, relancé... et la qualité de cet accompagnement bienveillant et attentif fait la valeur d'un thérapeute...
      La vraie vie, c'est pas du cinéma, mais le cinéma est un art qui comme tous les arts reflète à sa manière la vie...
      Belle journée!

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