dimanche 16 avril 2023

Habiter : une maison qui me ressemble

 

 Arbre et maisons / 1953 / Nicolas de Staël

N. vivait dans une maison superbe, une maison de ville conçue par un architecte de ses amis, dont la colonne centrale abritait les espaces réservés aux sanitaires, au rez comme au premier étage, et toutes les pièces tournaient autour de cet axe, réservoir de lumière et de distributeur d'espaces. Mon amie M. arrivée en visite de Catalogne, s'était exclamée  en parcourant les locaux : mais vous habitez dans des maisons incroyables! La maison de N. lui ressemblait : intelligemment conçue, ouverte, vaste, capable de dérouler toutes sortes de possibles et de s'adapter à toutes sortes de demandes. Mais N. nous avait annoncé ce jour-là qu'elle entendait la vendre : la maison ne lui convenait plus. Construite dans un complexe de huit habitats, pour des gens qui sans être forcément des amis, avaient les mêmes valeurs et les mêmes besoins,  elle était dotée d'une terrasse commune sur le toit et tous les balcons donnaient sur un grand jardin à partager. L'ensemble avait, au fil des années, des divorces et des déplacements professionnels, changé de propriétaires ou été confié à des locataires et le voisinage s'était insensiblement modifié à chaque mouvement. Il avait perdu ses couleurs, ses bruits et son harmonie. 

La maison que N. s'était choisie dix ans plus tôt venait lui dire que plus rien autour d'elle n'était comme avant. Elle devait changer d'environnement. N. était quelqu'un de formidablement doué, mais qu'elle avait besoin d'un milieu ami auquel se relier. Au risque de se perdre et de s'anémier. Il lui fallait partir vivre ailleurs avant de se déliter.  

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